L’équipe de France a donc décroché 12 médailles aux championnats d’Europe de Glasgow (sept médailles en natation, quatre en eau libre et une en plongeon). Un bilan convaincant pour Julien Issoulié, Directeur technique national, mais dont il refuse de se satisfaire tant la marche qui sépare le niveau continental de la scène mondiale est élevée. Pour autant, et avec sa franchise habituelle, le technicien en chef de la natation tricolore n’a pas manqué de saluer les progrès enregistrés ainsi que l’ambiance qui a régné au sein du collectif national tout au long de la compétition écossaise. Une ambiance dont il refuse cependant de se satisfaire et qui ne doit en aucune façon occulter la nécessité de performance.
Que retenez-vous des championnats d’Europe de Glasgow (3-12 août) ?
Globalement, ces Euro se sont déroulés dans un format particulier. Le rythme des compétitions s’en est ressenti sans que cela n’altère nos résultats. Par ailleurs, je retiens que nous avons eu des athlètes engagés dans toutes les disciplines. Ce n’était pas le cas il y a encore quelques années. Nous avons de la densité ! Cependant, cette densité n’est pas encore suffisamment performante, contrairement, par exemple, à l’Italie ou à la Grande-Bretagne. Globalement, nous devons désormais augmenter notre niveau dans toutes les disciplines.
De quelle manière comptez-vous vous y prendre ?
Ça passe inévitablement et sans surprise par du travail, de la rigueur et de l’exigence au quotidien. Ce sera l’enjeu des prochaines années. Il n’y a que de cette manière que nous parviendrons à performer aux Jeux Olympiques de Paris en 2024.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Malgré tout, et il convient de le noter, toutes les disciplines enregistrent l’arrivée d’une nouvelle génération de talents. Il y a quelques années, on pointait du doigt le manque de relève. Il semblerait que la tendance se soit inversée cette saison.
Une réponse a été apportée, mais elle est encore fragile ! Nous avons des athlètes pour performer, mais ils ne sont pas encore assez nombreux. Il nous faudrait un vivier plus vaste. Aujourd’hui, l’ambition est encore trop souvent d’intégrer l’équipe de France. Ça n’est pas suffisant ! Le collectif national, c’est une chose, mais le très haut niveau, les podiums et les médailles, c’en est une autre. Voilà le message que nous devons faire passer.
A Glasgow, nombre d’athlètes ont souligné l’excellente ambiance qui a régnée au sein de l’équipe de France. On a d’ailleurs le sentiment que c’est l’esprit « équipe de France » qui a été réhabilité au cours de ces Euro.
Je refuse de jouer le jeu de la comparaison. La seule chose que je constate, c’est que tout s’est en effet bien passé au sein de l’équipe de France. Toutefois, l’ambiance, c’est une chose, mais ce n’est pas la raison du haut niveau (il s’interrompt)… Moi, quelque part, je préfère que l’ambiance baisse et que l’on remporte davantage de médailles. Les athlètes sont en équipe de France pour performer. Ne l’oublions pas !
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Dans deux ans, les Bleus s’envoleront pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Quel bilan faîtes-vous à mi olympiade ?
Je suis optimiste, c’est dans ma nature, et puis je vois les athlètes, leur talent et leur investissement. Je veux y croire, mais il ne faut pas se mentir : il va falloir travailler, se remettre en question et analyser notre fonctionnement dans le moindre détail pour progresser.
A titre personnel, cette fois, que retenez-vous de votre première année à la tête de la DTN ?
Déjà, que tout est passé vite (sourire)… Beaucoup de choses sont en train de se mettre en place. On travaille ! On avance ! Et puis, je crois que nous avons vraiment la chance d’avoir une fédération qui dispose de cinq disciplines magnifiques (natation course, natation artistique, plongeon, eau libre, water-polo, ndlr). On l’oublie trop souvent. L’esprit « équipe de France » devrait d’ailleurs reposer sur ce partage transversal. J’aimerais, à terme, qu’il n’y ait plus de différences entre les disciplines en compétition européenne ou internationale, mais qu’on soit tous ensemble et que l’équipe transcende tout le reste !
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Au détriment des clubs ?
Non, ce n’est pas ce que je dis ! Je vais vous donner un exemple : tout le monde sait que Charlotte Bonnet (quatre médailles à Glasgow dont trois en or sur 200 m nage libre et avec les relais 4x100 m nage libre féminin et le 4x100 m nage libre mixte, ndlr) est niçoise. Pourtant, on n’a pas tout ramené à ça pendant les championnats d’Europe de Glasgow. Charlotte s’entraîne à Nice, mais sa finalité est supérieure : elle vise les podiums internationaux ! Il faut veiller à ne pas tout confondre.
En parlant de Charlotte Bonnet, avez-vous l’impression qu’elle a franchi un palier à Glasgow ?
Elle dégage quelque chose, c’est évident ! C’est une jeune femme discrète au quotidien, mais une fois dans l’eau, elle devient une redoutable compétitrice. Charlotte, c’est une très grande championne ! A l’instar de Mehdy Metella d’ailleurs. Ce sont des athlètes hors normes. A nous de créer les conditions pour qu’ils continuent de progresser. Il y a sans doute plein de choses à inventer. Voilà aussi ce que j’aime dans mon travail : être au service de ces « monstres » de compétition et les aider à gagner !
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
En juillet, Barcelone a accueilli les championnats d’Europe de water-polo. Comment jugez-vous les performances des sélections masculine et féminine ?
Il me semble que les filles sont à un carrefour. Il y a quelques années, elles luttaient au-delà du top 6. A présent, elles sont septièmes européennes et commencent à se battre contre les formations de tout premier plan. La marche est énorme ! Ça ne va pas être simple, mais déjà, je constate qu’elles ont réalisé d’immenses progrès cette année. Dans le jeu comme dans l’engagement, la progression est évidente, mais ça n’est pas encore suffisant.
Qu’en est-il des résultats enregistrés par les garçons en Catalogne ?
Ils ont fini douzième, mais ils ont eux-aussi un cap à franchir. La question à se poser, maintenant, c’est comment pousser les curseurs de nos athlètes pour qu’ils puissent rivaliser avec les pays qui sont au-dessus d’eux ? Nos joueurs ont des qualités, nos jeunes aussi, mais jouer au water-polo le samedi soir et avoir un compte-rendu dans la presse le lendemain matin, ce n’est pas suffisant pour espérer performer avec l’équipe de France.
(Deepbluemedia)
En septembre prochain, l’INSEP va accueillir un collectif féminin de water-polo. Doit-on y voir un signal fort ?
C’est une manière de dire qu’il y a une vraie ambition sur le water-polo féminin. Aujourd’hui, il y a une fenêtre chez les filles, peut-être pas pour monter sur la première marche du podium olympique, mais pour jouer des quarts de finale, ça oui… C’est possible, il reste un peu de temps, donc il est temps de se mettre au boulot et l’INSEP est l’endroit tout trouvé pour réussir.
En natation artistique, le passage de huit à dix équipes semble avoir métamorphosé les nageuses de l’équipe de France.
En fait, je n’en suis pas convaincu… Sans doute que cela en fait partie, mais je crois surtout que l’organisation des Jeux de Paris en 2024 a soudé le groupe. L’équipe est jeune et elle a envie de se projeter vers l’avenir. Cette prise de conscience collective va leur permettre de s’inscrire dans la durée. Après, ça reste un sport de jugement où les habitudes ne se changent pas en une saison. Ça, il faut aussi l’avoir en tête.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Recueilli à Glasgow par A. C.