Barré par Franck Esposito, Joanes Hedel a longtemps été le « Poulidor » du 200 m papillon, une épreuve dont il sera trois fois vice-champion de France (en grand bassin) malgré un très honorable record personnel en 1’58’’76. Mais là où certains auraient baissé les bras, ce Nordiste originaire de Coudekerque-Branche persévère et décroche le titre suprême en 2004 (1). Deux ans plus tard, le Ch’ti prend pourtant le large. Pas avec la natation, pour laquelle il nourrit toujours la même passion, mais avec les bassins, devenus trop petits pour celui qui a depuis toujours la Mer du Nord pour horizon. La première course d’eau libre à laquelle il participe, à Granville, finit de le convaincre. C’est vers les grands espaces et les longues distances qu’il oriente sa seconde carrière. Après une première tentative sur 25 kilomètres en 2007, le Nordiste devient en effet champion de France dès l’année suivante et remporte, dans la foulée, l’argent aux championnats d’Europe (2).
Si le « long » convient parfaitement à son physique de fondeur, les ressources psychologiques que demandent les marathons aquatiques ne peuvent que séduire un garçon qui se définit lui-même comme quelqu’un « capable de dépasser ses limites tout en les connaissant très bien ». Et quitte à dépasser ses limites, ce « dur au mal » se lance dans des raids toujours plus exigeants. En 2009, pour sa première épreuve de Grand Prix sur les 32 kilomètres du lac Saint-Jean au Canada, il prend la troisième place après plus de sept heures d’effort. A deux doigts d’abandonner, Joanes se refuse une nouvelle fois à déposer les armes « parce que quand tu t’entraînes tous les jours pour un événement, quand ton club, ta fédération te font confiance, tu te dois d’aller jusqu’au bout ».
Homme de devoir et de passion, Jo est également un homme de cœur. En 2013, en Argentine, il est dévoré par l’émotion lors de sa victoire sur la mythique Santa Fe – Coronda (57 km). Ce succès de prestige, obtenu devant 100 000 spectateurs, intervient en effet alors que sa mère est en train de s’éteindre des suites d’une longue maladie. Convaincu que l’eau libre est le meilleur exutoire à tous les maux, le Nordiste a organisé sa vie, professionnelle et privée, en fonction de sa passion. Détaché sur un poste à mi-temps à la mairie de Dunkerque grâce à son statut d’athlète de haut niveau, il aligne les longueurs quand son travail le lui permet, une première fois de 6h à 8h30 du matin, puis de 14h à 17h. Et comme il ne souhaite pas négliger pour autant Stéphanie, sa femme, et Enzo, leur fils d’un an, les journées du Nordiste ressemblent inévitablement à des marathons.
J.-P. C.
(1) Il est également sacré champion de France du 200 m dos en 2005, mais en petit bassin cette fois.
(2) Il termine troisième des championnats d’Europe en 2010 et 2011, toujours sur 25 km.