Le regard braqué sur l’écran géant de la Duna Arena de Budapest, Matthieu Rosset, Laura Marino et leur entraîneur Alexis Coquet ne respirent plus. Des minutes qui semblent être des heures et une tension qui est à son comble avant le passage des Américains, leurs principaux concurrents. En tête du concours, les Français le resteront finalement jusqu’à la fin de la compétition. Et lorsque le classement apparaît enfin, les congratulations s’enchaînent à un rythme effréné. Toute l’équipe de France s’empresse de rejoindre les deux premiers médaillés mondiaux de l’histoire de la discipline. Benjamin Auffret tombe dans les bras de Matthieu Rosset. Noël Porcu, le responsable du plongeon à la FFN, n’en croit pas ses yeux et enlace Laura Marino. Après une Marseillaise pleine d’émotion, les champions du monde du Team Event se présentent devant les journalistes du monde entier, la breloque autour du cou. Les yeux rougis et le téléphone portable qui ne s’arrête pas de sonner, Laura Marino et Matthieu Rosset ont encore bien du mal à mesurer la portée de leur exploit.
Vous voilà donc champions du monde !
Matthieu Rosset : Je n’imagine pas encore. C’est fou !
Laura Marino : Moi non plus, je ne réalise pas ! Déjà d’être champions d’Europe c’était incroyable, mais là, champions du monde… Ce n’est pas juste une médaille, c’est le titre quoi.
Après votre titre européen, envisagiez-vous tout de même de décrocher une médaille ici ?
M. R. : Le podium, on l’envisageait, mais le titre, c’était inespéré. Avant mon dernier plongeon, je savais que nous étions bien placés pour décrocher une médaille. Il ne fallait pas que je rate et en sortant de l’eau, je vois qu’avant ma dernière note nous étions deuxièmes. Ensuite, le résultat tombe et nous passons devant les Mexicains. Je n’y croyais pas et je ne savais pas ce qu’il en était des autres équipes et si certaines pouvaient encore passer devant.
L. M : C’était assez long entre chaque tour et dans la salle d’échauffement, je suivais le concours et je savais que nous étions bien placés et que nous nous rapprochions du podium. Je me suis simplement dit : « Et si c’était pour nous ? » J’ai tout mis de côté et j’ai utilisé la rage que j’avais après mon épreuve individuelle de ce matin (19ème des éliminatoires). Mais, à l’échauffement déjà j’avais de très bonnes sensations. J’avais « le feu » dans les jambes. Même mon entraîneur, Alexis Coquet était surpris. J’ai réussi à canaliser cette énergie en laissant exprimer juste ce qu’il fallait pour performer. Je ne réalise pas encore que nous sommes champions du monde, je suis juste heureuse de l’exécution de nos plongeons.
Les Français, Laura Marino et Matthieu Rosset posent avec la médaille d'or du Team Event. (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)
Comment expliquez-vous une telle performance après vos éliminations en individuel ?
M. R. : Nous n’avons pas non plus commis de grosses erreurs en individuel. Le 1 mètre n’est pas ma hauteur de prédilection et me permet surtout de découvrir la piscine de compétition parce que c’est toujours en début de programme. Je n’étais pas vraiment déçu parce que ce n’était pas mon objectif principal.
L. M : J’étais forcément déçue après mon élimination à 10 mètres, mais j’ai travaillé dur toute l’année et je ne suis pas complétement passée à côté de mon concours. Le plongeon, ça ne se joue à rien et nous manquons la qualification pour quelques petits points. Ce soir, ça a tourné dans notre sens, nous sommes premiers et c’est le bonheur absolu.
Nous avons senti de la tension jusqu’au bout du concours.
M. R. : Je ne regarde jamais le classement au fur et à mesure du concours donc je n’ai pas eu l’impression que l’attente était très longue mais après notre dernier passage, quand je vois que nous passons en tête, il restait encore sept équipes et ça a été très long. D’autant que les Américains sont passés dans les derniers et qu’ils avaient également une chance de remporter le titre.
L. M : Il y a eu de la tension jusqu’au bout. Et tant qu’on ne voit pas sur l’écran que nous sommes premiers, il est impossible d’y croire.
Laura Marino et Matthieu Rosset. (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)
Le Team Event est en train de devenir une spécialité française.
M. R. : C’est possible ! Il faut que ça reste le cas. C’est une épreuve qui montre que la France est présente au plus haut niveau mondial en plongeon. Longtemps, nous étions quatrièmes ou cinquièmes. Et cette année, nous remportons le titre européen et mondial à quelques semaines d’écart. En plus, c’est la première médaille mondiale du plongeon français et c’est à deux. Partager ça en équipe, ça donne une autre dimension à ce succès et c’est génial.
Qu’est-ce qui a fait la différence ce soir, par rapport à votre cinquième place d’il y a deux ans à Kazan ?
L. M. : Cette année, notre objectif était simplement de prendre du plaisir et de s’amuser ensemble. Nous n’avons pas choisi les plongeons les plus compliqués, mais juste ceux que nous préférions. Nous avons été meilleurs dans cette configuration et cette stratégie a payé. Nous sommes vraiment très heureux parce que nous avons pris plus de plaisir que les années passées.
M. R. : Effectivement, nous avions moins de pression parce qu’on ne partait pas avec la même mentalité. Et nos changements de plongeons ont été bénéfiques. Le but était vraiment de se faire encore plus plaisir pour moins ressentir le stress.
Laura Marino et Matthieu Rosset. (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)
Recueilli à Budapest par J. C.