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Quatrième des Jeux olympiques de Rio à 10 mètres et dans le Top 5 mondial de la discipline depuis plus de quatre ans, Benjamin Auffret a décidé de mettre un terme à sa carrière sportive à quelques mois des JO de Tokyo. Une décision difficile qui a été guidée par une succession de vents contraires qui ne lui permettait plus d’envisager une médaille olympique sans prendre de risque pour son physique. Et si le plongeur tricolore a longtemps eu la tête sous l’eau, il espère désormais l’avoir dans les nuages en devenant pilote de chasse. Une formation exigeante qui nécessitait une certaine fraicheur et un investissement mental et physique à toute épreuve. 

Pourquoi avoir pris la décision de mettre un terme à ta carrière ? 

Les blessures, la crise sanitaire et le départ de mon entraîneur m’ont conduit à prendre cette décision. Suite au report des JO, je devais entamer une nouvelle préparation, il y avait beaucoup d’obstacles à surmonter et je sais que pour décrocher une médaille olympique il ne suffit pas d’être simplement à 100%, mais à 400%. J’ai donc repris l’entrainement en septembre, prêt à relever le défi. Mais les blessures se sont ajoutées au programme et j’ai pris du retard, chaque jour repoussant la reprise impliquant de reprendre plus vite, plus fort, et plus précipitamment. J’ai pris la quatrième place du 10 mètres à Rio et je voulais forcément faire mieux à Tokyo. Dans ces conditions ça semblait de plus en plus compromis. 

Était-ce un cheminement difficile ? 

Mon dernier plongeon était un plat, mon entraîneur est parti et j’étais arrivé à un point où en arrivant au bout de la plateforme, j’avais peur parce que je savais que je n’allais pas encaisser l’impact. À ce moment-là, je me demandais comment résoudre cette équation et à quel prix je pourrais poursuivre ma carrière. Il fallait avoir l’honnêteté de reconnaître que je ne pourrais pas atteindre mon objectif de médaille olympique. J’en ai discuté avec ma famille et je me suis vraiment demandé ce que j’avais à y gagner. Ce qu’il en est ressorti c’est que j’avais davantage de choses à perdre en tentant de terminer ma carrière aux Jeux olympiques. 

Prendre cette décision à quelques mois des Jeux peut surprendre.

J’ai tout fait pour tenter de participer à mes deuxièmes Jeux olympiques, nous nous sommes réunis plusieurs fois avec le staff au complet, pour trouver une solution, créer une nouvelle façon de s’entrainer compatible avec la situation mais beaucoup d’obstacles se sont dressés sur mon chemin, j’ai du me rendre à l’évidence d’autant plus que j’ai ce rêve de devenir pilote de chasse depuis tout petit. Je ne comptais pas y renoncer et j’ai donc décidé d’effectuer la transition dès maintenant. 

Benjamin Auffret lors des Euro de Glasgow (Photo: DeepBlueMedia)

D’autant qu’il y avait une limite d’âge. 

J’avais jusqu’à cette année pour déposer mon dossier et m’inscrire. Lorsque l’on sait le blues que l’on peut ressentir après une compétition comme les Jeux olympiques et le temps que cela prend pour digérer une telle aventure, il paraissait difficile de repartir dans quelque chose d’aussi intense que celle de devenir pilote de chasse si peu de temps après. 

En quoi cette formation est-elle intense ? 

C’est une formation très difficile où chaque vol est éliminatoire. En ça ce n’est pas du tout comme le plongeon où il y a des compétitions où l’on peut se préparer pour la grande échéance. C’est comme si chaque compétition était qualificative pour la suivante. Le sport de haut niveau est un investissement important et après des Jeux olympiques, quel que soit le résultat, la vie change. S’investir à 400% dans un domaine qui demande autant de précision que les avions de chasse est difficile. Pour réussir cette reconversion il fallait être le plus frais possible. 

Doutes-tu certains jours de ton choix ? 

Je me suis battu de nombreuses années pour tenter de participer une deuxième fois aux Jeux olympiques, mais la succession d’obstacles a été difficile à surmonter. Ça me tenait à coeur d’aller au bout de l’aventure et forcément il y a des jours où je ressens davantage de regrets, parce que physiquement, après quelques temps loin des plongeons et impacts à répétitions, je me sens bien, je suis à l’INSEP avec mes camarades pour ma rééducation et je reste au contact de la discipline. Parfois ça me titille de sauter sur le tremplin, mais quand je prends le temps d’y réfléchir, je me dis que la décision que j’ai prise était la bonne. 

Benjamin Auffret lors des Jeux olympiques de Rio en 2016 (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)

N’est-ce pas difficile d’être encore à ce point au contact de la discipline ? 

De rester au contact de la discipline et de réussir à ne pas retourner sur le tremplin me permet d’accepter cette décision qui a forcément été difficile à prendre. J’ai connu des mois de tortures intérieures et je me dis que lorsque je ne serais plus dans un bassin, ce sera d’autant plus facile de passer à autre chose. La transition se fait en douceur et c’est peut-être mieux. J’ai été bien entouré et bien accompagné et j’ai eu le temps de prendre cette décision en mon âme et conscience. 

Comment se déroule la sélection pour devenir pilote de chasse ? 

La sélection est drastique, je pense même plus difficile que celle des JO. Ils reçoivent entre 500 et 1000 dossiers et il y en a quatre ou cinq qui vont partir en chasse. On ne peut pas y aller sereinement. Pour y rentrer ils gardent 45 personnes par an, sur des présélections. Il y a des tests d’anglais, psychotechniques, de culture générale, de culture : KMaéronautique, sportif, de motivation. Ensuite, il y a une visite médicale assez poussée. Ils veulent être certains que physiquement tu peux tenir le choc un certain nombres d’années. Ensuite tu peux entrer dans l’école et il y a encore une sélection. Pour se rapprocher d’un véritable avion de chasse, il faut compter quatre ans. 

Comment abordes-tu ce nouveau défi ? 

Je le vis un peu comme ma reconversion de la gym au plongeon. Je ressens le même côté exaltant. C’est un milieu d’excellence et je suis prêt à apprendre auprès des meilleurs. J’ai tout à apprendre. En plongeon, je connaissais beaucoup de choses et forcément, même si on peut toujours progressé, j’avais moins de choses à apprendre. Là, je pars de zéro et c’est vraiment stimulant. 

Recueilli par J. C.

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