Cette médaille d’or du 200 m nage libre, Charlotte Bonnet en rêvait depuis longtemps. Une quête qui s’est achevée ce lundi 6 août dans le bassin des championnats d’Europe de Glasgow. Partie en tête dès le début de la course, elle n’a jamais laissé le soin à ses concurrentes de s’imaginer sur la première marche du podium. Après des séries et des demi-finales à l’économie, la Niçoise a vraiment accéléré et cassé la barrière mythique des 1’55 (1’54’’95) en améliorant le record de la compétition détenue par la Suédoise Sarah Sjostrom (1’55’’30). Et si le plan mis en place par son entraîneur Fabrice Pellerin a fonctionné à la perfection, Bonnet voulait savourer ce titre avant de replonger dès demain matin pour les séries du 100 m nage libre.
Quel sentiment prime après ce titre continental ?
C’est un soulagement ! Le fait de nager les séries et les demi-finales sur la retenue était extrêmement frustrant. Je savais que c’était positif parce que ça m’a beaucoup servie aujourd’hui. Ce que m’a demandé de faire Fabrice (Pellerin, son entraîneur) était très difficile parce que j’ai acquis une vitesse naturelle et j’étais malgré tout obligée de me freiner dans la première partie de course et de laisser un peu les autres revenir dans la deuxième moitié. J’étais frustrée parce que je ne savais pas si je valais beaucoup mieux et s’il m’en restait vraiment sous le pied. Je me suis sentie vraiment très bien ce soir, et ce dès l’échauffement. J’avais trop d’envie que j’ai réussie à canaliser. C’était une journée particulière parce que mon copain nageait aussi (le Suisse Jérémy Desplanches, vainqueur du 200 m 4 nages) et on avait envie de faire les choses bien. On ne se le disait pas mais on avait envie que l’autre réussisse. Je suis contente pour moi, mais aussi pour lui.
Tu désirais ce titre plus que tout. Qu’est-ce que cela représente de le décrocher aujourd’hui ?
Je profite de ce moment déjà. Le podium passe très vite parce qu’on a envie de savourer au maximum. Mais je sais que le meilleur reste à venir, tous mes proches vont m’appeler et seront fiers de moi. (Très émue) Je ne sais pas quoi dire.
Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire
Comment s’est passée ta journée avant la finale ?
Il y avait du stress parce qu’après mon titre en petit bassin, j’étais très attendue. Et même si Fédérica (Pellegrini) n’a pas nagé et que Sarah (Sjostrom) ne fait plus de 200, j’avais vraiment envie de gagner ce soir et je savais que j’en avais les capacités. Je ne savais pas non plus ce que Femke (Heemskerk) valait, parce que je n’arrive jamais à évaluer son niveau sur les grands championnats. J’avais cette part d’incertitude, d’autant que je suis consciente de disposer d’une bonne vitesse, mais elle aussi. Et si mon retour est plutôt bon, le sien aussi. J’ai pris la course en main dès le début et ça l’a sans doute déstabilisée. C’était la meilleure manière de nager ce 200 m.
Le chrono est également au rendez-vous. T’attendais-tu à pouvoir passer si vite sous les 1’55 ?
Je savais que j’en étais capable. En nageant 52’’ au 100 m, je ne pouvais pas stagner en 1’55. J’aurai mis quatre ans à casser la barrière des 1’56 et même pas un an à passer celle des 1’55. Je suis vraiment contente parce qu’il y a des années, lorsque c’était plus compliqué, je me demandais si ça valait le coup de continuer à nager et en fait, lorsque je réalise ce genre de performances, je me dis que j’ai bien fait de m’accrocher.
Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire
Cela ouvre forcément d’autres perspectives.
Bien évidemment. J’en ai déjà ouvertes sur le 100 m et j’avais envie que ce soit le cas sur le 200 m. J’ai peut-être un moins bon retour que certaines, mais je ne pouvais pas perdre ce soir. J’aurais été déçue de prendre la deuxième place et je me l’étais d’ailleurs interdit. Je suis émue, beaucoup de sentiments se mélangent et ce n’est pas évident de mettre des mots sur ce que je ressens. Je suis contente pour tout le monde, mon entourage, Fabrice, ma famille.
Peux-tu expliquer pourquoi cela arrive maintenant alors que tu es en équipe de France depuis quelques années déjà ?
Plein de choses se sont passées dans ma vie et j’ai eu des déclics. Je le dois beaucoup au travail que j’ai effectué avec ma psy mentalement. Avant, j’étais incapable d’arriver dans un grand championnat en étant un peu sereine. J’avais toujours une énorme part de doutes et d’incertitudes. Désormais, j’arrive à canaliser tout ça. La preuve, j’ai même réussi à faire la sieste cet après-midi alors que d’habitude je n’arrive pas à dormir. Ça prouve que j’ai fait un énorme pas en avant et je la remercie pour ça parce qu’on a réalisé un gros travail dans ma vie personnelle et dans la natation. Sans elle, je ne serais pas championne d’Europe aujourd’hui.
Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire
As-tu souvent pensé à ce moment ?
Oui. De plus en plus. À mesure que la course approchait, je me demandais comment cela allait se passer. Je me suis posée plein de questions et au moment de toucher la plaque je me suis simplement dit : « Je l’ai fait ! » et c’était un énorme soulagement et une grosse satisfaction. Ce n’est pas facile d’exprimer tout ce que je ressens parce que je suis très heureuse et en même temps ma compétition n’est pas finie et je vais me recentrer sur la suite de mon programme. Ce n’est que le début, mais je l’ai. Je suis championne d’Europe !
Va-t-il être aisé de basculer dès demain sur le 100 m nage libre ?
Ça ne peut pas être plus compliqué, vu ce que j’ai vécu aujourd’hui. Je vais me présenter aux séries et je pense que ce sera facile. Ensuite, j’essaierais de faire une bonne sieste pour bien attaquer les demi-finales avant de tout casser en finale. C’est l’objectif.
Recueilli à Glasgow par J. C.