Petit, rien ne prédisposait Alexandre Camarasa a épousé une carrière de sportif de haut niveau. Minot de Marseille très timide et souvent sur le banc lors de ses premiers matches de water-polo, la pointe tricolore qui vient d’annoncer sa retraite sportive, s’est employé pour intégrer la grande équipe du Cercle des Nageurs de Marseille, devenir capitaine de l’équipe de France et disputer les Jeux olympiques. Comme il le dit si bien « la victoire aime l’effort ». Et des efforts, il en a réalisé un paquet. Déterminé et travailleur acharné, le « bison » a en plus réussi à concilier études et sport de haut niveau. Un modèle de rigueur et de reconversion qui souhaite transmettre son expérience aux jeunes athlètes français et qui est d’ailleurs leur représentant au sein du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF). Mais avant de se plonger pour de bon dans sa nouvelle vie, Alexandre Camarasa a accepté de revenir sur les moments marquants de sa carrière. Toujours avec le sourire et l’authenticité qui le caractérise.
Son entrée au Cercle des Nageurs de Marseille
"Je suis entré au Cercle à 6 ou 7 ans. Alex Jany, un ancien nageur, m’a fait passé un test de natation alors que les recrutements étaient terminés. Il m’a demandé de nager 50 m à fond. J’ai tout donné, j’ai du mettre 1h30 (rires), mais il a perçu chez moi cette volonté de vouloir bien faire. J’ai continué et je ne me suis jamais éloigné du Cercle. C’est un endroit unique et quasiment inaccessible. J’ai toujours regardé cet endroit avec de l’émerveillement. Lorsque j’ai eu cette opportunité d’y entrer je l’ai saisie. Je suis sorti de ce test de sélection tout rouge. Je faisais le même poids qu’aujourd’hui mais avec 1 mètre de moins (rires)."
Le passage au water-polo
"J’étais au Cercle depuis quatre ou cinq ans. Un jour après un entraînement, on avait bien nagé et notre entraîneur nous a envoyé un ballon pour que l’on s’amuse un peu. J’ai adoré le côté ludique de l’activité. D’autant que je n’avais pas vraiment un physique de nageur. J’ai donc demandé d’intégrer l’équipe de water-polo. J’ai immédiatement accroché et je voulais gagner avec mon équipe, mes amis. Déjà à cet âge là, on sentait l’esprit du Cercle, lorsqu’on se baladait avec l’équipement notamment. Il y avait cette pression et cette envie de bien faire. Nous figurions déjà parmi les meilleures équipes du pays dans notre catégorie d’âge. Je me souviens d’un tournoi à Angoulême avec des équipes venues de la France entière. C’était mes Jeux olympiques à moi. Je jouais avec le coeur et avec cette envie de me dépasser pour mes amis. Mais il faut dire que je ne jouais pas non plus énormément. Une fois, ils ont même pris une fille à ma place ! À cette époque, peu de monde aurait misé sur moi. Mais j’avais déjà cette volonté de ne rien lâcher. Je dis souvent que la victoire aime l’effort. Cette phrase résume bien ma carrière."
Les débuts d'Alexandre Camarasa avec l'équipe du CNM (le troisième en haut en partant de la droite) et notamment Mike Bodegas (1er en haut à droite). Photo: Alexandre Camarasa
Sa première équipe de France jeunes
"J’avais 15 ans et le sélectionneur était Gilles Madelénat. Nous avions participer à un tournoi et l’objectif était vraiment d’apprendre à se connaître. À l’époque il y avait déjà Mike (Bodegas) et Mehdi (Marzouki). C’est une immense fierté de jouer pour l’équipe de France. J’ai toujours trouvé cela exceptionnel. Je chantais chaque Marseillaise à tue-tête. Encore une fois, à cette époque là, il y avait une grosse équipe et je ne jouais pas trop. J’étais beaucoup sur le banc à préparer les limonades (rires). J’ai pris beaucoup de plaisir à évoluer avec ce groupe."
Alexandre Camarasa (au fond à droite) lors d'un rassemblement équipe de France jeunes avec notamment Mike Bodegas et Mehdi Marzouki (Photo: Alexandre Camarasa).
Ses premiers matches avec l’équipe première du CNM
"L’entraîneur était Nikola Stamenic, un Serbe qui était l’un des plus grands entraîneurs de l’histoire du water-polo. Il a véritablement révolutionné le water-polo au CNM. Il est arrivé avec les Russes vice-champions olympique dans ses valises. J’ai commencé à m’entraîner un peu avec eux et j’ai disputé mon premier match. C’était à Tourcoing dans la fameuse piscine que l’on appelle « le couloir ». Elle doit faire 100 m de long et 10 m de large. Je marque mon premier but durant la rencontre et j’exulte. Le coach m’a immédiatement rappelé sur le banc en me demandant de me calmer un peu. Mais j’avais 15 ans et j’étais tellement heureux de marquer pour mon club."
Son départ à Aix les Bains.
"C’est ma seule expérience loin du Cercle. Et encore je n’étais pas si loin puisque je m’entrainais toute la semaine à Marseille et je partais le week-end pour disputer les matches avec Aix. J’ai eu beaucoup de temps de jeu et cela m’a permis d’accumuler beaucoup d’expérience. J’évoluais dans un bon groupe, avec de nombreux jeunes et nous étions très bien encadrer. J’avais vraiment besoin de jouer pour avancer. Grâce à cette pige, je suis revenu plus fort au Cercle l’année suivante."
Son retour au Cercle
"Je reviens pour la saison 2007-2008 et nous devenons champion de France à l’issue de la saison avec Petar Kovacevic sur le banc. Revenir et jouer pour son équipe, en gagnant un titre en plus, c’est un rêve. Nous avons vraiment réalisé une très belle saison. Et c’est une année charnière parce que je débute également avec l’équipe de France A, dirigée aussi par Petar Kovacevic. C’est vraiment là que ma carrière s’accélère, sans oublier les études que je n’ai jamais arrêtées."
Le long chemin vers Rio
"Beaucoup de gens pensent que la qualification olympique s’est construite en 2015. Mais cela faisait plus de dix ans que nous nous préparions pour atteindre les JO. Et nous avons connu de nombreuses désillusions comme la défaite à la dernière seconde contre la Macédoine. Sur le coup, toutes ces défaites ont été très difficiles à digérer, et c’est encore le cas aujourd’hui’hui, mais ça nous a forgé et mis en condition de pouvoir performer. Après toutes ces déconvenues et ces qualifications manquées pour les championnats d’Europe, nous ne voulions plus perdre. On charbonnait lors de stages aux quatre coins de l’Europe dans des conditions pas toujours faciles. Mais on ne s’est jamais plaint. Tout cela nous a donné la gnaque pour y arriver."
Le début de son capitanat en équipe de France
"Je deviens capitaine de l’équipe de France en 2014 lors du match France-Italie à Aix-en-Provence. Je ne m’y attendais vraiment pas, c’était une grande surprise et une grosse responsabilité. J’ai tout donné une fois de plus pour l’équipe. Si je devais recommencer, je changerais peut-être certaines choses, mais je remercie tous mes coéquipiers. J’ai toujours essayé de faire avancer le bateau du mieux possible et cela m’a peut-être joué des tours à certains moments mais encore une fois je ne retiens que le positif."
Alexandre Camarasa en 2014 avec le bonnet de l'équipe de France (Photo: Roikiine).
La qualification olympique
"Honnêtement, j’en ai encore des frissons aujourd’hui et presque les larmes aux yeux. C’est un tel accomplissement. Nous avons vécu une aventure incroyable avec des gens incroyables. On l’a fait ensemble, en équipe. Chacun a mis sa pierre à l’édifice. Peu de personnes y croyaient mais nous étions sûrs de nous. Et nous avons exulté à l’issue de la séance de tirs aux buts contre les Pays-Bas. C’était un cadeau aussi pour nos proches qui nous ont toujours soutenus. Et puis nous avons marqué l’histoire de notre sport en nous qualifiant pour la première fois depuis 24 ans. C’était mon rêve de participer aux JO, je n’osais même pas me dire que ça arriverait un jour. C’était vraiment exceptionnel avec cette équipe, ce coach (Florian Bruzzo), Julien Issoulié. Nous étions vraiment une bande de potes et on a réalisé notre rêve ensemble."
Les Bleus célèbrent leur qualification olympique à l'issue du TQO de Trieste (Photo: Michel Dumergue/FFN).
Les JO
"Les JO, c’est la démesure. Nous nous sommes battus pour pouvoir participer à la cérémonie d’ouverture et en termes de cohésion d’équipe et d’énergie ça nous a boosté. Marcher dans le Maracana de Rio avec le survêtement de l’équipe de France, donner le drapeau à Teddy Riner, avancer derrière lui, ce sont des souvenirs magiques. La photo d’équipe que nous avons prise lors de la cérémonie d’ouverture est à côté de mon lit. Je m’en souviendrai toute ma vie."
Les Bleus lors des Jeux olympiques de Rio (KMSP/Stéphane Kempinaire)
Sa triple opération après Rio
"Depuis deux ans, j’avais une blessure assez importante et en rentrant des Jeux je me suis fait opéré des deux hanches et d’une pubalgie. Je suis passé de l’excitation des JO à ne plus pouvoir me lever de mon canapé. Je n’arrivais même plus à mettre mes chaussettes. Ça a été une période très difficile pour moi. Est-ce que j’allais pouvoir remarcher normalement ? Reprendre une activité physique ? J’avais l’impression que c’était la fin. Mais il y avait les championnats du monde de Budapest à l’été 2017. J’ai été opéré pour la dernière fois en novembre 2016 et j’ai ensuite entamé une course contre la montre, avec des allers-retours à Capbreton pour effectuer ma rééducation. Je me suis donné à fond et j’ai disputer mon match de retour en février ou en mars, avant de m’envoler pour Budapest avec l’équipe de France."
Le titre européen avec le CNM en 2019
"Nous sommes « À jamais les premiers » comme on dit ! Gagner une coupe d’Europe avec mon club de toujours, c’était mon rêve. J’avais des propositions de l’étranger, mais je voulais gagner une coupe d’Europe avec Marseille. Lorsque je disais ça, certaines personnes rigolaient. Mais on a réussi avec une équipe magique, c’était beau. En finale, on gagne d’un but à Marseille et on tient le match nul au retour. Il y avait un public de dingue contre nous mais on a tenu jusqu’au bout. Au retour, c’était la fête, ma femme qui était enceinte m’a accueilli, et il y avait toutes nos familles à l’aéroport. Ça reste l’un de mes plus beaux souvenirs et une grande fierté."
Alexandre Camarasa lors de la victoire de Marseille en coupe d'Europe (Photo: FFN)
Recueilli par Jonathan Cohen