Président de la Fédération Française de Natation, Francis Luyce brigue un ultime mandat. « Le dernier », insiste-t-il. En dehors des débats électoraux, nous l’avons questionné sur le bilan de l’olympiade qui s’est achevée aux Jeux Olympiques de Rio.
Pourquoi briguez-vous un nouveau mandat ?
Je pense qu’après une longue expérience à la tête de la fédération, il reste une dernière mission à achever, celle de la transition réussie.
C’est-à-dire ?
Imaginer une nouvelle gouvernance pour notre institution. J’estime que mon bilan est satisfaisant, mais je suis également conscient que le monde change et il faut que la fédération ne prenne plus de retard. Il reste un effort à fournir pour promouvoir les cinq disciplines fédérales et les clubs. La dernière olympiade n’a pas permis d’avancer comme nous l’espérions.
Que s’est-il passé ?
Nous venons de vivre une olympiade particulièrement agitée. Je ne peux pas rester sur un travail inachevé. J’estime aussi qu’il est préférable que la fédération s’inscrive dans la stabilité pour grandir, mûrir et évoluer sereinement.
Vous dîtes « évoluer ». Doit-on comprendre que la FFN a tardé à se moderniser ?
Les fondations de notre institution sont solides. Nous sommes une très grande fédération, mais il faut aussi reconnaître objectivement qu’il y a un certain nombre d’améliorations à apporter : nouvelle gouvernance, participation élargie, renouvellement de la licence, développement des cinq disciplines -à commencer par les courses d’eau libre qui, j’en suis persuadé, peuvent séduire un large public-, et assurer le renouvellement des équipements aquatiques…
Que répondez-vous à ceux qui vous présentent comme un « homme du passé » ? Ça vous heurte que l’on dise ça de vous ?
Oui, parce que c’est l’homme qu’on attaque, pas le président… Et ceux qui disent cela sont aussi ceux qui ont empêché les évolutions pour pouvoir me les reprocher.
Avez-vous hésité à vous représenter ?
Un peu, mais avec les nouvelles grandes régions il faudra vraiment beaucoup d’expérience et de disponibilité pour la fédération. On ne peut plus, selon moi, cumuler des mandats locaux et nationaux avec la taille actuelle des territoires. Moi, j’ai choisi !
Qu’est-ce qui vous a fait hésiter ?
La dernière olympiade a été éprouvante pour l’institution avec, notamment, la succession de trois directeurs technique nationaux : Christian Donzé, Lionel Horter et Jacques Favre. J’ai confiance en ce dernier. Il n’était pas favori, mais il a embrassé sa fonction dans un contexte délicat et il a désormais pleinement pris la mesure de sa mission. Nous avons besoin de stabilité.
La natation française souffre-t-elle d’un déficit d’équipements aquatiques ?
Evidemment ! Notamment pour organiser de grands événements internationaux. Quand je vois ce qui a été fait en tennis, en basket-ball et en handball, je rêve que la natation draine une large audience lors de ses rendez-vous. Reste que nous ne disposons pas de l’équipement adéquat pour pouvoir le démontrer. La natation souffre toujours d’un déficit de reconnaissance publique qu’il est primordial de combler.
La fédération peut toutefois se targuer d’avoir fait montre d’un large éventail organisationnel.
Je suis le premier à saluer la qualité de l’Open Make Up For Ever de natation synchronisée, l’Open de France de natation course, La Fluctuat en eau libre ou la Nuit de l’Eau. On peut se montrer plus ambitieux encore et faire en sorte que d’autres événements naissent, soient plus proches et au service des territoires et des clubs.
La fédération a su se faire une place de choix sur les réseaux sociaux. A tel point qu’aujourd’hui, la FFN dispose d’une large communauté (125 951 fans sur Facebook, 19 209 Followers sur Twitter et 30 100 fans sur Instagram, ndlr).
Oui, il n’empêche que cette communauté ne doit pas demeurer qu’interactive. Il faut transformer l’essai, faire que ces personnes se rapprochent des clubs et prennent des licences. Pour cela, il faut enfin faire la réforme de la licence !
La candidature de Paris à l’organisation des Jeux de 2024 doit-elle permettre à la fédération de disposer enfin d’un équipement digne de ce nom ?
Sommes-nous obligés d’attendre cette échéance ? Je ne le crois pas, d’autant que des projets ont déjà été amorcés à Lille, Reims, Sète ou Aulnay-sous-Bois. Et il y a aussi la problématique des équipements de proximité, ceux de tous nos clubs, là où les créneaux s’amenuisent.
Mais les Jeux 2024 ?
C’est une opportunité fabuleuse. Nous devons les avoir. Et la natation est l’un des sports qui profitera le plus d’un tel événement. Un équipement pérenne, nos cinq disciplines qualifiées. La fête ! Il faut être en ordre de bataille pour cette fabuleuse olympiade. C’est ce que je propose d’organiser.
Florent Manaudou a fait parler de lui en tentant une reconversion handballistique, puis il y a eu les championnats de France en petit bassin à Angers et les championnats du monde en bassin de 25 mètres à Windsor (Canada)…
Vous pouvez ajouter à cela, le défi qu’a relevé Aurélie Muller en disputant la Santa Fe en Argentine, début février, mais c’est à peu près tout alors que nous recensons plus de 316 000 licenciés et que nous disposons d’une base de pratiquants hors du commun (entre 15 et 20 millions selon l’enquête CNDS/Direction des Sports/INSEP/MEOS 2010, ndlr). Il fait avoir des licences pour ces pratiquants.
Regrettez-vous que la natation française n’ait pas davantage profité des résultats historiques enregistrés aux Jeux Olympiques de Londres (sept médailles dont quatre titres, ndlr) ?
Je pense, en effet, que nous n’avons pas su suffisamment profiter de ces résultats. Cela a d’abord été ceux des athlètes et c’est normal aussi. Le plus grave, c’est que l’olympiade toute entière a été marquée par des ruptures et des dissensions.
Est-ce le mandat le plus difficile de votre carrière ?
Ça ne fait aucun doute.
Votre engagement pour la natation n’est jamais ébranlé ?
Au départ, j’ai pris une licence de natation sur prescription médicale. Je suis rentré d’abord par la Natation santé ! Puis ensuite, en équipe de France en 1961 et j’en suis sorti en 1969. Je comptabilise cinquante sélections internationales et j’ai pris part à deux éditions olympiques. Voilà pourquoi les athlètes tricolores ont toujours mon attention. Ayant été moi-même un nageur de haut niveau, je peux tout à fait me mettre à leur place. Certains m’accusent d’opportunisme, mais quand je salue un athlète sur le podium, c’est toujours sincère. Je me reconnais en eux.
A ce sujet, quel regard portez-vous sur les athlètes de la natation française ?
Ils ne manquent pas de talent, c’est certain, mais parfois, je me demande s’ils mesurent vraiment la chance qu’ils ont. Un fossé s’est creusé entre eux et la fédération. Je crois qu’il est impératif de le combler. Aujourd’hui, nos athlètes et les dirigeants des clubs ne connaissent plus assez la FFN. Il faut qu’ils retrouvent toute leur place au sein de notre institution. A ce titre, je préconise de recréer des organes et des dispositifs d’échanges internes de concertation.
Et que répondez-vous à ceux qui doutent ouvertement de la relève tricolore ?
J’ai confiance dans l’avenir. Dans le cas contraire, pourquoi voudriez-vous que je sollicite un ultime mandat ? Nos athlètes ont du talent. Nos dirigeants doivent être plus aidés. Je suis certain que nous pouvons tous ensemble mieux nous mobiliser et partager pour le succès et la promotion des activités de la natation.