C’est La guerre de Troie n’aura pas lieu (1) que vivent les nageurs confrontés aux tergiversations du CIO. D’autres compétitions comme les championnats de France ou les championnats d’Europe de Budapest sont également reportées à une date ultérieure. Si certains nageurs s’en accommodent, à l’image notamment de Mehdy Metella ou Mathilde Cini, blessés et d’ores et déjà forfaits pour les Jeux de Tokyo en 2020, certains vont devoir s’armer de patience avant de trouver les ressources nécessaires pour relancer la machine la saison prochaine. Une problématique à laquelle Yannick Agnel a déjà tenté de répondre sur Twitter : « Un nageur de compétition de niveau international a une capacité à s’adapter, c’est un événement particulier qui concerne le monde. Le report des JO d’un an pour des raisons sanitaires graves, permet à l’ensemble des athlètes sélectionnés de participer dans des conditions équitables. C’est un report d’une année qu’il convient de gérer en amont, c’est une décision sage. » Ce tweet amorce notre dialogue avec le double champion olympique 2012 du 200 m et du 4x100 m nage libre.
On a beaucoup parlé d’entretien physique et de préparation mentale en période de confinement, mais qu’en est-il des sponsors et de la dimension économique et financière ? Comment gérer sur le long terme cette lame de fond inhabituelle ?
Il faut imaginer plusieurs scénarios. Les athlètes doivent dégager une ligne d’emploi du temps consacré à la recherche de sponsor. Il y a les sponsors déjà acquis qui suivent leurs nageurs au quotidien. Il ne faut en aucun cas couper le lien, il faut rester connecté, utiliser les réseaux sociaux pour créer, augmenter la visibilité du contenu entre le nageur et le sponsor. Il ne faut également pas oublier le rôle des collectivités locales et territoriales qui peuvent soutenir le nageur d’un club.
Pas simple pour de jeunes nageurs ou des athlètes faiblement exposés de s’élancer dans l’aventure olympique dans un contexte aussi incertain.
C’est sûr que la période n’incite pas à la sérénité, mais il importe de rendre la préparation de ces olympiades aussi apaisée que possible. Ce sera sans conteste une préparation inédite et de haute volée. L’autre face, c’est la gestion de la notoriété lorsque l’on devient un nageur médaillé. Il faut apprendre à gérer ce relationnel dans un timing soigneusement étudié. C’est l’occasion d’anticiper, de réfléchir à tout ça en se posant les bonnes questions.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Le report des Jeux de Tokyo pose aussi la question de la sélection olympique. Quels conseils judicieux donneriez-vous aux nageurs dont la qualification n’est toujours pas actée ?
Difficile de vous répondre car c’est une situation particulière que je n’ai pas vécue. En revanche, il est vrai que j’ai l’expérience des Jeux, des championnat d’Europe ou du monde et je sais à quel point cela peut être stressant. Pour l’heure, nous sommes dans une situation tellement particulière qui nous impose, en priorité, de respecter scrupuleusement les consignes sanitaires.
La flamme olympique est déjà partie. Quelle réflexion cela vous inspire ?
Surréaliste et digne d’un roman d’anticipation de Damasio (2). Il y aurait un scénario à écrire… Il faut imaginer un parcours inédit et nouveau pour cette flamme qui soit porteur de sens. Cette flamme désormais confinée pourrait, par exemple, passer dans des lieux symboliques afin de rendre hommage aux victimes de l'épidémie.
Recueilli par Anne-Elisabeth Liebmann
(1) Pièce de théâtre de Jean Giraudoux, jouée la première fois le 22 novembre 1935 au Théâtre de l'Athénée sous la direction et avec Louis Jouvet.
(2) Alain Damasio est un écrivain de science-fiction français. Son domaine de prédilection est l'anticipation politique. Il marie ce genre à des éléments de science-fiction ou de fantasy et décrit des dystopies politiques.