Médaillé d’argent du 50 m nage libre des Jeux olympiques de Tokyo (21’’55) dans le sillage d’un Caeleb Dressel stratosphérique (21’’07), Florent Manaudou, champion olympique de la distance en 2012 à Londres, puis battu d'un centième par le vétéran américain Anthony Ervin en 2016 à Rio, a donc réussi son come-back après avoir mis sa carrière de nageur entre parenthèses pendant plus de deux ans. Le Marseillais de 30 ans devient le seul nageur triple médaillé dans cette épreuve et rentre dans le club des médaillés olympiques dans trois Jeux différents. Caeleb Dressel empoche, quant à lui, sa quatrième médaille d'or aux JO de Tokyo après celles remportées sur 100 m nage libre, 100 m papillon et 4x100 m nage libre. Dans la foulée du 50 m il en a ajouté une cinquième en remportant le 4x100m 4 nages, record du monde à la clé.
Florent, que ressens-tu ?
C’est incroyable de vivre des émotions comme ça et de pouvoir en plus les savourer. J’étais dans le moment présent. Nager une finale olympique, ça n’est pas donné à tout le monde ! J’en rêvais quand j’ai repris la natation il y a un peu plus de deux ans, juste faire la course contre sept mecs et essayer de gagner et de décrocher une médaille, avoir une chance… La demi-finale d’hier (samedi 31 juillet) s’est bien passée. Je me suis dit qu’on verrait bien ce qui se passerait en finale parce que ce sont toujours des courses à part. J’en ai vécu une incroyable à Londres en 2012. Je ne sais d’ailleurs toujours pas d’où elle est sortie celle-là. Après celle de Rio en 2016, je n’étais pas satisfait, mais là, je suis aux anges ! Je ne suis pas le plus vieux médaillé, mais c’est incroyable (sourire)…
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Sur le podium, on t’a senti très ému…
Oui, je n’avais pas envie de bloquer mes émotions parce qu’on ne vit pas des moments comme ça tous les jours. A l’entraînement, c’est parfois difficile, mais la concrétisation, vivre une finale et monter sur un podium avec le drapeau français et les anneaux olympiques, c’est beau ! Avec mon arrêt après les JO de Rio, je me suis rendu compte que c’était quelque chose d’exceptionnel à vivre. J’ai eu une vie normale pendant deux ans et demi, jouer au hand a été incroyable, mais je suivais les compétitions de natation à la télévision. On ne s’en rend pas forcément compte sur le moment, mais j’ai eu la chance d’arrêter et de prendre du recul et je sais à quel point c’est fort de vivre ces émotions !
D’autant que ton retour à la natation n’a pas été aussi simple qu’escompté…
C’est sûr qu’il y avait plus de gens qui ne croyaient pas en moi que l’inverse, mais c’est le jeu quand on est Français. Lorsqu’on gagne, on est un héros, mais quand on perd, on est nul ! Je suis un fan de sport et je regarde beaucoup de disciplines à la télé. Je regarde aussi de quelle manière sont traités les sportifs : l’équipe de France de foot ou Teddy Riner, par exemple. Il ne faut pas oublier que tous les sportifs courent après une médaille olympique. Tout le monde aimerait en décrocher une.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Vous êtes un peu le « sauveur » de la natation tricolore. Cette responsabilité a-t-elle était lourde à assumer tout au long de cette première semaine olympique ?
Non, beaucoup moins qu’à Rio ! Je n’aime pas trop ce mot-là « sauveur » parce qu’au-delà des médailles, il y a eu de belles choses cette semaine : qui aurait parié sur un Maxime Grousset quatrième du 100 m nage libre ? Qui aurait parié sur un Léon Marchand finaliste du 400 m 4 nages, une Marie Wattel qui signe ses meilleurs temps sur 100 m papillon et 100 m nage libre ? Qui aurait cru que le relais 4x100 m nage libre serait de retour en finale olympique ?
Une seule médaille, la vôtre, mais des résultats prometteurs, c’est ce qu’il faut retenir de la semaine olympique des nageurs français ?
Franchement, je trouve que notre natation est belle ! Nous avons connu des années incroyables entre 2008 et 2016, ça personne ne peut le nier, maintenant quand on regarde les résultats de Sydney 2000, Atlanta 1996, Barcelone 1992, Séoul 1988 ou encore avant, nous n’avons jamais décroché dix médailles. Les gens se sont habitués à des résultats exceptionnels, mais ils ont la mémoire courte. Il ne faut pas oublier toutes les performances des jeunes nageurs engagés à Tokyo.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Comment es-tu parvenu à changer d’état d’esprit et à privilégier le plaisir après des championnats de France de Chartres (15-20 juin) en demi-teinte ?
Je me suis dit que ça ne pouvait pas être pire. Beaucoup de gens m’ont dit des trucs comme : « Je ne t’ai jamais vu nager aussi mal ». A un mois des Jeux, c’est encourageant (sourire)… J’ai fini par me dire : « Laisse-toi aller, on verra bien ce qui se passe ». Après les France de Chartres, je suis allé m’entraîner à Antibes en extérieur, j’ai pris le soleil et ça m’a fait du bien. J’étais avec Pernille (Blume, sa petite amie). J’ai progressivement réussi à me dire qu’on s’entraîne des années pour vivre une finale olympique, mais quand on la vit, on a peur, donc c’est vraiment paradoxal. Je voulais à tout prix profiter du moment présent. C’est ça qui m’a aidé à me relâcher.
C’est ce qui t’as permis de sourire en montant sur le plot au départ de la finale du 50 m nage libre ?
Oui, je l’avais tellement dit et répété à mes proches qu’au moment de monter sur le plot, c’était là ! J’étais juste content de nager cette finale et de vivre ce moment. J’étais heureux. Je regardais le bout du bassin en me disant : « C’est génial ! » alors qu’à Rio, j’attendais les vacances.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Par rapport à Rio, quelle saveur à cette médaille d’argent ?
Elle est meilleure ! Déjà parce qu’aujourd’hui, il y avait un « avion » devant moi (Caeleb Dressel) que j’aurais eu du mal à aller chercher. A Rio, j’avais perdu pour un centième en finale et nager plus vite en demi-finale. Les sensations étaient très différentes. Là, j’ai pris le temps d’arrêter deux ans, de me poser, puis de revenir avec un objectif en tête. C’est aussi ce qui rend cette médaille très particulière. Je suis fier du voyage accompli ces derniers mois. Ça me rend très heureux !
Penses-tu participer aux Jeux de Paris en 2024 ?
J’aimerais bien vivre les Jeux dans mon pays. J’ai vécu des Euro petit bassin en 2012 à Chartres et c’était déjà quelque chose de très fort alors vivre les Jeux à domicile, ça doit être une expérience incroyable ! On verra. On ne sait jamais ce qui peut se passer (sourire)…
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Qu’est-ce que ça représente d’être médaillé sur trois Jeux d'affilée ?
Gary Hall a fait deux ors et un argent. Je suis moins bon (sourire)… Mais je suis le nageur français avec le plus de médailles (à égalité avec Amaury Leveaux, qui compte également quatre breloques olympiques, ndlr). Vu que je connais tout, je dirais que Yannick (Agnel) en a trois, Camille (Muffat) aussi. J'ai compris que quand on est vieux, on peut réussir, mais ça, je l'avais déjà compris il y a cinq ans quand je perds ma finale (face au vétéran américain Anthony Ervin, âgé de 35 ans en 2016, ndlr). J'ai pris beaucoup de plaisir depuis Rio, dans le hand, à apprendre la guitare... J'ai fait tellement de choses que j'ai pris du plaisir de partout. En natation, je me suis un peu perdu en chemin, mais j'ai pris énormément de plaisir.
A. C. (source : FFN/Tokyo 2020)
(KMSP/Stéphane Kempinaire)