Huitième de la finale du solo libre (87,4667 points), auteur d'une meilleure prestation qu'aux éliminatoires, la Clermontoise aura marqué l'audience par la sensibilité artistique de sa prestation.
« Je suis satisfaite, contente de moi, j'ai pris du plaisir. C'était le plus important », sourit Eve Planeix. « J'ai essayé, à l'occasion de cette compétition, d'être dans cet esprit-là. » À ses côtés, Laure Obry sourit d'un air entendu et empli de tendresse pour une nageuse qui a eu l'habitude, par le passé, de se mettre un peu de pression. « Sur cette compétition-là, non ! », se défend Eve en éclatant de rire. « J'ai vraiment fait un travail sur moi, même les jours d'avant, pour lâcher prise et être dans le plaisir avant tout. Et c'est là que la perf' sort le mieux. » Dans une finale où le podium – Inui en or pour le Japon (95,3667), Fiedina en argent pour l'Ukraine (93,8000) et Platanioti en bronze pour la Grèce (91,7667) – était inaccessible, la nageuse de Clermont, qui n'avait pas un objectif points particulier, termine huitième et en tire des éléments positifs. « La finale d'un championnat du monde, c'est la récompense d'un travail. Ça donne aussi de l'énergie pour la suite. Pour aller chercher encore plus. Je suis allée gratter par-ci, par-là, les petites améliorations nécessaires pour la finale, surtout sur la seconde moitié du solo, moins bien passée aux éliminatoires. Il y a eu un petit couac, mais je l'ai sentie un peu mieux ! », s’amuse-t-elle. Elle s'est effectivement trompée de sens à la sortie d'une figure, « mais j'ai vite rattrapé ça... J'ai essayé de le faire le mieux possible ! », éclate-t-elle de rire.
(Photo : Deepbluemedia)
« J'ai bien aimé sa réaction entre les éliminatoires et la finale », confirme l'entraîneur Laure Obry. « Il y avait des choses à améliorer sur la seconde moitié, elle s'est bien battue, c'est super ! Et elle était plus dans l'émotion, ce qui était une commande de ses coaches. Aller plus toucher, communiquer avec ses juges. C'était important et, à son passage, je me suis laissée embarquer. Elle était plus juste dans ses intentions, dans son énergie. Elle a fait le job. » Virginie Dedieu, depuis la tribune, abonde. « Je l'ai trouvée plus décontractée par rapport aux éliminatoires. Ce solo demande au corps de la souplesse. De la respiration. Elle l'a mieux fait que sur les éliminatoires », juge-t-elle. « Il y avait plus de vie. En outre, elle a bien su gérer l'espace et sa présence. » Gérer un passage en équipe le matin et une finale individuelle le soir, c'est aussi une question. « C'est de l'expérience », balaie l'ancienne championne du monde. « On est censé être capable de tout nager. Certaines, aujourd'hui, ne font plus que le solo, mais c'est parce qu'elles en ont bavé avant, notamment la Japonaise, qui est en fin de carrière. Oui, nager le ballet d'équipe, ça fatigue, ça prend de l'énergie, mais Eve a du bagage pour passer à autre chose et nager un autre programme l'après-midi. »
(Photo : Deepbluemedia)
La finale mondiale d'un solo libre s'y prêtait. « L'environnement, le bonheur de retrouver la compétition – une grande compétition, ça faisait longtemps – et cette énergie qu'elle apporte », explique Eve. « Il s'agissait de vivre le moment présent, d'incarner le personnage. Raconter une histoire, transmettre une émotion. Apporter une petite touche personnelle. » La genèse de ce solo sur le thème du refus de la violence, qui remonte à la Toussaint 2021, est collective. « C'est Laure (Obry) qui m'a proposé la musique, qui me l'a fait écouter. J'ai tout de suite accroché. J'ai pleuré ! », avoue-t-elle. « Il y a un peu de tout le monde » dans cette création. « C'est un solo, mais c'est un travail d'équipe », s'amuse la nageuse. « Nous avons récupéré des mouvements, correspondant à la thématique, qui nous intéressaient. Puis nous avons essayé d'aller chercher plus loin pour mettre mes qualités en avant. Mais cela s'est fait assez rapidement. C'était assez fluide. » Virginie Dedieu, à la demande de Laure, s'est occupée de la chorégraphie. « Une volonté des deux entraîneurs », précise l'ancienne championne du monde, « pour lui donner une autre dimension, de l'originalité, chercher plus haut que ce qu'elle avait fait jusqu'ici ».
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Pour cela, l'expérience est une clef. « Elle a pris de la maturité et de la grandeur », confirme Virginie Dedieu. « On lui reprochait ce manque quand elle nageait ses autres solos. Pour moi, elle a acquis une grande maturité et nous avons insisté sur les difficultés techniques. » Tout en accentuant, donc, la dimension artistique. « Dans notre sport, nous devons partager, donner. Dans la chorégraphie, avoir un sens, ça aide. Se démarquer des autres aussi. C'est ce qui est intéressant dans nos disciplines, et qui permet de travailler la difficulté : à partir de l'artistique, on trouve des difficultés techniques. Ce n'est pas obligatoire mais, pour moi, c'est indispensable ! », avoue-t-elle en riant. Que peut faire de mieux, dès lors, la nageuse du Puy-de-Dôme ? « S'améliorer sur la légèreté », répond Virginie, « par rapport à ses concurrentes du podium. Avoir de la facilité. C'est vraiment une façon de nager. Ne pas se dire “j'y vais en frontal”. Arriver à se détacher de son geste. » Mais « elle n'a pas à rougir de sa perf' », insiste Laure Obry. « Elle a montré qu'elle était présente. Elle a des concurrentes qui envoient un contenu très dense, très difficile, plus difficile que le solo d'Eve, c'est certain. Il faut apprendre de cela et travailler plus encore. L'émotion est son point fort, et c'était l'objectif de ce ballet. Mais on ne s'en sert pas pour compenser le reste ; ce n''est qu'un plus. » La nageuse de 21 ans en est évidemment consciente : pendant l'interview de son entraîneur, elle était déjà partie récupérer de sa journée...
A Budapest, David Lortholary