Robin Pla, Conseiller Technique National à la Fédération Française de Natation a été nommé référent scientifique pour l’instance fédérale dans le cadre du récent appel à projets de l’Agence Nationale de Recherche. Alors qu’une enveloppe de 20 millions d’euros a été débloquée pour la recherche appliquée au sport de haut niveau pour Paris 2024, six projets ont été retenus, dont deux pour la Fédération Française de Natation.
Comment s’est déroulé cet appel à projets ?
L’Agence Nationale de Recherche a dégagé une enveloppe de 20 millions d’euros pour la recherche appliquée au sport de haut niveau pour Paris 2024. Il y a eu un appel à projets spécifique auquel des laboratoires ont répondu avec le soutien et l’appui d’une ou plusieurs fédérations sportives. En l’occurrence, c’est la Fédération Française de Natation qui a contacté des laboratoires pour leur proposer de travailler avec eux sur des thématiques bien identifiées. Il n’y a eu que six projets acceptés dont deux pour la FFN. Nous sommes la seule fédération avec le rugby à avoir deux projets. Et encore, pour le rugby ce sont des projets partagés avec d’autres fédérations, ce qui n’est pas notre cas. On a été auditionné par l’agence nationale de recherche et il y avait un comité d’experts, à la fois issue de la recherche pure, des représentants de l’agence du sport, d’anciens DTN.
Quels sont ces projets ?
Le premier s’appelle Neptune et se concentre sur les analyses de courses. L’idée c’est de customiser les analyses de courses qui sont actuellement réalisées par le service optimisation de la performance et évaluations en les rendant semi-automatique voire automatique. Il y aura un système de tracking avec la caméra et avec le logiciel préalablement installé, chaque mouvement est reconnu, ça compte le nombre de coups de bras, ça détermine la vitesse. C’est un développement de technologie afin de mieux analyser et affiner les stratégies de courses. Un nouveau système vidéo devrait également être installée à l’INSEP afin de juxtaposer la vitesse instantanée du nageur sur une vidéo prise en direct, avec une vision sous-marine et une vision hors de l’eau.
Et le second ?
Le deuxième s’appelle D-Day et se concentre sur l’affûtage. La première phase est de tester des techniques de récupération et des outils d’estimation de la fatigue en vue de l’affûtage. Est-ce qu’il vaut mieux effectuer une séance de cryothérapie, s’immerger dans un bain froid etc ? Quels indices de la fatigue vont être prédictifs de la performance ? Ce protocole est proposé aux CAF et au CNE INSEP. Pour Font Romeu, des adaptations spécifiques devront être anticipées par rapport à la gestion de l’altitude. Dans un premier temps nous allons tester ces outils hors périodes d’affûtage pour que ce soit plus simple pour les coaches. Il faut simplement essayer ça sur des blocs de deux semaines, une avec la cryothérapie et une autre sans afin de voir comment le corps de l’athlète réagit. Cette expérimentation va durer un an et demi. Ensuite, par rapport à ses résultats, on affinera les stratégies d’affûtage de chaque nageur. Le but est d’individualiser les stratégies des nageurs de l’équipe de France. Par ailleurs, il y a toute une thématique autour des spécificités féminines qui va être mise en place, notamment sur l’impact du cycle menstruel sur la fatigue et la performance.
Séance d'analyse vidéo avec le service optimisation de la performance et évaluations de la FFN (Photo: Robin Pla)
Avec l’apparition de la technologie en natation, on a le sentiment que l’individualisation est de plus en plus préconisée.
Personnellement, je pense que l’entraînement moderne doit être tourné vers une individualisation. L’exemple type, c’est Florent Manaudou. Il a son projet personnel qu’il a construit et il sait exactement ce dont il a besoin et va chercher les compétences qui lui sont nécessaires pour aller au bout de son projet.
À quel moment ces outils seront-ils disponibles ?
La plupart des outils vont être prêts d’ici six mois à un an et demi. Par contre le projet s’arrête en 2023 pour que ce soit prêt en 2024. Si on souhaite retravailler ensuite avec ces laboratoires, ce ne sera plus dans le cadre du projet. Deux anciens sportifs de haut niveau vont également être associés au projet dans le comité de pilotage : Alain Bernard et Hélène Gardeau. Ils vont servir à faire le lien avec les sportifs, tout en apportant leur vécu.
Est-ce important de pouvoir compter sur d’anciens athlètes ?
Bien sûr. D’autant que dans le projet D-Day on a aussi la volonté de commencer par une enquête avec des chercheurs en psycho avec des anciens nageurs de haut niveau afin qu’ils rapportent leurs méthodes d’affûtage afin de déterminer ce qui peut être bien pour les athlètes. Ce seront des informations déterminantes, qui nous permettront de nous nourrir de ce qui a réussi dans le passé, tout en ouvrant les perspectives futures.
Recueilli par J. C.