L’annonce de son retour a pris tout le monde de court. On pensait qu’Amaury en avait fini avec la natation, que la page était tournée. Mais après six ans d’absence, le natif de Delle (Territoire-de-Belfort) qui s’entraîne aujourd’hui à Dijon sous la houlette d’Éric Rebourg, le technicien de ses débuts au Pôle France de Besançon, s’est lancé un challenge incroyable : disputer les Jeux olympiques de Tokyo en juillet 2020. Un véritable contre-la-montre que le champion olympique 2012 (au titre du relais 4x100 m nage libre) aborde avec sérénité et sans jamais se départir de son humour. Auteur d’un convaincant 21’’71 en séries du 50 m nage libre des championnats de France d’Angers en petit bassin, distance sur laquelle il avait décroché la médaille d’argent aux Jeux olympiques de Pékin en 2008, Amaury Leveaux retrouvera en finale (vendredi 13 décembre à 19h16, ndlr) Florent Manaudou et Grégory Mallet, deux « anciens » de l’équipe de France également lancés dans une opération reconquête.
Dans quel état d’esprit abordes-tu ce retour à la compétition ?
Avec le sourire et sans pression. Je sors de trois mois difficiles au cours desquels j’ai réalisé un gros travail foncier. Il fallait faire de la caisse pour redevenir nageur. J’ai perdu beaucoup de poids et il m’en reste encore à perdre, mais je ne suis pas inquiet, il me reste quatre mois de travail. On verra comment les choses tournent (sourire)…
Les séries du 50 m nage libre (vendredi 13 décembre) se sont révélées en tout cas concluantes.
Je suis à Angers pour prendre des repères et m’éclater. C’est la première compétition que je dispute avec une vraie concurrence, mais je ne me mets de pression. J’ai l’impression de m’en être plutôt bien tiré. Florent ne m’en met pas tant que ça (ce-dernier signe le meilleur des séries en 21’’12, ndlr). Je sens que je suis au contact. C’est positif parce qu’on sait que c’est l’un des meilleurs partants. Je bataille avec mes armes et je trouve que c’est plutôt pas mal.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Qu’en est-il des émotions ? Est-ce que les souvenirs remontent ?
J’ai envie de chialer (sourire)… Non, je ne ressens pas d’émotions particulières. Quand je suis allé m’échauffer dans le bassin de compétition le premier jour des championnats (jeudi 12 décembre), j’ai remarqué qu’il y avait des lignes spécifiques. On n’a également plus le droit de nager avec des plaquettes et des palmes. Il y a de nouvelles règles que j’essaie d’assimiler.
Qu’est-ce ça fait de retrouver d’anciens visages comme Florent Manaudou ou Grégory Mallet, par exemple ?
Sincèrement, je ne suis pas revenu en me disant que j’allais revoir tel ou tel nageur. Ça me fait plutôt plaisir, mais voilà, ça s’arrête là. Je suis détendu et serein.
Que viens-tu chercher à Angers ?
L’objectif n’a pas changé : je suis concentré sur les championnats de France de Chartres (12-19 avril 2020), où se disputeront les sélections olympiques. J’ai bien travaillé depuis le début de la saison. Avec mon entraîneur (Éric Rebourg), on sait ce qui me manque. Je n’ai pas réellement de force, la tonicité n’est pas non plus encore là, mais je vais essayer de m’en sortir avec mon expérience et le bagage que j’ai accumulé depuis trois mois. On verra ce que je suis capable d’en faire, mais je pense que ça peut être intéressant.
Clément Lefert, Yannick Agnel, Amaury Leveaux et Grégory Mallet célèbrent leur titre olympique du 4x100 m nage libre aux Jeux olympiques de Londres en 2012. Les deux derniers se retrouveront, ce soir (vendredi 13 décembre, en finale du 50 m nage libre des championnats de France d'Angers en petit bassin (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Reprendre en petit bassin n’est-ce pas une manière de s’y remettre en « douceur » ?
Nager, c’est nager ! Le petit bassin, c’est plus rapide que le grand, mais ce n’est pas ça qui me fera nager vite. Je reste rapide sous l’eau, mais je le suis moins que Florent (Manaudou) avec qui tout le monde veut me comparer. Je ne suis pas encore à mon top, mais ça va venir. Il faut y aller une marche après l’autre.
Où te situes-tu par rapport à l’échéancier établi avec Éric Rebourg ?
On en a parlé il y a une semaine. J’étais à l’origine de la conversation car j’avais presque envie de ne pas aller à Angers pour entamer le cycle de force. Ces trois derniers mois, j’ai vraiment fait beaucoup de physique. C’était du dimanche au dimanche. Des semaines vraiment intenses, à base de treize bornes par jour. Avec le cycle de force, ce sera différent. On ne devrait plus nager que cinq à six kilomètres par jour en privilégiant la force et la vitesse.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Te sens-tu capable d’aller titiller Florent Manaudou en finale du 50 m nage libre des championnats de France d’Angers, ce soir ?
Il faut être rationnel. Je sais comment je nage et j’ai vu le niveau de Flo la semaine dernière aux championnats d’Europe de Glasgow en petit bassin. On parle d’un mec qui a fait 20’’6 et d’un autre qui émarge à 22’’0. Un monde nous sépare. J’ai été nageur, je sais de quoi il retourne. Donc non, je ne me fais pas d’illusions. Il y a peu de chances que ça se passe bien pour moi, mais ça ne me fait pas peur.
N’est-ce tout de même pas un peu frustrant de ne pas être en mesure de se mêler à la lutte pour la première place ?
Il n’y a aucune frustration. J’apprends la patience. Ce n’est pas évident parce que je suis plutôt un mec impatient de nature. Même quand je nageais, je pensais d’abord au résultat avant de m’interroger sur la manière d’y arriver. Avec Éric, on a bien réfléchi à la manière de travailler. Une des premières choses que je me suis imposé, c’est la préparation physique. Avant de nager vite, encore faut-il avoir la force nécessaire pour bouger de l’eau.
Amaury Leveaux lors de l'édition de l'Open de France 2013 (KMSP/Stéphane Kempinaire).
De quelle manière ton corps a-t-il encaissé cette préparation physique ?
Dès le début, ça a été particulièrement éprouvant. Je me suis tout de suite dit qu’il allait falloir s’accrocher pour tenir. J’en suis même venu à me demander dans quoi je m’étais lancé (sourire)... Mais maintenant, il n’y a pas un matin où je rechigne à aller m’entraîner. Je connais mon objectif et je sais ce qu’il faut accomplir pour l’atteindre. Pour autant, je ne m’interdis pas de dire à Éric quand je me sens moins bien ou lorsque le doute s’installe.
Est-il difficile de se remettre dans la peau d’un nageur de haut niveau ?
Quand je suis derrière le plot, j’ai envie de gagner. Même s’il n’y a que 3% de chance de battre Flo, je vais tout donner pour les exploiter à fond. Je sais pourquoi je m’entraîne et pourquoi je suis revenu.
Recueilli à Angers par A. C.