Alors que Marc-Antoine Olivier débute ses Jeux olympiques à Tokyo cette nuit (23h30 heure française) avec le 10 km, nous vous proposons de (re)découvrir un entretien qu'il nous avait accordé pour le Natation Magazine.
En l’espace d’un an et demi, Marc-Antoine Olivier, 25 ans, sera passé par toutes les émotions : de la satisfaction d’une victoire éclatante sur le 10 km de la coupe du monde de Doha le 15 février 2020, à la stupéfaction du premier confinement (17 mars-11 mai 2020) suivi du report des Jeux de Tokyo, puis d’un retour contrarié à la compétition lors des championnats italiens d’eau libre (août 2020), d’un premier titre national sur 10 km (Jablines, septembre 2020), à la barrière symbolique des quinze minutes sur 1 500 m nage libre franchie à deux reprises (Toulouse, Béthune) jusqu’à cette seconde victoire sur le 10 km de la coupe du monde de Doha (17 mars 2021). Un yo-yo émotionnel que la figure de proue de l’eau libre tricolore a mis à profit pour s’endurcir, innover et répéter ses gammes sans jamais perdre de vue son objectif olympique. Près de cinq ans après sa médaille de bronze aux Jeux de Rio, Marc-Antoine Olivier ne vise rien d’autre que l’or à Tokyo.
Il y a un an et demi, tu étais dans la forme de ta vie. Tu avais notamment remporté le 10 km de la coupe du monde de Doha avec plus de dix secondes d’avance sur tes principaux rivaux. Un écart faisant de toi l’un des grandissimes favoris des Jeux olympiques de Tokyo. Qu’en est-il aujourd’hui ?
C’est sûr que le premier confinement est mal tombé. Je me sentais vraiment très fort lorsque le président de la République l’a décrété (17 mars 2020). Il a fallu s’adapter afin de ne pas prendre trop de retard. Lorsque le déconfinement a été annoncé (11 mai 2020), j’ai repris le travail foncier avec Philippe (Lucas, son entraîneur à Montpellier) pendant deux mois avant de retrouver la compétition lors des championnats italiens d’eau libre (août 2020). C’est là-bas que j’ai réellement pu mesurer les conséquences du confinement.
Comment ça ?
On ne va pas se mentir, j’ai pris une claque sur le 10 km…
Une claque ?
Paltrinieri (Italie) m’avait mis quinze secondes dans la vue. D’une certaine manière, on peut dire qu’il m’a rendu la monnaie de ma pièce parce qu’à la coupe du monde de Doha, six mois plus tôt, c’est à peu près l’écart sur lequel je m’étais imposé. Je ne vous cache pas que ce jour-là, j’ai eu bien mal à la tête. Quinze secondes dans notre discipline, c’est abyssal ! Disons qu’il n’y a pas match à l’arrivée alors c’est forcément frustrant quand un nageur l’emporte avec autant d’avance. Heureusement, je m’étais rattrapé dès le lendemain en allant le chercher au sprint sur l’épreuve du 2,5 km.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Le 17 mars 2021, tu as remis les compteurs à zéro en t’adjugeant pour la seconde année consécutive le 10 km de la coupe du monde de Doha. Elle était importante cette victoire ?
Je suis un compétiteur. Moi, ce que j’aime, c’est gagner ! Et puis, je sais à quel point il est primordial de marquer les esprits avant un rendez-vous comme les Jeux. C’est pour ça que je tenais à rappeler à Paltrinieri, à Wellbrock (Allemagne), à Rasovszky (Hongrie) et à tous les autres qu’il faudrait compter avec moi à Tokyo.
Le chemin a été long ! De quelle manière s’est organisé le début de ta seconde saison olympique ?
Je me suis rapidement remis au boulot car Philippe avait constaté que les nageurs de son groupe avaient accumulé du retard. Les sensations et les performances ont rapidement suivi. J’ai notamment signé mon record personnel sur 1 500 m nage libre au meeting de Toulouse (14’59’’29 en novembre 2020, devenant ainsi le quatrième performeur français de l'Histoire sur la distance derrière David Aubry (14’44’’72), Damien Joly (14’48’’90) et Sébastien Rouault (14’55’’17), ndlr).
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Un record que tu as de nouveau amélioré au meeting de Béthune en février 2021.
En claquant 14’55’’19, j’ai réussi à repasser sous les quinze minutes (un chrono inférieur au temps de préqualification olympique sur le 1 500 m (14’55’’40), mais la performance ne sera pas retenue car le meeting de Béthune n'est pas labellisé FINA, ndlr). Ça m’a fait évidemment plaisir, mais ça m’a surtout rassuré.
Pourquoi ?
A Toulouse, j’ai compris que j’étais sur la bonne voie. Il y a eu quelques moments de doute la saison dernière, mais progressivement les choses ont pris sens. J’ai toujours eu confiance dans le travail réalisé avec Philippe, mais parfois, tu ne te sens pas au top dans l’eau. Ces jour-là, il faut faire abstraction des difficultés pour se concentrer sur l’entraînement.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Aux championnats de France d’eau libre à Jablines, fin septembre, tu avais pourtant fait montre d’une belle autorité en remportant les 5 et 10 km ?
C’est vrai que ça s’était bien passé ! D’autant que je n’étais pas affûté. Avec Philippe, nous avions choisi de ne pas lever le pied à l’entraînement. Il s’agissait de voir si je pouvais répondre présent en m’alignant avec beaucoup de fatigue. Au final, j’ai remporté le premier titre national de ma carrière sur 10 km.
Entre les quinze minutes sur 1 500 m nage libre et le titre national du 10 km, c’est un peu la saison des grandes premières.
C’est vrai que ça se passe très bien pour l’instant. Au rayon des nouveautés, il y a aussi le bassin sur lequel je me suis aligné cette année.
Qu’est-ce qui a motivé ce choix ? D’autant que tu as la réputation d’être un nageur à l’aise sur les parties nagées, mais en difficulté sur les parties techniques, notamment les virages.
Avec Philippe, on s’est rendu compte en début de saison qu’il y avait davantage de compétitions en bassin qu’en milieu naturel. A un moment, le calcul a été simple : pour progresser et être compétitif, il faut nager et se confronter le plus régulièrement possible. D’où le choix de participer aux deux étapes du Golden Tour-Camille Muffat (Nice et Marseille, ndlr). Aujourd’hui, les meilleurs nageurs d’eau libre sont également très forts en bassin. L’un ne va plus sans l’autre. Avec Philippe, nous avons travaillé les virages et les coulées pour essayer d’être le plus performant possible.
Marc-Antoine Olivier en compagnie de David Aubry lors des championnats du monde de Yeosu en 2019 (KMSP/Stéphane Kempinaire).
A titre personnel, le report des Jeux a-t-il impacté tes partenaires financiers et par ricochet tes revenus ?
J’ai de la chance d’être suivi depuis le début de la crise sanitaire par l’ensemble de mes partenaires. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour les en remercier car j’imagine que la situation n’est pas simple pour eux.
As-tu été inquiet ?
Quand le premier confinement a été décrété (17 mars 2020), je me suis dit que ça allait être compliqué, surtout que les partenariats conclus dans l’optique des Jeux devaient s’achever à l’issue de l’édition olympique. Reste que tous mes sponsors sont restés impliquer dans mon projet. C’est un signe de confiance qui m’a boosté au moment de reprendre l’entraînement en mai 2020. Je me suis dit que je ne pouvais pas les décevoir. J’espère maintenant pouvoir finir sur une belle médaille à Tokyo pour leur donner raison.
Et après Tokyo ?
J’aimerais poursuivre l’aventure avec eux jusqu’aux JO de Paris, d’autant que les trois quarts de mes sponsors me suivent depuis les Jeux de Rio. C’est en train de devenir une très belle aventure humaine. Ça donne encore plus de sens à mon projet olympique.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
On a le sentiment que depuis le titre continental décroché par Axel Reymond sur le 25 km des championnats d’Europe de Berlin (2014) l’eau libre tricolore n’en finit plus d’empiler les distinctions et les podiums. A quoi cela tient-il, selon toi ?
La première raison, ce sont les nageurs ! La génération actuelle est particulièrement compétitive. La seconde explication tient dans l’expérience de Stéphane Lecat (directeur de la discipline). Stéphane a mis beaucoup de choses en place. Il nous a aidé à nous professionnaliser, à tout mettre en œuvre pour performer et, plus important encore, à répéter des prestations de haut niveau. Gagner une fois, c’est bien, mais conserver un titre, c’est encore plus fort !
L’eau libre a largement profité de votre réussite.
Le haut niveau est toujours la vitrine d’une discipline. Quand des athlètes s’illustrent et remportent des médailles sur la scène mondiale cela rejaillit sur tous ses pratiquants. C’est ce qui s’est passé avec les EDF Aqua Challenge. On s’est rapidement rendu compte que les gens, qu’ils soient nageurs ou pas, s’intéressaient à notre sport. Pour nous, les athlètes de l’équipe de France, c’est forcément une source d’inspiration. On mesure les effets de notre investissement quotidien.
Plus généralement, on a l’impression que les confinements successifs ont contribué à soutenir le développement des sports outdoor, dont la natation en milieu naturel.
C’est vrai que cela a finalement joué en notre faveur. Sans me focaliser uniquement sur les disciplines de plein air, je note que les confinements de 2020 et 2021 ont permis à beaucoup de Français de se mettre au sport. De ce que j’ai lu sur les réseaux sociaux, nombre d’entre eux ne pratiquaient plus ou pas beaucoup avant la crise sanitaire. Tous admettent que le sport est essentiel, que ça fait du bien au corps et à la tête, que ça permet de contenir le stress, les petits coups de blues et le manque de motivation. Cette crise sanitaire est longue, mais si elle contribue à nous rappeler certains principes de base comme prendre soin de notre santé, alors nous n’aurons pas tout perdu.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Cette nuit (23h30 heure française), tu disputeras le 10 km des Jeux de Tokyo. Quel sera ton objectif ?
Je vise l’or et rien d’autre ! De toute façon, quand je m’aligne sur une course, je vise toujours la première place.
Quels adversaires pourraient se dresser sur ton chemin ?
L’Italien Paltrinieri est un client comme l’Allemand Wellbrock ou le Hongrois Rasovszky. Je dirais que nous sommes cinq ou six à pouvoir prétendre au titre olympique, même si tout est possible sur une course d’eau libre. Sans parler du fait que les Jeux sont une compétition à part. Certains nageurs peuvent se sentir transcendés alors que d’autres vont s’écrouler sous la pression.
Le 10 km olympique se nagera dans une eau chaude à Tokyo (autour de 30°C). Ce n’est pas pour te déplaire.
Je suis naturellement un nageur d’eau chaude. Ça ne m’a cependant pas empêché de me préparer toute la saison afin d’être prêt le jour J. L’idée, c’était vraiment de ne rien laisser au hasard pour n’avoir qu’à se concentrer sur le déroulement de la course le moment venu !
Recueilli par Adrien Cadot