Capitaine de l’équipe de France de natation artistique, Marie Annequin, 28 ans, est confinée comme l’ensemble des Français et ne peut donc plus pratiquer une activité sportive de haut niveau. Une situation inédite et forcément inquiétante dans une saison censée s’achever par les Jeux olympiques de Tokyo l’été prochain.
Où as-tu choisi de te confiner ?
Je suis chez moi à Joinville-le-Pont. Je ne suis pas rentrée chez mes parents parce que je suis ici avec mon copain et mon chat.
As-tu été surprise par l’annonce de la fermeture de l’INSEP vendredi dernier ?
Il y avait des bruits de couloir et on nous disait qu’il était possible que l’INSEP ferme mais nous avions espoir que cela se passe comme en Espagne où les athlètes des disciplines qui étaient en préparation pour la qualification olympique puissent continuer de s’entraîner. Mais personnellement, je ne m’attendais pas à ce que ça ferme au moins quinze jours. Je n’y croyais pas trop. J’espère vraiment qu’ils vont décaler le Tournoi de Qualification Olympique parce qu’il était prévu fin avril et qu’un arrêt aussi long, qui peut ressembler à des vacances d’été, est difficile à surmonter au moment de la reprise.
Appréhendes-tu les effets de cette coupure sur ton organisme ?
Habituellement, même quand on coupe on essaie toujours de se maintenir en forme et de garder un contact avec l’eau, sinon la reprise est trop difficile. J’appréhende la reprise dans le sens où le Président Emmanuel Macron a annoncé un confinement de quinze jours mais j’ai peur que ce soit plus au final. Je ne vois pas comment en deux semaines nous pouvons éradiquer ce virus. J’espère qu’on aura au moins le droit de continuer à aller courir.
Justement avez-vous encore des liens avec vos entraîneurs ?
Nos coaches font en sorte de maintenir le lien entre nous et on continue à recevoir des programmes de préparation physique concoctés par Cyril (Vieu, le préparateur physique de l’équipe de France). Je vais commencer aujourd’hui. On a aussi plusieurs groupes Whats’app avec les entraîneurs et les autres nageuses de l’équipe.
Les exercices ressemblent-ils à ce que vous faîtes habituellement ?
C’est moins dur que ce qu’on peut faire d’habitude. C’est de l’entretien plus que de la progression, mais c’est déjà ça.
Malgré tout, si on essaie de voir le positif, vous avez énormément travaillé physiquement et vous sortez de l’Open de France qui a été exigeant également. N’est-ce pas une bonne chose de couper un peu pour récupérer ?
Si ça avait duré quatre jours, j’aurais dit oui, mais là quinze jours, c’est énorme. Je pense qu’on ne se rend pas bien compte parce que c’est le début, mais moi je commence déjà à en avoir ras-le-bol (rires).
Marie Annequin qui porte Eve Planeix lors des équipes libres de l'Open de France de natation artistique à Paris (6-8 mars 2020). Photo: FFN/P.Pongenty.
D’autant que ça pourrait durer plus que les quinze jours annoncés.
J’en discutais avec mon copain et j’avais programmé que dans ma tête le 4 mai (lendemain du TQO de Tokyo), c’était terminé et nous étions fixés dans un sens comme dans l’autre. Alors qu’actuellement nous sommes dans une grande incertitude.
À l’issue de l’Open de France, vous aviez prévu de procéder à quelques ajustements chorégraphiques sur votre ballet libre. Avez-vous eu le temps de les travailler ?
Laure et Julie ont entendu les bruits de couloir sur la fermeture de l’INSEP et ont tout fait pour que les ajustements chorégraphiques sur le ballet libre soient travaillés avant que cette décision ne soit prise. On a également des échanges sur un groupe qui s’appelle « Girls Power » et qui est basé sur de l’ouverture artistique. Tous les jours une fille donne un thème artistique qui lui parle et qui l’inspire. Aujourd’hui, c’est le Boléro de Ravel. Et on discute également de tout et n’importe quoi, même si ça tourne beaucoup autour du coronavirus, forcément. On essaie de garder le cap et conserver ce chemin commun qu’on doit suivre ensemble.
En tant que capitaine, tu as forcément un rôle à jouer dans le maintien de cette cohésion.
On a une équipe assez jeune et cette situation oblige à chacune à être autonome. Ce sera un point bénéfique pour nous pour la suite. Tout le monde doit se prendre en charge et on s’envoie mutuellement des photos lorsqu’on va courir et ça motive.
Certains sportifs ont indiqué qu’il serait difficile de maintenir les JO dans cette situation. On imagine que cela ne t’arrange pas* ?
Il faut qu’il fasse les qualifications. J’espère au moins qu’elles auront lieu cette année. Si on n’est pas qualifié, j’arrête et si on est qualifié, ça enlève une pression et je ferai une dernière année en profitant à fond et sans cette incertitude qui a été pesante toute l’année.
Tu ne te vois pas repartir pour une année si tout est décalé ?
Je ne pourrais pas enchaîner une seconde année comme celle que nous vivons actuellement. On s’entraîne entre 42 et 45 heures par semaine. C’est très bien parce que nous sommes investies mais on en est capables parce que c’est limité dans le temps. C’est très difficile de s’entraîner autant sans savoir ce qui va se passer dans l’avenir. À priori la qualification des nageurs doit se tenir fin juin (du 23 au 29 à Chartres), je pense que ça devrait être pareil pour nous. Mais ça signifie qu’il faut tenir deux mois de plus.
La natation artistique est un sport de jugement et vous avez eu l’occasion de montrer votre nouveau ballet libre une seule fois. Est-ce dommageable en vue du TQO ?
Ils nous ont vu tôt dans la saison et ils savent que notre ballet est perfectible. Je pense que c’est bien qu’on ait pu leur montrer parce qu’on est dans leurs têtes. Les Grecques n’ont pas montré leur ballet et ne vont pas le faire avant le TQO et sont donc inexistantes pour le moment, ce qui n’est pas notre cas.
Recueilli par J. C.