À 26 ans, Jordan Coelho s’apprête à tourner la page de la natation. À Chartres, il dispute la dernière compétition de sa carrière. Le papillonneur a décidé de prendre sa retraite et de se concentrer sur sa famille qu’il a construite il y a sept mois avec la naissance de sa fille. Heureux de vivre ces derniers moments au bord des bassins, Coelho s’est confié sur sa carrière, ses meilleurs moments comme ses regrets, sa nouvelle vie et ses projets de reconversion.
Comment vis-tu cette dernière compétition ?
Je prends beaucoup de plaisir sur cette dernière compétition. Je suis content parce que ça fait une sélection et que c’est toujours un honneur de porter le bonnet de l’équipe de France. Je suis soulagé également parce que mon projet de vie prend forme. J’ai hâte de passer à la suite.
Pourquoi avoir pris la décision d’arrêter ta carrière ?
Je suis devenu papa il y a sept mois et forcément, ça change la vie. Mon objectif était de continuer jusqu’à Tokyo en 2020 mais la naissance de ma fille a précipité les choses. Nous avons des projets de maison et d’installation qui ont été plus forts que le reste. Je suis fier de mon parcours et de toutes mes sélections en équipe de France. J’ai un petit regret par rapport aux compétitions internationales et notamment aux championnats d’Europe. J’aurais voulu accrocher ne serait-ce qu’une médaille de bronze. Sur 200 m papillon, je pense que ce n’était pas impossible. Mais j’ai raté le wagon après les équipes juniors où j’ai stagné à 1’57’’ et après c’était difficile.
C’est vrai que tu as très tôt réalisé de très bons chronos. Comment expliques-tu cette stagnation par la suite ?
Quand je suis arrivé, Franck avait arrêté depuis un moment et il y avait Christophe Lebon et Clément Lefert sur le 200 m papillon. J’ai progressé très vite en étant à l’INSEP. Je nage 1’57’’ en juniors. À cette époque-là, je nageais sans réfléchir en mettant simplement en application ce qu’on me demandait. À un moment donné le chrono descend un peu moins et forcément ça fait réfléchir. Je me suis concentré sur l’entraînement pour essayer de progresser mais ce n’est pas chose aisée. J’ai peut-être des limites physiques, mentales. Malgré tout, j’ai réussi à me qualifier aux Jeux Olympiques. C’était mon rêve. Personne ne pourra me l’enlever et je remercie vraiment tous ceux qui m’ont permis de vivre ça.
Jordan Coelho s'apprête à ranger le bonnet de l'équipe de France. (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)
Tu es parti à Antibes justement pour essayer de poursuivre ta progression.
Je voulais sortir de ma zone de confort. Pour autant je pars de l’INSEP en réalisant mes meilleurs chronos et je suis persuadé qu’il y avait encore des choses à mettre en place. Je souhaitais vraiment avoir un électrochoc et le choix de Franck me semblait logique parce qu’il est encore recordman de France sur la distance. Je ne regrette absolument pas mon choix. Ça m’a permis de réaliser une très belle année olympique même si j’ai souffert physiquement en fin de saison. Après les Jeux, je n’ai pas réussi à retrouver cette flamme. Peut-être parce qu’inconsciemment j’avais atteint mon objectif et qu’une fois réalisé je n’arrivais pas à m’en fixer d’autres suffisamment motivants. Ensuite j’ai repris une formation et avec ma femme nous avons rapidement eu le projet de fonder une famille. J’ai eu d’autres moments de plaisir. J’avais un peu moins de temps pour moi. Cette année était très difficile. J’ai failli arrêter avant les France de Saint-Raphaël et puis finalement je m’impose donc je suis très heureux. Mais ça n’a pas suffi. J’avais des images de ma femme et ma fille avec une petite vie tranquille et c’était plus fort que les émotions que peuvent me procurer la natation.
Durant toutes tes années en équipe de France, tu as connu l’âge d’or mais aussi des moments plus difficiles ces dernières années. Qu’en retiens-tu ?
Les premières années étaient incroyables. Lors de mes premières équipes de France, il y avait encore Alain (Bernard), Coralie (Balmy), Florent (Manaudou), Laure (Manaudou) aux Euro de Chartres en petit bain. Mais aussi Frédérick (Bousquet) et Fabien (Gilot). C’était des monstres. En partant en compétition nous étions sûrs de performer. Rien que le premier jour, le relais 4x100 remportait une médaille et nous rentrions tous dans notre compétition. C’était génial. Je me disais que j’avais envie d’apporter ma pierre à l’édifice et c’est pour cette raison que ça me laisse des regrets de ne jamais avoir réussi à remporter une médaille pour la France. Sur les équipes juniors ça a été le cas, mais jamais en équipe de France A et c’est ce qui m’a manqué. C’est vrai qu’au moment des Jeux Olympiques, l’équipe de France a été moins performante mais je ne suis pas inquiet pour autant. Il y a une belle délégation qui va s’envoler pour Glasgow et je vais être de tout cœur avec eux.
Si l’Open de France est ta dernière compétition, tu as récemment participé aux Jeux Méditerranéens. Était-ce en quelque sorte ton jubilé ?
C’était un peu bizarre parce que je savais qu’il y avait l’Open après. J’aurais peut-être pu terminer là-dessus. C’était vraiment une belle compétition et c’était la seule que je n’avais jamais disputée. Je me suis régalé et j’ai réalisé des meilleurs temps qu’aux France sauf sur 200 m papillon. Je m’entraîne un peu moins depuis quelque temps donc c’est difficile de garder la forme. J’étais très content et j’ai nagé relâché parce que je me suis posé beaucoup de questions tout au long de l’année et le fait d’avoir tranché m’a permis de me libérer.
Jordan Coelho. (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)
À quel moment as-tu pris ta décision ?
À Saint-Raphaël, je me posais encore la question. Mais ensuite, j’ai su qu’avec la nouvelle mise en place des pôles France, il serait compliqué pour Antibes de me garder. J’ai donc effectué ma demande pour retourner à l’INSEP et m’entraîner avec Michel Chrétien. Deux jours avant la commission j’ai bien réfléchi et je me suis rendu compte que je n’en avais pas envie. J’ai donc appelé Michel pour retirer ma candidature parce que j’avais d’autres images en tête et d’autres projets.
Tu prends ta retraite à un âge où la plupart des gens entrent dans le monde du travail. Comment abordes-tu cette nouvelle vie ?
J’appréhende l’après et le fait que tout s’arrête. Tu passes d’un système où tout tourne autour de toi à une vie avec des responsabilités. À chaque fois on se dit que c’est difficile de se motiver pour aller à l’entraînement mais je pense que je vais vite me rendre compte que c’était la belle vie. Nager pour l’équipe de France c’était un vrai plaisir et ça restera les plus belles années de ma vie.
As-tu déjà une idée de reconversion ?
Je sais où se situe mon projet de vie. Avec ma femme, nous sommes en train de chercher une maison et un travail en Vendée. Elle y est originaire. Je cherche dans la préparation physique et j’espère rester dans le milieu du sport. Je dispose d’une licence STAPS entraînement et d’un BP métiers de la forme. Que ce soit la natation ou un autre sport, c’est un environnement qui me plait et qui a été le fil conducteur de ma vie. Ça ne sera pas facile de s’en détacher. Le sport c’est une école de la vie. La natation m’a apporté beaucoup de choses et j’espère que les entreprises sauront me faire confiance grâce à ça et à mon passé de sportif de haut niveau. Je suis serein. Je me suis formé et j’ai des compétences. À moi de les faire valoir.
Recueilli à Chartres par J. C.