La nouvelle a eu de quoi surprendre. En début de semaine dernière, Jérémy Stravius, champion du monde du 100 m dos et champion olympique avec le relais 4x100 m nage libre à Londres a annoncé la fin de sa carrière à moins de six mois des Jeux olympiques de Tokyo. Une lassitude qu’il traînait depuis quelque temps déjà et qui l’a conduit à dire stop en sortant de l’entraînement. Et si le timing a étonné, pour lui il n’y a aucun doute, c’était le meilleur moment pour prendre cette décision.
Pourquoi as-tu pris cette décision à ce moment de la saison ?
Quand c’est l’heure, c’est l’heure. Il ne faut pas se forcer à aller plus loin même si j’avais d’autres objectifs au départ. Il était temps pour moi de raccrocher. Je n’avais aucun doute là-dessus. Je ne me posais même plus la question de savoir ce qu’il allait se passer par la suite.
Comment ont réagi tes partenaires d’entraînement ?
Ils m’ont demandé si j’étais sûr de moi. Quand je leur ai dit que j’étais soulagé, ils étaient contents pour moi parce qu’ils savaient que c’était la meilleure décision. Mais forcément ça n’a pas été facile parce que j’étais à l’entraînement le matin et absent l’après-midi. Je leur ai dit que je serais toujours là pour eux. Je suis encore dans les groupes WhatsApp, je prends des nouvelles. Je n’ai pas envie que ce soit un poids pour eux et qu’il continue dans leur lancée en cette année olympique si importante. Je leur souhaite de réussir cette année et je serais là pour les supporter. Et je sais qu’on continuera à se voir au-delà de nos carrières.
Ont-ils été surpris ?
Bien sûr ! Avant de prendre cette décision en sortant de l’eau lundi matin, personne n’était au courant. Mais ils ont vite compris et ne m’en veulent pas, tant que je suis bien dans ma tête.
À Glasgow en décembre dernier Jérémy Stravius a connu sa dernière sélection en équipe de France. (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)
Est-ce qu’il y a eu un déclic ?
Il y a eu une accumulation de plusieurs facteurs. De nombreuses personnes, parfois en raison d’un manque de communication, vont garder les choses pour eux et un jour ça explose. C’est un peu ce qui s’est passé pour moi. Il m’est arrivé de ne pas me sentir très bien, voir pas bien du tout et on ne peut pas faire machine arrière. Je me trouvais à un moment où je devais arrêter. Prendre cette décision plus tard aurait été plus difficile et je pense que ça n’aurait pas été bénéfique.
Même pour terminer sur des Jeux olympiques ?
C’était trop loin. Si ça avait été dans deux mois, je n’aurais peut-être pas arrêté mais là, six mois c’était trop. J’ai déjà pris sur moi pas mal de temps, je ne pouvais pas aller plus loin.
Mehdy Metella a dû déclarer forfait pour les Jeux olympiques de Tokyo. Cela a-t-il joué sur ta décision en te disant qu’il serait plus difficile d’aller chercher une médaille avec le relais 4x100 m nage libre ?
Non, pas du tout. Cette année, pour être franc, je voulais jouer ma carte personnelle avec le 100 m papillon et le 100 m nage libre. Le relais était une troisième idée et ça ne m’animait pas tous les jours. J’ai vu que certains ont dit que je sentais que ça allait être compliqué et que j’ai abandonné pour cette raison. Mais je ne suis pas le genre de personne à me défiler. Je me suis toujours confronté aux meilleurs nageurs, sur les épreuves les plus denses. J’aurais peut-être pu me faciliter la tâche en nageant uniquement le quatre nages mais j’avais plutôt envie de m’aligner sur 100 m dos ou 100 et 200 m nage libre. Je n’ai pas arrêté pour ça.
À Rennes en 2013, Jérémy Stravius est devenu le premier nageur français de l'histoire à décrocher cinq qualifications dans trois nages différentes pour une compétition internationale. (Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire)
Tu évoques un mal-être et un certain manque de communication. Est-ce que la séparation avec Michel Chrétien n’a pas marqué le début de la fin ?
Pas forcément, parce que j’ai vécu des choses très intéressantes à Nice avec Fabrice Pellerin. Même si les résultats n’ont pas été à la hauteur de ce que j’avais connu à Amiens, j’ai vécu d’autres choses plus importantes. Je n’avais jamais changé de club et le fait de découvrir un autre environnement, un autre entraîneur, d’autres nageurs, ça m’a fait du bien. Si j’avais pris ma retraite au moment où j’ai quitté Michel, j’aurais eu ce regret de ne pas avoir essayé autre chose ailleurs. J’ai tenté ma chance et aujourd’hui c’est autre chose qui me pousse à prendre cette décision et pas le fait que ça n’ait pas marché avec Fabrice.
Était-ce malgré tout difficile pour toi d’être à Nice alors que tu as ta vie et ta famille à Amiens et à un âge où tu as envie de construire des choses ?
C’est sûr que c’était compliqué, surtout quand on sait que les reconversions ne sont pas toujours faciles. Quand on s’arrête on se retrouve tout seul et il faut trouver quelque chose pour repartir. Je n’ai pas été beaucoup aidé par la région, la ville, le club et je n’avais pas envie de me ruiner encore plus alors que je souhaite démarrer une reconversion qui va nécessiter un investissement avec un projet qui va me coûter pas mal d’argent. Et puis travailler sur un projet à Amiens en étant à Nice au quotidien, ce n’est pas évident.
Peux-tu nous en dire plus sur ce projet ?
Pour l’instant je suis sur l’idée d’un escape game avec un bar à jeux. Je pense peut-être à ouvrir une franchise pour prendre moins de risques. On a déjà de la documentation, il faut encore rencontrer des personnes et visiter les locaux disponibles sur Amiens.
Recueilli par J. C.