Intronisé capitaine de l’équipe de France masculine, cet hiver, à l’occasion des championnats du monde en petit bassin de Windsor, Jérémy Stravius s’est ensuite fracturé le poignet fin décembre lors d’un séjour au ski. Un contretemps qui ne l’inquiète pas et qui lui permet d’adapter sa préparation à Amiens, avec son entraîneur de toujours, Michel Chrétien avec qui il a finalement décidé de poursuivre l’aventure.
Où en es-tu de ta blessure au poignet ?
J’ai changé de plâtre début février. J’en ai désormais un pour pouvoir nager et un ordinaire. Ma fracture est fermée et ça me permet de réaliser quelques séances de musculation sur les bras et les jambes en tirage, sans que mon poignet ne soit mis à rude épreuve. Je peux également porter des haltères parce que le plâtre ne me gêne pas pour la prise en main.
Cela perturbe-t-il réellement ta préparation ?
Ma préparation est forcément différente des autres années, mais je ne reste pas sans activité. J’axe beaucoup le travail sur le cardio en courant sur un tapis, avec du vélo. Ce n’est pas habituel pour moi, mais je suis certain que ça peut être bénéfique pour ma saison. Et puis je vais tout de même dans l’eau pour retrouver quelques sensations. Finalement, je suis confiant pour la suite.
As-tu planifié ton retour dans les bassins ?
Je n’ai pas de date de retour en tête. Je ne sais pas encore comment la fracture va cicatriser. A la base, les médecins ont évoqué une immobilisation dans le plâtre pendant trois mois, mais j’espère revenir avant.
Cette année, les championnats de France se tiennent fin mai (Schiltigheim, 23-28 mai, ndlr). C’est une chance pour toi.
C’est vrai que dans mon malheur, je suis chanceux… Ça me laisse le temps de revenir et de bien me préparer pour viser une qualification sur 100 m nage libre et 50 m dos aux championnats du monde de Budapest (23-30 juillet).
En fin d’année dernière tu évoquais la possibilité de changer de club, avant de finalement reprendre l’entraînement avec Amiens. Quelles structures t’ont contacté ?
J’ai des portes qui se sont ouvertes par l’intermédiaire de mon agent qui m’a proposé un certain nombre de choses, mais la piste la plus sérieuse a été Marseille. J’ai discuté avec Mélanie Hénique qui en a parlé avec Romain Barnier. J’ai d’ailleurs échangé avec lui par téléphone. Il était assez ouvert pour que j’intègre leur structure. J’étais content que le CNM s’intéresse à moi. Je les remercie vraiment pour leur proposition.
Pourquoi avoir finalement décliné ?
Le projet était intéressant et Marseille est une ville que j’apprécie, mais je souhaitais vraiment continuer avec Michel en modifiant certaines choses. Il a revu ses positions, moi aussi, et c’est pour cette raison que je suis resté. On a notamment évoqué la possibilité de s’attacher les services d’un assistant pour des séances spécifiques de sprint. Ce serait l’idéal. D’autant qu’aujourd’hui, j’essaie de construire un double projet à Amiens et je ne voulais pas trop m’évader si c’est pour débuter une nouvelle aventure dans un an et demi.
Comment vos positions se sont-elles rapprochées avec Michel ?
De mon côté, je devais accepter d’enlever un entraînement de water-polo dans la semaine. Comme il n’y en a que deux, ce n’était pas une très grande concession. Je suis également prêt à nager deux fois par jour, comme avant. Michel, lui, a accepté de différencier ses entraînements par rapport aux autres nageurs du groupe. Il a l’habitude de proposer des séances avec un kilométrage important et c’est davantage une préparation pour des spécialistes du 200 m ou plus. Mon choix sportif est clair aujourd’hui. Je suis focalisé sur le 100 m nage libre et le 50 m dos. Ça ne pouvait donc pas fonctionner s’il n’y avait aucune modification apportée. La venue d’un assistant va l’aider parce que ce n’est pas toujours évident de gérer un groupe avec des sprinteurs, des nageurs de demi-fond et même un nageur d’eau libre.
Les articles parus dans la presse et ton souhait de ne plus t’entraîner avec lui ont-ils nui à votre relation ?
Quand les articles ont été publiés en fin d’année dernière et que j’évoquais le fait de changer de structure parce qu’il ne souhaitait pas modifier sa méthode, forcément ça n’a pas dû lui plaire. Mais il comprenait ma décision. Et puis j’ai rapidement senti que ce serait dommage que l’histoire se termine de cette manière et qu’il y avait encore quelque chose de bien à accomplir ensemble. On ne s’est absolument pas brouillé et les retrouvailles se sont bien passées.
En fin d’année dernière, tu as également endossé le costume de capitaine de l’équipe de France aux Mondiaux de Windsor. Comment l’as-tu vécu ?
Ça a été très rapide et il m’a fallu prendre mes marques au début. Ensuite, je me suis senti à l’aise dans ce rôle et j’y ai pris du plaisir. J’ai senti l’équipe unie, soudée. On a essayé de se connaître, d’échanger et d’intégrer les jeunes en leur enlevant le stress inhérent à une première compétition de cette envergure.
Que penses-tu de la relève tricolore ?
Les jeunes ont été très professionnels. Ils n’ont pas pris cette compétition à la légère et ils étaient tous très impliqués. Ça n’a pas toujours été facile d’évacuer le stress pour aborder les séries plus sereinement et il a manqué à certains quelques centièmes pour se qualifier, mais il était important qu’ils puissent se confronter au plus haut niveau mondial. Ce sera bénéfique pour eux. L’objectif, désormais, c’est Budapest ! Ils ont sans doute besoin d’un semi-échec pour avancer et il est préférable de le connaître aux Mondiaux en petit bassin afin de bien rectifier le tir cet été.
Seras-tu de nouveau capitaine de l’équipe aux Mondiaux de Budapest ?
C’est probable que je sois de nouveau capitaine, du moins pour les garçons. Mais je ne suis pas le seul à prendre la parole. A Windsor, Jordan (Pothain) s’est exprimé à plusieurs reprises et il a été écouté. Chacun peut se confier. Nous devons nous faire confiance et nous dire les choses pour que la communication soit la meilleure possible.
Jordan a d’ailleurs intégré le relais 4x100 m nage libre à Windsor. Penses-tu qu’il peut en être un élément important ?
Nous allons avoir besoin de Jordan, mais aussi de Yonel (Govindin, vice-champion du monde avec le 4x100 m à Windsor, ndlr). Ils font désormais partie de cette famille et de la nouvelle génération du 4x100 m. Jordan a déjà fait ses preuves sur 200 et 400 m nage libre et même s’il manque encore un peu d’expérience sur 100 mètres, il peut être compétitif sur cette distance avec le relais. Je pense qu’il lui sera difficile de se qualifier sur cette distance en individuel, mais il en est parfaitement conscient et je pense qu’il est focalisé sur le relais 4x100 m nage libre et sur les 200 et 400 mètres en individuel.
En tant que capitaine, comment procèdes-tu avant le départ d’un relais ?
A Windsor, j’ai glissé un petit mot à chacun juste avant notre arrivée derrière les plots. Ce sont des encouragements pour mettre le paquet. C’est à ce moment précis qu’il est important de s’imprégner de l’ambiance et d’élever la voix pour couvrir la musique. Dans la chambre d’appel, j’essaie simplement de leur retirer le stress s’ils sont tendus, mais je n’interfère pas sur leur préparation parce que, très souvent, ils ont une routine assez précise.
Le relais 4x100 m nage libre tricolore peut-il continuer à s’illustrer sur la scène internationale après toutes ces années de succès et les retraites de certains cadres ?
Nous ne partons pas de zéro. Clément (Mignon), Mehdi (Metella) et moi sommes habitués aux joutes internationales. Il nous faut trouver deux ou trois nageurs pour espérer être au même niveau que les années précédentes. Nous avons besoin de désigner rapidement le quatrième, le cinquième et même le sixième homme du relais. Ce sera intéressant d’observer les meetings de préparation pour dénicher les éventuels prétendants.
Recueilli par Jonathan Cohen