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Après une saison mi-figue mi-raisin, marquée notamment par une non-qualification aux championnats du monde de Budapest, Jordan Pothain a pris le temps de couper, cet été, et de rompre avec son quotidien de nageur de haut niveau. Après sept semaines de repos, le Grenoblois a repris l’entraînement plus déterminé que jamais à retrouver ses camarades de l’équipe de France.

Comment as-tu vécu les championnats du monde de Budapest, loin de tes coéquipiers ?

Je suis resté en contact avec mes coéquipiers, qui étaient à Budapest, en leur transmettant régulièrement mes encouragements. J’étais à l’affût des résultats et j’ai regardé les finales de mes courses de prédilection. Ça a fait naître en moi un peu de frustration. C’est un sentiment que je n’avais pas connu depuis un moment. Mais je pense que c’est une bonne chose parce que ça m’a donné vraiment envie de repartir du bon pied pour ne plus rater ce genre d’événements.

Avais-tu besoin de cette coupure malgré tout ?

J’ai vraiment le sentiment d’avoir eu une année difficile et cette phase de repos était nécessaire. Je m’étais même fixé comme objectif d’arriver fin août en forme et prêt à repartir au boulot. En voyant les Mondiaux ça m’a conforté et j’ai vraiment profité des vacances pour me ressourcer.

(KMSP/Stéphane Kempinaire).

Les Jeux Olympiques ont laissé plus de traces que tu ne l’imaginais.

Après les Jeux, ma vie a un peu changé. Les médias m’ont davantage sollicité, j’ai signé des partenariats, j’attaquais des études un peu lourdes avec mon école de kiné. Tout ça m’a pris pas mal d’énergie à côté de l’entraînement. Mais j’ai malgré tout voulu augmenter la charge de travail et je me suis pris au jeu de cette sur-fatigue. C’était vraiment un été nécessaire pour souffler, récupérer aussi bien physiquement que mentalement, et me libérer un peu de la pression.

D’autant qu’après Rio, tu as enchaîné sans vraiment prendre de vacances. Était-ce une erreur ?

Il m’aura fallu un an pour comprendre que les Jeux m’ont pris beaucoup d’énergie. L’année olympique demande un investissement incroyable, autant pour la qualification que pour la performance une fois sur place. J’avais vraiment envie de participer à cette finale. Il y a eu beaucoup de choses à côté également et j’ai perdu de l’influx. Au retour des Jeux, je n’ai pas pris le temps de digérer tout ça parce que j’ai été pris par l’entrain de mes performances et l’envie d’aller plus loin. J’ai payé le prix de ce manque de récupération.

On a le sentiment que tu as soigneusement décortiqué ta saison 2016-2017. Est-ce le cas ?

J’ai, en effet, analysé toute la saison dernière. Je me suis même rapproché d’une préparatrice mentale pour prendre du recul et comprendre ce qui m’avait manqué la saison dernière. J’avais beaucoup de choses sur le cœur et j’avais besoin de faire une petite rétrospective. Ce qu’il en ressort, c’est cette forme de surinvestissement et cet épuisement qu’il y a eu au bout. Beaucoup de facteurs ont joué là-dedans et notamment le fait d’évoluer dans un petit club. Ce n’est pas toujours facile d’être dans une démarche de haut niveau. Je suis dans un fonctionnement associatif et j’ai des petits combats à mener au quotidien, même si on cherche à aller dans mon sens. L’énergie est donc toujours un peu dispersée. Même si à l’entraînement je me donne à fond, la fatigue s’installe et finalement c’est dans cet état que je me suis retrouvé aux championnats de France.

D’autant qu’en 2016, tu avais souffert d’une mononucléose. As-tu complètement récupéré ?

Je ne sais pas si on en récupère complétement, mais j’ai tout mis en œuvre pour retrouver la plénitude de mes moyens. Ça faisait peut-être partie des facteurs qui m’ont empêché de performer l’année dernière, mais il n’y avait pas que ça.

(KMSP/Stéphane Kempinaire).

Qu’as-tu fait de ton été ?

J’ai pris sept semaines de congés loin des bassins. J’en ai profité pour faire d’autres activités sportives…

Lesquelles ?

Du wakeboard et de la randonnée… J’ai eu du mal à rester enfermé. Je suis parti un peu en vacances avec des amis pour faire la fête. Je pense que c’était important pour récupérer mentalement, penser à autre chose qu’à la natation et me détendre.

Avais-tu une appréhension au moment de reprendre l’entraînement ?

J’ai toujours eu un peu peur de prendre beaucoup de vacances et de perdre mes sensations à la reprise. J’avais également la crainte de trouver trop de plaisir à cette vie un peu plus « normale » et moins sportive. Mais en suivant les championnats du monde de Budapest à la télévision, j’ai compris que je ne me laisserais pas emporter par le charme des vacances et que j’avais envie de poursuivre ma carrière dans les bassins pendant encore quelque temps.

As-tu malgré tout senti les bienfaits de cette coupure lors de ta reprise, début septembre ?

Mentalement, il n’y avait pas vraiment de différence par rapport aux autres années parce que je n’ai jamais de grandes difficultés à replonger. Mais physiquement, mes premières longueurs constituaient un vrai test. Pour moi, tout va bien ! Je découvre de nouvelles choses et mon entraînement est en train d’évoluer.

De quelle manière ?

Actuellement, je suis en train de me décider pour enlever une séance dans l’eau et la remplacer par une séance de course à pied. Ça me fait du bien ! Dans l’eau, on va faire attention à l’intensité parce que c’est ce qui m’a épuisé la saison dernière. Je fais aussi de la préparation mentale. Je pratique également la gymnastique pour travailler mes virages et ma vitesse de rotation. C’est des petites choses qui me font énormément de bien mentalement et techniquement.

(KMSP/Stéphane Kempinaire).

Comptes-tu également partir à l’étranger comme cela avait été le cas au cours de l’année olympique ?

J’ai prévu de faire des stages et des compétitions à l’étranger. On en a envie avec Guy (La Rocca, son entraîneur à Grenoble, ndlr). Il faut réussir à régler les soucis logistiques. Quand on est dans une association, c’est toujours compliqué de sortir un peu du moule. J’en ai même parlé à Jérémy (Stravius) et Charlotte (Bonnet). C’est aux coaches de décider entre eux, parce que nous on en a envie. Casser la routine et se confronter à l’international est toujours bénéfique. J’ai également une petite idée de professionnalisation derrière la tête, mais davantage pour la saison prochaine que pour celle-ci. J’ai vraiment envie de sortir du cadre et de me lancer dans la confrontation en allant voir ce qu’il y a à l’étranger. Pourquoi pas en effectuant une semaine de stage suivie d’un meeting ? J’ai vraiment envie de me confronter un peu plus parce que je sais que j’en ai besoin.

Comment abordes-tu cette nouvelle saison ?

J’ai envie de performer aux championnats d’Europe de Glasgow (3-12 août 2018). Je prends ça comme un objectif intermédiaire. J’aimerais bien aller chercher une première médaille individuelle, c’est une étape importante à franchir pour continuer de gravir les échelons en vue des Jeux de Tokyo.

Tu penses déjà à Tokyo, mais as-tu en tête également les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ?

Je pense évidemment aux Jeux de Paris, comme tous les athlètes français de ma génération d’ailleurs. J’ai un double projet qui va me prendre du temps. J’en ai pour une dizaine d’année avant d’obtenir mon diplôme de kiné, ce qui pourrait me conduire jusqu’aux JO de 2024. Tout va dépendre aussi de cette olympiade et des résultats que je réaliserais à Tokyo.

Recueilli par Jonathan Cohen

 

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