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C’est une histoire de fou, un truc de dingue, un conte de fée diront certains, un « trip » à la Tarantino prétendront d’autres, mais peu importe, au fond, de savoir de quoi il s’agit exactement, laissons cela aux critiques de cinéma et aux amateurs du Septième art. Non, ce qui prime, soulignons-le, c’est que rarement une course d’eau libre n’aura fait autant chavirer le camp tricolore (et plus généralement toute la communauté de l’eau libre mondiale, comme si l’histoire de la Lorraine de 26 ans qui s’entraîne depuis 2015 sous la houlette de Philippe Lucas à Narbonne avait ému bien plus de monde qu’on ne pourrait le supposer, ndlr). Il y a, bien sûr, le goût toujours savoureux et unique de la victoire, que rien ne remplacera jamais, mais pas seulement… Il y a autre chose, une part de mystère, quelque chose d’indicible. Aurélie Muller, en dépit de tous les obstacles qui se sont dressés sur son chemin, en dépit d’une farouche concurrence, des doutes et des incertitudes qui ont accompagné sa saison post-olympique de « reconstruction » a signé à Budapest un exploit majeur : remporter le titre de championne du monde du 10 km, son second après celui acquis à Kazan en 2015, mais aussi effacer la déception de sa disqualification olympique, rude et sévère, passablement injuste à l’issue d’un effort aussi intense. « Laisse-moi passer mon passé », affirmait le psychanalyste français Jacques Lacan. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la victoire d’Aurélie s’inscrit précisément à ce niveau de résilience, à ce point si particulier de bascule où le présent écrase tout, absolument tout ! Rio n’existe plus et l’avenir retiendra qu’Aurélie Muller est une fabuleuse championne, un « monstre » de force mentale, de détermination, une grande, une très grande figure de l’eau libre internationale, sa discipline de cœur qui, à Budapest, lui a rendu autant d’amour, voire davantage, que le courage qu’il lui a fallu déployer pour triompher des vents contraires qui ont manqué de faire chavirer son embarcation.

​(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Aurélie, qu’est-ce qui prime à l’issue de cette victoire ?

La satisfaction ! J’ai réalisé une course fabuleuse que j’ai initiée dès le départ. C’est fort et ça ne fait que renforcer mon plaisir.

L’idée, c’était de te positionner en tête dès le départ et d’écraser les débats ?

Non, pas spécialement ! J’avais plusieurs stratégies en tête, mais l’opportunité s’est présentée et j’ai pris la décision d’y aller sans savoir si j’allais être capable de finir la course. Finalement, j’ai résisté jusqu’au bout, mais je n’étais pas certain d’y parvenir. Il fallait le tenter.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

La course a-t-elle été difficile ?

Non, c’était facile (sourire)… En réalité, ça a été très difficile, notamment le dernier tour. J’étais devant et j’essayais de contrôler la remontée des filles. J’avais toujours un œil à droite ou à gauche pour surveiller mes rivales. J’étais aussi sur une bonne allure. J’ai nagé vraiment vite dans la dernière ligne droite pour ne laisser aucune chance aux autres filles. Un de mes objectifs c’était de terminer seule devant !

A quoi as-tu pensé dans la dernière ligne droite ?

J’ai pensé à l’année que je viens de vivre, à mon équipe, à mes proches, à tous les gens qui me suivent… Marco (Marc-Antoine Olivier, ndlr) a ouvert la voie en remportant le 5 km, j’avais à cœur de continuer. J’espère que ça va donner envie aux jeunes de faire un truc et puis on a quelque chose à jouer en relais (jeudi 20 juillet). Gagner ensemble ce serait génial !

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

A l’arrivée, tu écrases la plaque avec rage…

Non, ce n’était pas de la rage…

C’était quoi alors ?

J’avais tellement envie de gagner ! Je la voyais de loin, cette plaque, et je me suis dit pendant toute la dernière ligne droite que la victoire était pour moi… Toute l’année est remontée d’un coup… Rien que d’en parler, ça m’émeut (sourire)

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Quelle année, en effet !

Oh oui, ça a été un long chemin ! Rio, ça a été très compliqué. Cette saison, je me suis entraînée d’une autre manière et pourtant je gagne. C’est une manière de montrer à Philippe (Lucas, son entraîneur à Narbonne depuis 2015, ndlr) que je peux fonctionner autrement.

A ce sujet, quelle médaille a le plus de saveur entre ton titre de 2015 et celui décroché cette année ?

Celle-là, sans hésiter.

Pourquoi ?

Parce qu’il y a toute l’histoire derrière (sourire)

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Et que t’inspire cette tonitruante entrée en lice de l’équipe de France d’eau libre aux championnats du monde de Budapest ?

C’est le signe que l’eau libre française n’a jamais été aussi forte. Après deux épreuves, nous avons déjà deux titres de champion du monde. C’est exceptionnel ! Pour autant, rien n’a été facile. Nous avons travaillé très dur pour en arriver là.

Et puis la relève s’annonce prometteuse. Logan Fontaine (18 ans, huitième sur 5 km, ndlr) et Océane Cassignol (17 ans, 22e du 10 km, ndlr) ont fait montre tout au long de la saison de belles qualités.

Ils apprennent beaucoup dans ce genre de rendez-vous. A leur âge, ils ne peuvent pas faire l’économie d’apprentissages.

Recueilli à Budapest par A. C.

 

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