« Pour l'instant, je n’ai pas encore décidé de quitter les bassins. » Par une simple phrase d’un long texte posté sur ses réseaux sociaux, Frédérick Bousquet a annoncé qu’il souhaitait rester près des bassins cette année encore. Pour quelle raison ? Sous quelle forme ? Le vice-champion olympique du 4x100 m nage libre à Pékin nous a accordé un entretien téléphonique pour répondre à ces questions, mais aussi revenir sur ses derniers Jeux Olympiques, qu’il a disputé à Rio cet été (5-21 août).
Fred, la dernière fois que l’on t’a vu, c’était en zone mixte des Jeux Olympiques. Tu semblais particulièrement ému. Comment as-tu vécu ce moment ?
Le moment je l’ai vécu pleinement. C’était sans doute le moment le plus riche émotionnellement de ma carrière, avant une course en compétition. C’était vraiment particulier. Tout est remonté à la surface. Il y avait l’éventualité très forte que ce soit ma dernière course. Même en me projetant et en espérant me qualifier pour la demi-finale, je savais que c’était loin d’être gagné d’avance et que pour ça je devais réaliser la course idéale. Il y a eu tout un mélange d’émotions plus fortes les unes que les autres. Et à l’arrivée, c’est comme si je ne pouvais pas être déçu du résultat et de m’arrêter là. D’en avoir fini à ce moment-là avec les Jeux Olympiques. C’est juste du bonheur que j’emmagasinais.
A quel moment as-tu senti toutes ces émotions remontées à la surface ?
Tout ce qui a précédé la course, jusqu’à l’arrivée derrière les plots, a été un automatisme, une routine. La veille, le matin au réveil, à l’échauffement, je ne me disais pas encore que c’était potentiellement ma dernière apparition. C’est une fois derrière le plot que c’est revenu. A chaque fois que j’y repense, j’ai le sourire parce que ça a été un plein de bonheur.
A ton arrivée devant la presse tu as glissé « il va falloir patienter encore quatre ans ». Es-tu prêt à le faire ?
Non (rires). C’était une boutade à ce moment-là et une manière de prendre le résultat avec le sourire. Je n’ai aucunement l’intention de me projeter sur une nouvelle olympiade. C’est tout simplement hors de question.
A quel moment as-tu pris la décision de continuer à nager cette année ?
J’y avais déjà réfléchi auparavant. C’est une manière pour moi de ne pas arrêter de manière brutale ce sport qui a commandé toute ma vie et en a été la pièce maitresse depuis vingt ans maintenant. On connaît tous les difficultés que les athlètes de haut niveau peuvent avoir au moment d’un arrêt de carrière. Je pense que si cela se fait de manière moins brutale et soudaine, les difficultés sont moindres. Cela me permet donc d’amoindrir cet énorme manque qui va malgré tout arriver. J’avais aussi envie de garder un pied dans ce sport pour continuer à apporter mon expérience et la partager avec les autres nageurs et les entraîneurs que je pourrais côtoyer. Et même, pourquoi pas, avec la Fédération. Je pense qu’il y a beaucoup de sujets sur lesquels on peut échanger pour continuer de faire évoluer ce sport.
C’est une année de transition finalement.
C’est exactement ça. Une année de transition, de transmission aussi. Ce n’est pas une année avec des objectifs de performances ou de résultats. Je m’entraîne de mon côté, sur mes propres horaires, en fonction de mon emploi du temps. Je n’ai pas beaucoup coupé cet été parce que quand on aime ce qu’on fait, c’est difficile d’en rester loin et également parce que je souhaitais commencer à me projeter sur certaines compétitions qui vont se tenir durant l’hiver. Si je m’y engage, même si c’est avant tout pour faire de la figuration, je n’ai pas envie d’arriver derrière le plot et de ne pas offrir un spectacle aux plus jeunes et aux spectateurs présents.
Cette volonté de transmettre t’a-t-elle toujours animé durant ta carrière ?
Je trouve qu’on a tout à gagner à partager nos expériences, nos connaissances, nos ressentis. C’est quelque chose que j’ai vécu étant plus jeune. J’ai eu la chance d’avoir de grands champions à mes côtés et qui m’ont pris sous leurs ailes. Je pense que ça m’a énormément aidé tout au long de ma carrière. L’impact que pouvaient avoir Romain Barnier, Franck Esposito ou encore Lionel Moreau sur moi quand j’étais plus jeune était considérable. Quand j’ai dû me poser la question de savoir si je m’engageais dans le haut-niveau ou pas, ils m’ont vraiment aidé dans ma réflexion.
Comment cela va se manifester durant l’année ?
C’est déjà quelque chose que je fais depuis quelques années. Notamment aux meetings de Massy, Melun et Courbevoie. Pendant ou avant la compétition, des moments d’échange sont mis en place, souvent avec les plus jeunes. Ce n’est pas juste prendre une photo, signer un autographe et s’en aller. Le but est d’ouvrir le dialogue et de passer tout un week-end à discuter avec les nageurs et leurs entraîneurs de club. Toujours en évoquant les difficultés qu’ils peuvent rencontrer, ou les prédispositions de leurs athlètes. Rien n’est figé et il n’y a pas de format particulier. Il s’agit simplement d’échanger autour de notre passion commune.
Est-ce également ton vécu qui te donne envie et qui te permets de mettre en place ces moments d’échange ?
Evidemment, mon vécu me donne envie de partager et de transmettre. Est- ce qu’il me le permet ? C’est plutôt aux autres d’en juger et de savoir s’ils trouvent intéressant et pertinent qu’on échange ensemble sur le sujet. Je ne serai jamais fermé là-dessus.
Es-tu attiré par le métier d’entraîneur ?
Pas du tout. Je ne me prédestine pas du tout au métier d’entraîneur. Je ne pense pas avoir cette fibre en moi. Autant j’aime beaucoup transmettre, autant, rentrer dans le concret et établir une préparation précise avec des séances, des cycles de travail, je n’en ai pas les connaissances et je ne pense pas maîtriser cela.
Participeras-tu aux championnats de France à Angers (17-20 novembre) ?
J’aimerais bien m’y aligner, mais je ne sais pas si j’aurais la capacité de me donner les moyens suffisants pour m’entraîner en conséquence, de manière à ne pas arriver comme un touriste à Angers. Si je ne me sens pas prêt, je ne me permettrais pas de demander au Cercle des Nageurs de Marseille de m’inscrire sur des courses aux championnats de France et de ne pas pouvoir bien y figurer.
Finalement, qu’est-ce qui te poussera un jour à prendre la décision d’arrêter définitivement ?
Pour moi, ce moment est déjà arrivé. Ce que je mets en place cette année, c’est complétement différent de ce que j’ai pu faire depuis tant d’années. Mon arrêt de carrière est déjà là. J’ai juste émis le souhait de reprendre ma licence auprès de la Fédération Française de Natation cette année pour me laisser cette liberté de décider, si oui ou non, au moment d’une compétition, j’ai ce qu’il faut dans les bras pour m’y aligner.
Recueilli par J. C.