Face à la fermeture de certaines piscines en France, causée par la guerre en Ukraine et l’augmentation des prix de l’énergie, les nageurs du dimanche ont dû se réorganiser. Immersion à Deauville où la piscine est fermée depuis le 7 novembre dernier.
Ne plus pouvoir assouvir sa passion, voir ses enfants être privés de leur cours de natation course ou artistique, nager pour le plaisir, pour maigrir, la nage loisir a dû se réinventer en ces temps de souffrance et de guerre aux conséquences multiples et lointaines. A Deauville, la mauvaise nouvelle est tombée début novembre et a fait des mécontents. Une Deauvillaise qui a préféré garder l’anonymat raconte. « Moi j’allais à la piscine tous les jours pendant 2H, et cela m’a permis de perdre du poids. J’y allais avec les palmes et je nageais 2H tous les matins. J’ai appris qu’elle fermait et j’ai tout de suite pensé aux enfants, privés de leurs cours. Au lieu d’une fermeture définitive, j’aurais aimé qu’ils la ferment quelques jours par semaine pour économiser, mais sans la fermer définitivement. » Adjointe au Maire de Deauville, en charge du front de mer et de la piscine, Françoise Hom s’explique. « La piscine a été fermée pour des économies d’énergie (gaz et électricité) sur les mois les plus énergivores en termes de chauffage de l’eau et de l’air. Sur une année, le budget énergie de la piscine est de 1,5 million d’euros sur un budget énergétique total de 5 millions annuels pour toute la ville. Quand on a vu fin 2022 que les prix de l’énergie avaient été multipliés par 10 par rapport à 2021, on a fait nos calculs, et on a économisé au total 300 000 euros sur novembre et décembre avec la fermeture de notre centre aquatique. » Avant de répondre aux critiques et reproches. « Il y a des mécontentements bien évidemment mais dans l’ensemble, les gens comprennent. Ceux qui réfléchissent à la situation, ont compris notre position et notre décision. Et attendait-on une plus grande aide financière de l’Etat ? En fait, les autorités n’ont pas réagi face aux conséquences de la fermeture des piscines pour enfants et adultes. Oui, il y a le coût de l’énergie mais l’Etat n’a pas pris la mesure du retentissement sur le plan sportif, pour la santé et dans le cadre de l’apprentissage de la natation à l’école. »
Face à l’impossibilité de nager en piscine, certains ont pris leur courage à deux mains et sont partis nager en combinaison dans la Manche. Par effet de domino, l’impact de la guerre en Ukraine a également boosté le business des « combis », et certains ont aussi découvert d’autres activités aquatiques, à l’image du longe-côte. Le principe est très simple : faire du renforcement musculaire à travers de la marche dans l’eau à hauteur de poitrine. Inventé en 2005 par un entraîneur d’aviron en complément de l’entraînement sportif, l’idée est d’avoir une marche plutôt active, marcher en allant chercher loin avec les pieds devant, tout en tirant sur l’eau avec les bras et les jambes. Organisateur de sorties en longe-côte d’une heure et de 3 -4 km à Trouville (ville voisine de Deauville), Yoann Descemaeker, gérant de Concept sport émotions, en dévoile les bienfaits. « C’est un exercice assez complet. Par rapport à la fermeture des piscines, il y a des similitudes entre le crawl et le longe-côte. Cela fait travailler les mêmes muscles et on est sur le même type de mouvements, sur de l’allonge. L’intérêt de ce sport va favoriser la circulation du sang, entre la pression de la combinaison sur les membres plus l’effet de la pression de l’eau sur le bas du corps immergé. Et puis on est en milieu extérieur, toute l’année et cela joue aussi sur le renforcement immunitaire. En plein air, le pic d’immunité se met en place, et si on arrive à faire une saison de longe sans être malade, on est immunisé. » Puis rajoute : « On a de plus en plus de monde c’est une certitude. Même en hiver, actuellement, on a une dizaine de personnes tous les jeudI, tous les samedi. J’ai dû récupérer une à deux personnes qui allaient à la piscine. Oui, sa fermeture s’est faite au détriment du quotidien des gens du coin, mais après, ce n’est pas moi qui gère les finances de Deauville. » Comme d’autres, notre Deauvillaise s’est mise au longe-côte mais dans des « conditions météo ardues. Cela n’a pas fait passer la fermeture de la piscine. On n’est quand même pas en Méditerranée (rires). Il pleut, la mer peut être déchaînée, ce n’est pas toujours évident. Mais maintenant, je suis heureuse de savoir que notre piscine va rouvrir. Il y a eu tellement de mécontents qu’ils ont réfléchi. » Réfléchi à l’idée de rouvrir ce lieu magnifique construit par l’architecte du Parc des Princes et du stade olympique de Montréal (Roger Taillibert), l’une des plus belles piscines de la région, un monument architectural, sorte de repère, de phare dans cette station balnéaire de Normandie, et où les habitués vont pouvoir retrouver la lumière : y nager de nouveau courant février car cette sublime piscine d’eau de mer avec bassin de 50M va rouvrir ses portes, 3 mois plus tard.
Antoine Grynbaum