Alaïs Kalonji est la nouvelle pépite du plongeon tricolore, la digne héritière de Laura Marino, sacrée championne du monde du Team Event avec Matthieu Rosset à Budapest en 2017. La Rennaise, gymnaste de formation, a profité de la coupe du monde organisée à Tokyo, début mai, pour poinçonner son ticket olympique sur l’épreuve du 10 mètres. Dix-huitième des éliminatoires (260,60 points), la voltigeuse de 23 ans a pris la dernière place qualificative pour les demi-finales et donc pour les Jeux de Tokyo, ses premiers avant le rendez-vous parisien de 2024. Engagée aux championnats d’Europe de Budapest sur la plateforme, Alaïs Kalonji tentera de confirmer son éclosion sur la scène mondiale en emmagasinant de l’expérience dans l’optique de l’échéance japonaise.
Dans quel état d’esprit abordes-tu ce championnat d’Europe (Alaïs entrera en lice le jeudi 13 mai à 10 mètres, ndlr) ?
Après la qualification olympique, je me sens bien (sourire)… Pour tout vous dire, je n’en reviens toujours pas ! Pour autant, j’ai envie de tout donner sur cette compétition pour faire mieux qu’au Japon. J’aborde ce rendez-vous comme une grande répétition des Jeux de Tokyo. J’ai à cœur d’être régulière sur tous mes plongeons et de tenter mon renversé, un plongeon qui me préoccupe un petit peu. J’ai vraiment envie de progresser sur celui-là.
D’autant que la pression sur ces Euro est sans doute moindre que la semaine dernière au Japon.
Oui, c’est sûr que ça n’a rien à voir ! Reste que l’ambition est tout aussi élevée. J’ai envie de bien faire, mais l’enjeu n’est pas du tout le même. A Tokyo, je jouais ma qualification olympique alors que je n’avais pas disputé de compétition internationale depuis plus d’un an (sa dernière apparition sur la scène mondiale remontait au Grand Prix FINA de Rostock en février 2020, ndlr). De se retrouver dans la piscine olympique, ça n’a pas été simple. Il y avait beaucoup de stress, mais au final, tout s’est bien passé. Le travail accompli tout au long de l’année a porté ses fruits.
Ne manquais-tu pas de repères au moment de plonger à Tokyo, qui plus est dans une piscine avec un plafond très haut, contrairement aux conditions d’entraînement qui sont les tiennes à Montreuil (l’INSEP ne dispose pas d’une plateforme, ndlr) ?
C’est sûr ce que sont deux environnements totalement différents. Cette saison, nous avons fait beaucoup de simulations de compétition. Je crois que cela m’a énormément aidé au moment d’aborder la coupe du monde à Tokyo. J’étais prête en montant sur la plateforme. Je n’ai jamais douté.
Comment as-tu géré le stress ?
Encore fois, c’est le travail réalisé en amont qui m’a permis d’évacuer la pression. J’étais confiante. Je me sentais en forme. Bien sûr, il y avait de la pression, mais elle est inhérente au sport de haut niveau. Pour autant, je n’ai pas perdu mes moyens. Je crois d’ailleurs que le travail réalisé avec la préparatrice mentale Cécilia Delage s’est avéré particulièrement efficace. Grâce à elle, j’ai appris à profiter de la compétition tout en me donnant à 100%.
Alaïs Kalonji en compagnie de Matthieu Rosset et Alexis Jandard, les trois plongeurs tricolores qualifiés pour les JO de Tokyo (FFN).
Qu’as-tu ressenti en prenant conscience que tu étais qualifiée pour les Jeux olympiques de Tokyo ?
De l’extase ! J’ai pleuré avec Fred (Frédéric Pierre), mon entraîneur. J’étais aux anges, mais sans y croire (sourire)… C’est un sentiment indescriptible.
Les Jeux, c’est un rêve de gamine ?
Je rêve d’y participer depuis que je suis toute petite. Se dire que je vais y plonger dans quelques semaines avec Alexis (Jandard) et Matthieu (Rosset), c’est juste incroyable !
Depuis la retraite de Matthieu Rosset et Laura Marino, on entend souvent dire que le plongeon tricolore est en perte de vitesse. Or, on s’aperçoit que cette année, comme à Rio en 2016, il y aura bien trois plongeurs qualifiés à Tokyo. N’est-ce pas un signe que la discipline ne se porte pas si mal ?
Il y a une relève, c’est certain ! Je pense notamment à Jade et Naïs Gillet. C’était incontestablement une année difficile. Il a fallu s’accrocher très fort à nos rêves, mais personne n’a baissé les bras. Avec Alexis (Jandard), cela fait maintenant quelques années que nous participons à des compétitions internationales. L’apprentissage du haut niveau est long. Il faut mûrir comme athlète, mais aussi comme individu.
Matthieu Rosset est finalement revenu au plongeon l’année dernière. Il sera, lui-aussi, de l’aventure olympique. Qu’est-ce qu’il t’a apporté dans ta progression ?
J’ai de la chance de m’entraîner avec lui, mais c’était aussi le cas avec Laura Marino et Benjamin Auffret (qui a récemment annoncé sa retraite pour entamer une formation de pilote de chasse, ndlr). Rien qu’en les regardant travailler, j’ai appris beaucoup de choses. Niveau mental, ce sont des guerriers. Ils se focalisent sur leur objectif avec une force rare. Pour une jeune athlète, c’est très inspirant.
Qu’est-ce qui t’a séduit dans le 10 mètres ? N’est-ce pas un peu intimidant de s’élancer à 10 mètres ? Sans parler des chocs et des traumatismes ?
Oui, c’est sûr que ça peut impressionner, mais je me sens bien là-haut (sourire)… Je crois aussi qu’en tant qu’ancienne gymnaste, la reconversion a sans doute été plus facile à la plateforme qu’aux tremplins à 1 ou 3 mètres. J’ai répété mes gammes à ces hauteurs, mais je suis rapidement montée tout là-haut (sourire)…
Qu’est-ce qui a déclenché ce passage de la gymnastique au plongeon ?
J’ai arrêté la gym à 14 ans (2012) parce que je sentais que j’étais arrivée à un niveau que j’aurais du mal à dépasser. Un jour, j’ai été voir ma sœur jumelle à son entraînement de natation avec le CBPM de Rennes. Ce jour-là, Fanny Bouvet s’entraînait. J’ai été bluffée. Je me suis tout de suite dit : « Je veux faire ça ! ».
Comme ça, instantanément ?
Oui, tout de suite ! Un peu comme une révélation. Tout me plaisait dans ce sport. J’ai trouvé ça à la fois beau, impressionnant et excitant. Je ne vous cache pas que pendant mes premiers entraînements à 10 mètres je n’étais pas forcément très à l’aise, mais avec le temps on apprend à gérer nos appréhensions. Très rapidement, une routine s’installe et on y pense plus. On se concentre sur la dimension technique et on évacue le reste.
Dans trois ans, Paris accueillera les Jeux olympiques. Est-ce l’objectif ultime de ta carrière ?
Il faut avancer une étape après l’autre. Je vais d’abord savourer le plaisir de plonger à Tokyo. Là-bas, je vais tout donner et prendre le temps d’apprivoiser l’environnement olympique qui est unique au monde. Ce sera l’occasion d’emmagasiner de l’expérience. A Paris, j’aurais 26 ans. Je serai en pleine possession de mes moyens. A condition évidemment que le corps suive. Pour le moment, j’ai été épargnée par les blessures.
Alaïs Kalonji en 2016 lors des Euro de Londres (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Aujourd’hui, quels sont tes points forts et tes points faibles ?
Je pense que mes entrées dans l’eau sont très propres. Mon plus gros chantier, c’est l’augmentation de la difficulté de ma série de plongeons. Si je veux bousculer la hiérarchie et rejoindre les meilleures spécialistes de la planète, cela passera obligatoirement par des répétitions de plongeons à l’entraînement.
La méthode chinoise…
Oui, en quelque sorte (sourire)…
En France, la discipline est peu médiatisée. N’est-ce pas frustrant ?
Le plongeon est un sport magnifique. C’est à la fois artistique et acrobatique. C’est vraiment dommage de ne pas en parler davantage.
A ce titre, ressens-tu une responsabilité particulière ?
C’est sûr que si mes résultats peuvent faire briller la discipline en France, je ne vais pas m’en priver. Ce sera mon objectif à Tokyo, mais surtout à Paris dans trois ans. S’illustrer devant son public et sa famille, ça doit être quelque chose de fabuleux !
Pour cela, il faudra titiller les Chinoises.
A l’heure actuelle, ce sont les meilleures. Techniquement, elles sont vraiment très fortes. En France, nous avons toutefois des arguments à faire valoir. Nous sommes moins formatés. Chaque plongeur à un style affirmé. C’est quelque chose qu’il faut mettre en avant et cultiver.
C’est quoi le style Alaïs Kalonji ?
De belles entrées à l’eau et de la détermination (sourire)… Disons qu’à ce stade de ma carrière, c’est sans doute ce qui me définit le mieux.
A Budapest, Adrien Cadot