Il parle de crise, de faux pas et on devine le traumatise dans chacun de ses mots, la rage aussi et une certaine colère, pas contre ses adversaires ni même l’arbitrage, mais contre lui et ses coéquipiers. Le Marseillais Alexandre Camarasa, 32 ans, dont plus de vingt dans un bassin de water-polo, n’est pas du genre à mâcher ses mots. Il parle avec son cœur, sans détour. Le moins que l'on puisse dire c'est que son analyse est sans appel : face à la Géorgie, les Bleus sont passés au travers, complétement à côté de leur jeu, de leurs ambitions et d’un ticket pour le Tournoi de qualification olympique qui aurait pu leur ouvrir les portes des JO de Tokyo, en juillet prochain. Il y a quatre ans, Alexandre Camarasa et ses partenaires avaient réussi l’impossible. On pensait à nouveau possible cet impossible. Ça n’a malheureusement pas été le cas. En s’inclinant d’entrée 7-9 face aux Géorgiens (mardi 14 janvier), les Tricolores ont plombé leur rêve olympique. La déception est immense, à la hauteur du défi à relever. Elle les privera également d’une participation aux championnats du monde 2021. Dur à digérer, forcément, même pour un joueur expérimenté de la trempe d’Alexandre Camarasa.
Qu’attendais-tu des championnats d’Europe de Budapest ?
J’étais persuadé qu’on allait disputer un quart de finale contre la Hongrie ou l’Espagne. Le coach Nenad (Vukanic) et son staff ont réalisé un remarquable travail de préparation. On était prêt en arrivant à Budapest, mais on a fait un faux pas dès le premier match. Malheureusement, c’est aussi ça le sport de haut niveau, ce n’est pas une science exacte. Ça le rend beau et excitant, mais là, c’est cruel. On a tous fait beaucoup de sacrifices, mais ça n’a pas suffi (il souffle)…
En parlant de sacrifices, le tien est aussi familial désormais.
Oui, ma petite fille est née il y a sept mois. Ma plus belle victoire (sourire)… C’est sûr que ça impose des sacrifices. Je manque beaucoup de choses. Elle change à toute vitesse. Dès fois, ce n’est pas simple à gérer, surtout pour mon épouse qui doit s’occuper de tout en mon absence, mais je fais ça aussi pour elle, pour que plus tard, elle soit fière de son père. Alors oui, de ce point de vue, ça ajoute un peu de déception.
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A l’issue de la rencontre face à la Géorgie, l’arbitrage a été pointé du doigt. En revoyant les images, on se dit que certaines actions auraient mérité des coups de sifflet différents.
Je ne veux pas revenir dessus. Même si les conditions n’étaient pas optimales, on aurait dû en faire plus pour trouver les solutions.
Cette défaite face à la Géorgie semble, même une semaine après, encore très difficile à digérer.
C’est la plus grosse claque de ma carrière. Il y en a eu d’autres, mais celle-là fait mal, très mal même.
Comment expliques-tu cette contre-performance à laquelle on ne s’attendait vraiment pas ?
C’est difficile…. Tous les voyants étaient au vert, mais peut-être qu’on s’est vu trop beau. Et encore, il n’y a eu aucune suffisance de notre part, nous n’avons pas pris les Géorgiens de haut. Peut-être qu’on a trop pensé aux rencontres d’après face à l’Italie et la Grèce. Je ne sais pas, c’est encore confus dans mon esprit. A nous maintenant de travailler plus fort pour revenir et sortir cette équipe de la crise. Parce que ce groupe a d’immenses qualités. Je crois vraiment dans le talent de cette équipe. C’est aussi pour ça que cette défaite face à la Géorgie me reste en travers de la gorge.
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Tu parles de crise. Le mot est bien choisi car outre les Jeux olympiques, c’est aussi les championnats du monde 2021 que l’équipe de France masculine va manquer.
On perd deux années. Et tout ça sur un match. C’est très dur à encaisser. D’autant que je nous voyais enchaîner TQO, Jeux olympiques et Mondiaux, l’année prochaine. Mais là, ce n’est pas road pour Tokyo, mais road pour la maison. Maintenant, il faut assumer. Ce match face à la Géorgie, il fallait le gagner. Nous n’avons aucune excuse.
Et quel regard portes-tu sur le parcours des joueuses de l’équipe de France qui, elles, prendront part aux TQO.
Il faut les féliciter. Elles n’ont rien lâché. Après, tout commence pour elles. Le tournoi de qualification olympique, c’est la compétition la plus difficile à laquelle j’ai participé. C’est un match couperet tous les jours, une tension de dingue pour le plus fort des objectifs : les Jeux olympiques ! De toute façon, il n’y a rien au-dessus des Jeux. C’est la compétition suprême, le but de tous les sportifs de haut niveau, alors en termes de motivation, tu ne penses qu’à ça pendant le TQO et tu es à fond.
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A titre personnel, comment vois-tu ton avenir poloïstique ?
J’ai envie de continuer avec les Bleus. C’est un truc viscéral, mais bon, il faudra voir avec le coach, c’est lui qui décidera. Avec Marseille, il me reste un an de contrat et, là-aussi, il faudra voir ce qui est le mieux pour le club et pour moi. D’autant que j’ai commencé à travailler à côté.
Dans quel domaine ?
Je suis dans le secteur de l’énergie, plus précisément dans la pétrochimie. L’avantage, c’est que ma société me donne l’opportunité de continuer à jouer au water-polo. Je bénéficie d’un emploi du temps aménagé et ça, franchement, c’est quand même suffisamment rare pour le souligner. De toute façon, la reconversion, c’est un vaste sujet. Pas sûr qu’on est le temps d’en parler aujourd’hui (dimanche 19 janvier), il y aurait tellement à dire…
Que doit-on attendre de la rencontre face aux Pays-Bas cet après-midi (lundi 20 janvier à 13 heures) ?
Ce sera un gros match. Les Hollandais ont battu la Roumanie et ils organisent le TQO, donc l’enjeu n’est pas le même pour eux. Pour nous, en revanche, c’est une histoire de fierté. C’est ce que je dirais aux gars. On doit montrer à tout le monde que notre défaite face à la Géorgie n’était qu’un faux pas. Il ne faudra rien lâcher, jouer à fond du début à la fin. Il importe, à présent, de sortir la tête haute.
Recueilli à Budapest par Adrien Cadot