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Dans une épreuve qui a vu la Chine s'imposer pour la première fois de l'histoire – la Russie avait remporté les sept précédentes éditions –, la France a bondi de trois rangs par rapport aux Mondiaux précédents en cassant la barrière symbolique des 90 points.

90 points. Elles les visaient, telles des « chasseuses », comme l'avoue Mathilde Vignères à la sortie du bassin. Mais quand la note s'est affichée sur l'écran géant de la Szechy Pool de Budapest (90,2667), leur joie a explosé. Et celle des coaches et de tout le camp français, tribunes comprises, avec elles. En décrochant cette note hautement symbolique, la France bondit de trois places dans la hiérarchie mondiale, dépassant notamment Etats-Unis et Grèce par rapport à l'édition précédente des Mondiaux. Certes, les notes ont monté de manière générale, comme le fait justement remarquer l'entraîneur Julie Fabre, la Chine s'imposant notamment avec 96,7 points, devant l'Ukraine (95,0) et le Japon (93,133). Mais les Françaises peuvent être fières de leur prestation. La nageuse Camille Bravard témoigne : « Je suis hyper fière de l'équipe et du chemin que nous avons parcouru à travers toutes les péripéties de l'année. Fière aussi de voir qu'entre les éliminatoires et la finale, la note monte et qu'on progresse. Finir cette compétition avec cette note... c'est dans la lignée de la semaine, après la quatrième place en finale technique (le 21 juin). C'est un score que nous n'avions jamais atteint. Je suis très contente ! »

(Photo : Deepbluemedia)

Ce 90, pour les Bleues, revêt une importance particulière. Franchir cette barre était « clairement l'objectif », confirme Camille Bravard. « On se l'est dit quand on a vu les scores des éliminatoires. Et même, ça fait pas mal de temps que, dans notre travail au quotidien, on se disait qu'il fallait que ça mène vers un 90. Ça concrétise tout le travail qu'on a mené. » De fait, la note monte d'un point depuis les éliminatoires. « Ça fait des années qu'on attend ça », lâche Mayssa Guermoud. « Ça se concrétise, les scores sortent enfin et, pour nous, c'est vraiment la plus belle des récompenses. » Mathilde Vignères commence tout doucement à savourer alors que l'interview se poursuit et un large sourire barre soudain son visage. « Énormément, énormément de fierté. Ce score, on se l'était fixé après les éliminatoires, effectivement. Auparavant, je n'aurais pas pensé que c'était accessible. C'est un aboutissement de l'année. Nous sommes très contentes et les coaches aussi. »

(Photo : Deepbluemedia)

Ce matin encore, dans la piscine d'échauffement, elles répétaient sans relâche. « On refait ! », intimait Laure Obry, l'autre coach des filles, au bord du bassin, gestes à l'appui. « C'est pas parfait, mais c'est pas mal ! », concédait finalement Julie Fabre, quelques mètres plus loin. Virginie Dedieu, à l'occasion des qualifications, n'avait pour sa part trouvé que très peu à redire sur le passage des Bleues : « Quelques hauteurs de portés, quelques formations qui pourraient être plus précises, mais c'était déjà vraiment pas mal ! » L'ancienne championne du monde a découvert l'évolution des Françaises à cette occasion. « Je ne l'avais absolument pas vue, même si je connais le thème, qui est l'art. J'étais très attentive à ce qui allait en ressortir car, quand on dit art, on aborde quelque chose de très riche, et j'avais peur que ce ne soit pas propre, a fortiori pour un nouveau ballet. C'est au contraire très propre, lisible, et j'ai été très agréablement surprise parce que les éléments artistiques ressortent bien, sont bien amenés. On voit bien les tableaux, on repère la Joconde, le Penseur, la fresque de Michel-Ange, d'autres œuvres... Certains tableaux ressortent vraiment très bien, et ce n'est pas au détriment de la technique. J'ai repéré deux ou trois grosses figures techniques qui marchent très bien, qui sont vraiment construites, avec des diagonales et une formation bien à huit. Et ça, c'est fort ! Avec une touche française, une originalité. On ne s'ennuie pas. Je n'ai vraiment pas vu passer le temps. Ce qui m'a plu aussi, c'est la tension avec la musique. Des blancs, des attentes, qui donnent une émotion particulière et nous font entrer dans le ballet. J'ai beaucoup apprécié, et ce dès le départ, cette musique, ces silences, qui mettent en valeur certains moments. » Le tout ponctué par la représentation d'un autre des tableaux les plus célèbres du monde, le Cri de Munch.

(Photo : Deepbluemedia)

L'Aixoise n'est pas la seule à avoir goûté l'accent artistique proposé par les Françaises. En tribune, les connaisseurs ont lâché quelques commentaires respectueux dès les qualifications, séduits par le travail tricolore. « Le matin, avant la compét', on essaie d'aller chercher le moindre détail », précise Mayssa Guermoud, dans la pure tradition de la synchro, avec de nombreux retours vidéo à chaque fin d'entraînement. « Aller chercher le petit truc, toujours plus haut. Alors quand la note sort, ce n'est que du bonus ! » Avec une saveur toute particulière au regard de la hiérarchie. « Franchement, nous sommes très contentes de passer devant les Grecques », souffle Laura Gonzalez. « Ça fait des années qu'on attend ça, qu'elles sont devant et que ça nous restait en travers de la gorge. Il y a toujours un peu de tension », s'amuse-t-elle. La France a, dans ce concert, soigné ses relations avec l'Espagne (quatrième avec 92,0 points). « Nous sommes très contentes de ce qu'elles ont fait », témoigne Camille Bravard. « Depuis que nous avons fait un stage avec elles, il y a quelques semaines au centre d'entraînement à Barcelone, nous sommes très proches. Tout le long de la compétition, entraînements compris, on s'est soutenues », dévoile la nageuse. Un des secrets, peut-être, de la progression française.

(Photo : Deepbluemedia)

« J'ai du mal à réaliser », sourit de son côté Laura Gonzalez. « Dans deux jours, je serai plus contente encore. Ça donne envie d'aller plus loin pour la suite. J'attends les championnats d'Europe avec impatience. » Ce sera à Rome, en août, où, par définition, Chine et Japon ne concourront pas. Où les Françaises continueront l'intense travail de préparation mentale consenti cette semaine et s'avanceront « convaincues qu'on est fortes, comme on l'a montré sur les éliminatoires du libre, sur l'équipe technique », assène Mayssa Guermoud, « et en ayant confiance en nous ». Avec dans le viseur Italie et Espagne, qui précèdent la France au classement ce jour. « Ces dernières années, nous avons beaucoup observé les concurrentes directes. Là, on va commencer à vouloir taper au-dessus », s'emballent les filles en éclatant de rire. L'appétit, dit-on, est une bonne maladie. « Aux championnats d'Europe, pour l'équipe technique, il y a une petite médaille à aller chercher... » En route pour Rome !

A Budapest, David Lortholary

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