Honnêtement, et sans tourner autour du pot, on ne s’attendait pas à pareille moisson... Au Danemark (13-17 décembre), les nageurs (mais surtout les nageuses pour être tout à fait exact) de l’équipe de France ont écrit l’un des plus beaux contes de l’année aquatique en raflant pas moins de huit médailles (sept pour les filles et une pour les garçons), démontrant par la même aux sceptiques et aux mauvaises langues qu’après le retrait des principales têtes d’affiche (la dernière en date étant celle de Camille Lacourt, champion du monde du 50 m dos pour la troisième fois consécutive en juillet dernier à Budapest, ndlr), la natation tricolore conservait de sérieux atouts et une farouche volonté de truster les podiums (qui a dit que la natation française n’avait pas la culture de la gagne ?). Qu’on se le dise, les Bleu(e)s ont fait bien plus que compiler des breloques dans le nord de l’Europe. A Copenhague, les Français nous ont délivré une leçon de courage tout en faisant la démonstration d’une ambition intacte.
Ce titre, elle l’attendait, et nous, encore plus ! Des années qu’elle fait étalage d’une abnégation hors du commun, repoussant ses limites et rafraîchissant ses chronos à chacune, ou presque, de ses apparitions sur la scène internationale. Alors, quand on l’a vu prendre les commandes du 200 m nage libre des championnats d’Europe de Copenhague en petit bassin et ne plus les lâcher, on s’est dit, qu’enfin, Charlotte Bonnet allait coiffer sa première couronne continentale. « C'est juste fou », s’est enthousiasmé la Niçoise à l’issue de sa victoire. « C’est ma première Marseillaise et en plus je réalise un super temps (1’52’’19). Je suis vraiment très contente. Je repense à plein de choses. Tout ce que j'ai fait, tout le travail que j'ai effectué depuis des années. Aujourd'hui, je suis sur la plus haute marche du podium. Si on m'avait dit ça un jour, je n'y aurais pas cru. J'attendais cette victoire depuis cinq ans et, maintenant, j’ai juste envie de savourer. »
Charlotte Bonnet, championne d’Europe du 200 m nage libre (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Outre Charlotte Bonnet, difficile de ne pas saluer également le retour en forme de Marie Wattel. Après une saison post-olympique en demi-teinte, marquée notamment par une non-qualification aux championnats du monde de Budapest en grand bassin, l’ancienne nageuse de Fabrice Pellerin, qui s’entraîne à présent en Angleterre, a glané l’argent du 100 m papillon (55’’97, record personnel). « Pendant la finale, j'ai pensé aux détails techniques qui pouvaient faire la différence parce que j'avais fait quelques erreurs lors des séries et des demi-finales. Quand j'ai plongé dans l'eau, je me suis tout de suite sentie bien, tout s'est bien mis en place sur le premier 25 mètres, donc je n'ai rien lâché jusqu'à la fin. C'est ma première médaille internationale, qui plus est avec mon meilleur temps donc je suis vraiment très contente. J'ai beaucoup travaillé depuis l'année dernière et je suis contente que ça paye aujourd'hui. Je savais que j'en avais encore sous les pieds, mais pas de là à gagner sept dixièmes. Quand j'ai choisi de partir m'entraîner en Angleterre et en voyant que les techniques d'entraînement étaient très différentes j'ai un peu douté, je me suis dit soit ça passe, soit ça casse. J'étais prête à accepter que ça ne marche pas. Au final je suis super heureuse, je prends du plaisir à l'entraînement, j'ai des super camarades d'entraînement, je n'ai aucun regret ».
Marie Wattel, médaillée d’argent du 100 m papillon (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Et comment ne pas s’enthousiasmer devant la médaille d’argent de Lara Grangeon sur 400 m 4 nages et celle en bronze qu'elle a décroché sur 200 m papillon ? Après une année consacrée à l’eau libre, qui l’a notamment vue se qualifier pour le 25 km des championnats du monde de Budapest, Lara a retrouvé les bassins avec une envie qu’elle a su canaliser et concrétiser. « C'était une course difficile car il y avait de nombreuses concurrentes qui pouvaient prétendre au podium », a-t-elle déclaré à l’issue de son 200 m papillon. « Je savais que ça allait partir très vite. Il fallait que je reste concentrée sur ma nage et c'est que j'ai réussi à faire donc je suis très satisfaite. Cette médaille représente autant que celle sur le 400 m 4 nages. Depuis que je suis arrivée en métropole pour faire de la natation à haut niveau le 4 nages et le papillon sont les deux épreuves que j'ai le plus travaillées. »
Lara Grangeon, médaillée d'argent sur 400 m 4 nages et de bronze sur 200 m papillon (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Au rayon des satisfactions, il convient aussi de noter la médaille de bronze de Fantine Lesaffre sur 400 m 4 nages, mais aussi et surtout les deux médailles glanées en relais : 4x50 m 4 nages mixtes (Bonnet, Henique, Stravius, Bussière) et 4x50 m 4 nages féminin (Bonnet, Henique, Cini, Wattel). Une réussite collective que n'a d'ailleurs pas manqué de commenter Mélanie Henique, capitaine du collectif féminin à l'occasion de ce rendez-vous continentale en petit bassin : « Nous les filles, on a un très bon bilan sur ces championnats d'Europe. La natation féminine française est très en forme. C'est génial parce que personne ne nous attendait et on arrive à surprendre tout le monde. C'est de bon augure pour cet été, il va falloir continuer à travailler. Ça fait un moment qu'on commence à toutes se connaître et aujourd'hui je suis très fière d'elles et de ce qu'on a fait cette semaine. Et c'est vraiment bien de terminer avec une médaille en relais ».
Mathilde Cini, Mélanie Henique, Marie Wattel et Charlotte Bonnet jubilent : elles viennent de décrocher le bronze dans l'épreuve du relais 4x50 m 4 nages (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Jérémy Stravius, Mélanie Henique, Théo Bussière et Charlotte Bonnet célèbrent le bronze du relais 4x50 m 4 nages mixte (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Chez les garçons, on retiendra surtout la médaille de bronze du "taulier" Jérémy Stravius sur 50 m dos. « Je suis venu à Copenhague sans être tout à fait préparé au petit bain », livrait l’Amiénois avec sa franchise coutumière. « Je n'avais pas assez travaillé tous les points spécifiques au petit bain comme les départs, les virages, les arrivées etc. J'ai plutôt travaillé la caisse dans l'eau et la force hors de l'eau donc je ne pouvais pas m'attendre à beaucoup mieux sur ces championnats, mais j'ai quand même deux médailles donc je suis assez satisfait (le bronze du 50 m dos et celui décroché avec le relais 4x50 m 4 nages mixte, ndlr). J'ai juste toujours un petit regret de ne pas avoir un titre individuel. L'an dernier, il m'a échappé aux Mondiaux, là, il m'échappe encore et à chaque fois il ne manque pas grand-chose. Je ne peux quand même pas être déçu parce que j'ai donné le meilleur de moi-même et je me suis rapproché de mon meilleur temps sur le 50 m dos. »
Jérémy Stravius, médaillé de bronze sur 50 m dos (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Mais au-delà des médailles, des chronos, des records et du pur bilan comptable de cette semaine danoise, Jérémy Stravius, capitaine de l'équipe de France, tenait surtout à rendre hommage à ses partenaires et à saluer leur état d'esprit : « Tous les jours je leur ai répété de ne rien lâcher jusqu'au bout parce que c'est comme ça que certaines médailles nous échappent parfois. Là, les filles ont parfaitement illustré cet état d'esprit. Il y a une nouvelle génération qui arrive. Je suis content que l'on puisse intégrer les plus jeunes avec les plus anciens. J'espère la même chose pour les garçons. C'est sûr qu'il y a du travail, je pense qu'on était tous plus tournés vers le grand bain donc on peut s'attendre à de meilleurs performances à Glasgow. »
A. C. et J. C.