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A 27 ans, Giacomo Perez-Dortona va quitter les bassins. Le meilleur brasseur tricolore de ces dernières années souhaite passer à autre chose. Une envie qu’il avait déjà avant d’aborder les sélections olympiques en espérant terminer sa carrière à Rio. Mais la désillusion de Montpellier l’a poussé à raccrocher plus tôt que prévu. Calme, posé et souriant, le champion du monde du 4x100 m 4 nages à Barcelone, a accepté de répondre à nos questions avec une grande franchise. Entretien. 

Giacomo, est-ce difficile de vivre une compétition, et tous les petits rituels qui vont avec, pour la dernière fois ?

Je ne pense pas trop à ça à vrai dire. Je sais qu’une fois l’Open de France terminée je serai en vacances et c’est la seule chose que j’ai en tête. J’essaie de performer et de prendre du plaisir tout le week-end sans penser à autre chose. J’ai toujours eu cette recherche de l’excellence, je ne la perdrai jamais et ça m’aidera dans ma nouvelle vie.

A quel moment as-tu ressenti l’envie de mettre un terme à ta carrière ?

Depuis un moment, je sens que je commence à m’intéresser à d’autres choses et à prendre conscience qu’il n’y a pas que la natation dans la vie. J’ai arrêté mes études très tôt pour me consacrer pleinement au sport de haut niveau et ça ne m’a pas tout le temps réussi. J’ai souvent raté des sélections entre 2009 et 2012 et je me suis toujours remis en question à l’entraînement pour continuer de progresser en pensant que je pouvais avoir ma place au niveau mondial.  Quelque fois, j’y suis parvenu, comme à Doha en 2014 où, avec un plateau relevé, j’arrive à décrocher une médaille de bronze. C’est ce qui m’a donné envie de continuer. Mais depuis un petit moment, j’avais envie de voir autre chose et les Jeux Olympiques auraient vraiment été la cerise sur le gâteau. Mais cette année, j’ai pris moins de plaisir et j’ai réalisé une de mes moins bonnes saisons. J’ai essayé pendant quelques années d’exploser au plus haut niveau, ça ne marche pas et j’ai d’autres centres d’intérêt. J’ai envie de passer à autre chose.

Est-ce un véritable adieu ou une simple pause ?

Je n’ai pas envie de me fermer des portes parce qu’on ne sait jamais ce que la vie réserve. Si un jour, me vient l’idée de reprendre la natation, ne serait-ce que pour disputer un 50 m brasse, je remettrai le maillot et les lunettes, mais ce n’est pas ce que j’ai dans la tête pour le moment. Et puis si je pars très rapidement sur un nouveau projet, je n’aurais aucune raison de reprendre ma carrière.

Comment expliques-tu ce manque de sensations dont tu as parlé tout au long de la saison ?

Très tôt dans la saison, sans savoir vraiment pourquoi, j’étais perdu dans ma brasse. Et puis j’étais partagé entre l’envie d’arrêter et la volonté malgré tout de continuer les entraînements, même si parfois j’y allais à reculons. L’hiver a été compliqué, heureusement qu’il n’y a pas eu de compétitions importantes. Ensuite, j’ai bien repris en janvier avec un bon stage à Tenerife où je me suis vraiment motivé en me disant qu’il ne restait plus que trois mois pour préparer les sélections. Lors des compétitions de préparation, entre janvier et mars, je nageais dans les mêmes eaux que mon temps de Montpellier, sans être affûté. J’étais confiant pour les championnats de France. Mais une fois arrivé sur place, j’ai tout de suite senti que ça n’allait pas. Dès les échauffements, je me cherchais techniquement. Ce n’est pas la meilleure des préparations. Je savais que ce serait compliqué de se qualifier pour Rio, mais je pense que j’ai connu le pire scénario en touchant troisième. J’ai des regrets, parce que je sais que j’étais capable de réaliser le temps de 1’01’’3 qui permettait de partir à Rio.

Comment as-tu vécu les championnats de France de Montpellier ?

Je pensais d’abord au temps de qualification en arrivant à Montpellier. 59’’80, alors que je me cherchais un peu et que ma saison avait été moyenne, je savais que ce serait compliqué à réaliser sachant que je n’avais jamais nagé aussi vite. Je voulais me rapprocher au moins de mon meilleur temps qui était entre le temps de qualification et le temps FINA A. Je n’ai pas vraiment compris ce qui se passait au moment de la finale. J’ai réalisé la pire course de ma vie. Je fais un mauvais départ. D’habitude je pars plus vite au premier 50 m, ensuite mon virage n’est pas bon et quand j’essaie d’accélérer, je prends une caisse. Un petit cauchemar.

Qu’est-ce qui te viens à l’esprit à l’arrivée du 100 m brasse ?

Je me dis : « ah oui quand même ! Tout ça pour ça ». C’est un chrono que j’avais réalisé tout au long de la saison malgré la fatigue et les charges de travail. Après trois semaines de repos, je ne suis pas capable d’accélérer. J’étais vraiment déçu parce que je savais que j’avais mieux en moi. Une fois de plus, dans ma carrière, je n’ai pas pu montrer mon réel niveau.

Avais-tu l’espoir de te qualifier malgré tout pour Rio lors des championnats d’Europe de Londres ?

J’étais encore confiant après les championnats de France parce que je savais, qu’à Londres, j’avais une deuxième chance de me qualifier pour Rio avec le relais quatre nages. La préparation était plutôt bonne mais je n’ai pas réussi à retrouver ma brasse. En arrivant à Londres, je me sentais bien mais ça n’est pas passé.

Tu as souvent été victime de coups du sort et de blessure juste avant de grandes échéances. Comment as-tu vécu cela mentalement ?

On m’a souvent fait remarqué qu’à l’entraînement j’avais toujours été irréprochable. Je suis un grand bosseur. Je ne suis quasiment jamais malade. D’ailleurs on me demandait parfois de ne pas y aller trop fort pour ne pas gaspiller d’énergie. En arrivant au Cercle, on m’a dit que je devais lever le pied en muscu et aller moins vite dans l’eau. Malgré mes bonnes saisons, c’est vrai que j’ai eu un peu de malchance, notamment en 2009 lorsqu’on me détecte l’appendicite lors du stage terminal avant mes premiers championnats du monde à Rome. Le pire souvenir de ma carrière. Mais j’ai su rebondir à chaque fois et m’accrocher en me disant que ça finirait par payer. Et comme ça n’a pas été le cas, j’ai souhaité passer à autre chose.

Etait-ce compliqué de ne pas avoir réellement de concurrence nationale sur tes épreuves de prédilection ?

Cette situation m’a permis d’aborder plus sereinement les sélections chaque année. Mais c’est vrai que les pays qui connaissent cette concurrence progressent plus vite puisque ça pousse tout le monde à nager plus vite. Peut-être que s’il y avait davantage de densité au niveau de la brasse française, il y aurait une alchimie qui se créerait et qui permettrait à tout le monde de progresser. Je ne vais pas me cacher derrière ça mais ça aurait pu m’aider je pense.

A quoi va ressembler ta nouvelle vie ?

J’ai envie de quitter Marseille, parce que je ne me vois pas y vivre si je ne nage plus. Avec ma copine, on surfe beaucoup et on aime particulièrement les Landes et le Sud-Ouest. J’ai la chance d’avoir de la famille là-bas et je pourrai avoir une dépendance le temps de me retourner et de passer du statut de sportif de haut niveau à celui d’une personne lambda qui va aller travailler (sourire). Une chose est sûre, ça me permettra de souffler et de penser à l’avenir. On a aussi le projet de partir en Nouvelle-Zélande pendant un an en parcourant le pays avec un van, tout en travaillant et en apprenant l’anglais.

Retrouver une vie normale finalement.

Depuis que je suis au Cercle (2007), je n’ai jamais pris un break de plus d’un mois. Ça commençait à tirer un peu sur la corde. J’ai une copine qui n’est pas du tout dans le monde du sport de haut niveau. Depuis dix ans, je ne me consacre qu’à la natation et si ça ne paie pas comme des Florent Manaudou ou des Camille Lacourt, au bout d’un moment, on a forcément envie de passer à autre chose.

Vas-tu suivre malgré tout les Jeux Olympiques de Rio ?

Si je suis à l’étranger, ça sera compliqué de suivre la compétition mais je me tiendrai bien évidemment au courant des résultats de mes coéquipiers. Je serai derrière eux et j’espère qu’ils nageront tous vite parce qu’on a la même vie, ils ont fait énormément de sacrifices et j’ai envie que ça paie pour eux de la même manière que j’avais envie que ça fonctionne pour moi. Mais c’est vrai que si la semaine est incroyable, j’aurais un peu de regrets de ne pas avoir partagé cette aventure humaine avec eux.

Recueilli à Vichy par J. C.

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