En décrochant neuf médailles aux championnats d’Europe de Glasgow en petit bassin (4-8 décembre), l’équipe de France de natation a achevé son année 2019 sur une note aussi positive qu’enthousiasmante. L’occasion de rencontrer le Directeur technique national, Julien Issoulié, lors des championnats de France d’Angers en petit bassin (12-15 décembre) pour faire le bilan de cette équipée écossaise, parler du retour de Florent Manaudou, attendu et scruté, et celui de Mélanie Hénique (quatre breloques dans le nord du Royaume-Uni, ndlr), qui a démontré qu’elle n’avait absolument rien perdu de son talent et de sa pointe de vitesse.
Quel regard portez-vous sur le bilan de l’équipe de France en Ecosse ?
Je suis satisfait car en l’absence de plusieurs de nos têtes d’affiche nous avons enregistré un de nos meilleurs bilans dans cette compétition. Au-delà des performances, j’ai trouvé que cette équipe vivait bien ensemble, tant chez les nageurs que chez les entraîneurs. J’ai vraiment eu l’impression que tout le monde essayait d’apporter quelque chose. A ce titre, l’apport de Florent (Manaudou) a été monstrueux, notamment avec les jeunes nageurs. Il a été vraiment classe et n’a jamais hésité à partager son expérience. Sportivement, il a réalisé une très belle compétition dans un contexte difficile puisqu’il était particulièrement attendu et observé.
Pour la première fois, les nageurs de l’équipe de France ont bénéficié d’aménagements spécifiques pendant la compétition. Ils pouvaient notamment arriver après le début des épreuves et repartir une fois leurs courses disputées. N’y-avait-il pas, là, un risque de dispersion ?
L’idée, c’est de créer une émulation et de la maintenir. Ceux qui nous ont rejoint en cours de compétition avaient envie d’être là et de tout donner. Je pense que c’est quelque chose de bénéfique pour le collectif national. Alors oui, c’est nouveau, ça surprend, mais c’est aussi mon rôle de faire bouger les lignes. Les nageurs sont en équipe de France pour nager et gagner des médailles. On ne leur demande pas de jouer au supporter en tribunes.
Florent Manaudou (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Depuis plusieurs mois, on écrit que la natation tricolore est en phase de renouvellement, qu’une nouvelle dynamique est à l’œuvre. Ce frémissement n’était pas encore perceptible aux championnats du monde de Gwangju, l’été dernier, mais il semblerait qu’en Ecosse, les Bleus aient franchi un palier.
On peut dire que nous avons une natation européenne. Maintenant, la question qu’il faut se poser, c’est comment on va la densifier au niveau continental et permettre aux meilleurs de s’exprimer sur la scène mondiale. Il faut également se montrer vigilant avec les jeunes. A Glasgow, certains ont été submergés par la dimension de l’événement. Ils n’en avaient pas pris la mesure avant d’arriver et, forcément, c’est plus compliqué ensuite d’évoluer sereinement.
Les « anciens » n’ont-ils pas un rôle à jouer à ce niveau ?
Sans doute, mais pas dans le cadre d’une compétition avec l’équipe de France. J’ai envie de dire qu’il est alors trop tard pour anticiper. Le travail doit être réalisé en amont. Voilà pourquoi, comme le dit le Directeur de la natation, Richard Martinez, il est important que le collectif national se regroupe de temps en temps parce que c’est là qu’une relation s’installe.
Les résultats enregistrés à Glasgow constituent-ils une rampe de lancement dans l’optique des Jeux de Tokyo ?
D’une certaine manière, mais il ne faut pas s’emballer. Il s’agissait d’une compétition de travail pour laquelle nous n’avions pas d’ambitions particulières. Les Bleus ont performé, tant mieux, mais n’oublions pas que certaines têtes d’affiche européennes n’étaient pas engagées. Il importe de remettre cette échéance dans un contexte. Je retiens tout de même qu’en organisant les championnats de France d’Angers juste après les Euro écossais, nos athlètes ont eu quatre mois pour travailler. Ils couperont pendant les fêtes de fin d’année avant de basculer sur la saison en grand bassin et de se focaliser sur les sélections olympiques de Chartres en avril prochain.
Mélanie Hénique (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Le retour au premier plan d’une Mélanie Hénique peut-il constituer un exemple, voire une source d’inspiration pour les jeunes ? Manière de leur rappeler qu’à l’heure du « tout de suite, maintenant », une carrière se construit au long cours et qu’il est nécessaire d’apprendre à gérer les hauts et les bas.
L’exemple de Mélanie sera, à mon sens, bon à valoriser lorsqu’elle aura fini sa carrière. Elle aura alors la possibilité de s’expliquer, de se raconter et d’inspirer les jeunes générations. Elle qui a été très forte jeune avant de connaître une période de moins bien pour rebondir et retrouver le plus haut niveau. C’est une nageuse très attachante, une vraie championne que je n’ai jamais senti déconnectée ou sur le point de lâcher. Je crois que Mélanie avait surtout besoin de couper un peu, de s’éloigner de la natation pour mieux y revenir.
Quant à Florent Manaudou, comme vous l’avait souligné au début de cet entretien, il semble impliqué et serein.
Il faut se rappeler qu’il y a dix mois, Florent jouait encore au hand. Aujourd’hui, il est revenu à un niveau de performance hallucinant. C’est un des meilleurs nageurs du monde sur 50 m nage libre, une épreuve sur laquelle tu évolues constamment sur un fil. Donc oui, je crois qu’il a de quoi être serein. D’autant qu’il lui reste du temps pour travailler et qu’il a déjà été champion olympique. Il est intelligent, il a l’expérience et il est bien entouré. A Glasgow, il est venu emmagasiner des petits détails pour peaufiner sa préparation et atteindre son objectif olympique. Il sait où il va. En cela, il est très impressionnant.
Recueilli à Angers par A. C.