Première française médaillée mondiale en eau libre (troisième en 2010 à Roberval, Canada), Célia Barrot est aujourd’hui kiné libérale et joueuse de water-polo à l’ASPTT Limoges, en Pro A ! Ou l’histoire d’une reconversion réussie.
Célia, on t’a perdue de vue après les championnats de France 2015 du 25 km. Qu’es-tu devenue depuis ?
D’abord, j’ai arrêté l’eau libre. Ma décision était prise depuis un petit moment. J’étais arrivée au bout de mon histoire d’athlète de haut niveau. Ça faisait plusieurs années que j’avais des emplois du temps très chargés, entre mes études de kiné que je n’ai pas pu étaler et que j’ai donc faites en trois ans et les entraînements deux fois par jour ! Et quand j’ai eu mon diplôme, j’ai encore organisé mon boulot en fonction du sport, en prenant un temps partiel dans un centre de rééducation… Non, j’avais besoin de faire autre chose, de voir autre chose. Du coup en novembre 2015, je suis partie à La Réunion pendant cinq mois pour découvrir véritablement mon métier et ma nouvelle vie. J’ai fait des remplacements dans le libéral et à mon retour, je suis rentrée comme assistante dans un cabinet où on est six kinés.
Célia Barrot a raflé le bronze du 25 km à Roberval (Canada) en 2010, devenant ainsi la première tricolore médaillée sur la scène internationale (FFN).
Mais entre temps, tu as découvert le water-polo…
Oui, c’est vrai. Je côtoyais déjà un peu les poloïstes de Limoges puisqu’on appartient au même club, mais ils m’ont proposé durant l’été de venir essayer. Ma vie d’athlète de haut niveau était déjà derrière moi, mais j’avais toujours envie de nager (et encore aujourd’hui d’ailleurs) alors je me suis dit que ça serait sympa. D’autant que c’était en bassin extérieur, tous âges mélangés… Très convivial !
En dehors du maniement de balle et des règles du jeu, tu avais tout de même en tant que nageuse des prédispositions pour ce sport, non ?
Je partais quand même de loin. Je ne savais pas faire de rétro, par exemple ! Et je n’avais (et je n’ai toujours pas d’ailleurs) de vision du jeu. Plus généralement, l’aspect tactique m’échappait et m’échappe encore en partie. En revanche, la transition s’est avérée plus facile pour quelqu’un qui venait de l’eau libre comme moi que pour des nageuses de bassin. J’étais à l’aise en crawl-polo ou pour passer du ventre sur le dos et inversement : ce sont des choses qu’on a l’habitude de faire en eau libre. Je n’avais pas non plus peur des contacts !
Célia Barrot dans sa nouvelle vie sportive (D. R.).
Malgré tout ça, tu as réellement accroché avec le water-polo puisque tu as disputé tes premiers matches en Pro A le week-end dernier ?
C’est vrai et c’est même ma nouvelle passion. D’ailleurs, j’ai demandé qu’on m’offre un ballon à Noël pour que je puisse m’entraîner au maniement contre le mur (rires)... Pour la Pro A, c’est plutôt un heureux concours de circonstances. Quand je suis rentrée de La Réunion où j’avais continué mon apprentissage « loisirs » dans les clubs de Saint-Louis et Saint-Denis, les filles de Limoges disputaient la finale pour les places 4 à 8 de N1. Elles m’ont proposé de fait partie du groupe, mais j’ai eu très très peu de temps de jeu. A la suite de ce tournoi, l’entraîneur nous a demandé si on voulait s’investir un peu plus pour la saison suivante et passer à trois entraînements par semaine avec l’objectif de se qualifier pour la « vraie » finale cette fois. On était toutes d’accord. Résultat : on a perdu un seul match, le premier, et on a fini championnes de France de N1 ! Il nous a posé la même question après le titre pour savoir si on était prêtes cette fois à jouer en Pro A avec un investissement au moins aussi important évidemment. Même réponse et comme le club a su rendre l’aventure possible au plan financier en trouvant de nouveaux sponsors, on se retrouve cette saison en Pro A !
Et alors après ce premier week-end dans l’élite, tu penses quoi du water-polo féminin de haut niveau ?
Il y a une énorme différence entre les clubs « pros », comme Lille, et nous. Au niveau du jeu pratiqué, mais aussi au niveau physique, athlétique… C’est comme lorsque je me comparais, avec mes deux entraînements par jour, avec une nageuses qui s’entraînait trois fois semaine. Mais même si on a pris 26 à 2, j’ai trouvé ça super agréable de jouer contre les Lilloises. On apprend beaucoup !
Tu sembles totalement passionnée par le water-polo. Au point de t’imaginer personnellement en équipe de France ?
(Rires) Oh non certainement pas ! D’abord parce que je n’aurai jamais le niveau, mais surtout parce que le water-polo reste pour moi un amusement. Même en Pro A. J’ai donné tout ce que j’avais donné au sport de haut niveau avec l’eau libre. La page est vraiment tournée.
Les poloïstes limougeaudes avec Célia Barrot, au centre (D. R.).
Outre ton aventure poloïstique, tu as accompagné, cet été, l’équipe de France à la Comen en tant que kiné. Ça a été l’occasion de partager avec la jeune génération ?
Je veux dire tout d’abord que ça a été génial de les accompagner. Le plaisir de revenir dans le milieu… même si c’est de l’autre côté cette fois, mais aussi parce que J’ai découvert des pépites, des gamins motivés, sérieux, qui savent ce qu’ils ont à faire, où ils veulent aller... En plus, les coaches m’ont proposé de m’entraîner une fois avec eux. J’ai adoré et ça nous a permis de discuter un peu après sur l’eau libre. Et le dernier jour, j’ai fait le ravitaillement sur le 10 bornes. J’étais trop contente !
Recueilli par Jean-Pierre Chafes