Julien Jacquier, l’entraîneur de Mehdy Metella, voulait retenir le positif après la médaille de bronze de son protégé sur le 100 m nage libre. Si tout n’est pas encore parfait, il est certain que le sprinteur a beaucoup à apprendre de ces confrontations internationales.
Comment as-tu vécu cette course ?
De manière très détaché finalement. Nous avons regardé la course avec Romain (Barnier) sur les grands écrans du bassin d’échauffement. C’est un moment où l’on ne maitrise plus rien et on voulait en profiter. Après coup, je suis très satisfait. C’est un aboutissement pour Mehdy, même si ce n’est pas la gagne alors qu’il pouvait y prétendre. C’est un grand compétiteur. Ce que je retiens, c’est qu’il est troisième mondial au 100 m nage libre, l’épreuve reine.
Comment analyses-tu sa performance ?
Il est parti beaucoup plus vite qu’hier. Il est à hauteur de son meilleur temps au 50 m. L’Américain Dressel l’a emmené dans sa vague et ça l’a aidé à partir plus vite. C’est de l’apprentissage parce qu’il n’avait jamais vécu ça avant. Il était aux côtés d’un monstre qui est parti très vite et qui a tenu. Ça a joué forcément dans sa performance de ce soir. Je lui avais également demandé de ne pas se coller à Adrian dans la deuxième longueur pour ne pas qu’il profite de sa vague. Il a peut-être manqué d’un petit peu de lucidité pour appliquer cette consigne. Il était aussi assez fatigué et il lui a un peu offert la deuxième place. Mais il n’y a pas de course parfaite et s’il avait gagné, il aurait aussi commis beaucoup d’erreur. Je retiens vraiment le positif.
N’a-t-il pas un peu paniqué en voyant Dressel partir si vite ?
Je n’ai pas encore eu le temps de débriefer et je ne sais pas si c’est de la panique. C’était peut-être de la confiance en lui et il s’est dit qu’il ne voulait pas le laisser partir comme ça. Je pense que c’est davantage ça parce qu’il n’a pas non plus surnagé. Il a sans doute mis plus de force que d’habitude et a été meilleur sur l’approche du virage. On peut refaire le monde cent fois mais il est troisième et c’est vraiment bien.
KMSP/Stéphane Kempinaire
Malgré tout, il avait l’air déçu en sortant de l’eau.
C’est normal, il se prépare pour gagner. C’est ce qui fait qu’il va avoir l’envie de continuer et de progresser. Plusieurs fois pendant la compétition, il a regardé Dressel, qui est un vrai phénomène, en se disant qu’il pouvait le battre. Ce n’est pas pour cette fois-ci, mais il est décomplexé aujourd’hui face à l’adversité.
Était-il aussi détaché qu’hier ?
Avant la course, c’est une certitude. En tout cas, il a réussi à avoir cette façade qui lui a permis de ne pas tomber dans la peur. Il a très bien géré la chambre d’appel. Il y avait un contexte particulier. On sait que les cartes sont définies après les demi-finales et ça peut toujours avoir un impact sur la course. Il est tombé au milieu de deux Américains et ça a donné cette issue.
Sur le plot, on l’a senti un peu plus stressé qu’en demi-finale.
Sans doute, il était peut-être plus fermé, mais il ne faut pas oublier que c’est sa première finale en individuel à ce niveau. Qui ne ferait pas d’erreurs pour une première finale lorsqu’on est engagé avec le meilleur temps ? Mais c’était de l’envie et pas de la peur.
KMSP/Stéphane Kempinaire
Que lui manque-t-il encore pour gagner ?
La base de vitesse. Le jour où ce sera gratuit pour lui de passer 22’’5 au premier 50, il pourra revenir très fort et prétendre au titre. Aujourd’hui, il est parti vite et ensuite il a du mal à finir. Nous n’avons pas encore les clés pour corriger cela mais on va creuser.
Cette finale va-t-elle avoir une influence sur le 100 m papillon ?
Je pense qu’il va y aller avec encore moins de pression et davantage de détermination. Il avait besoin dans sa tête de valider le travail accompli en figurant parmi les meilleurs mondiaux. Il vient de le faire ce soir et ça va décupler sa motivation. Ça va être une journée compliquée demain parce qu’il va devoir passer du crawl au papillon tout en récupérant physiquement et nerveusement. S’il arrive à passer en finale, je pense que son état d’esprit sera différent.
Comment as-tu travaillé ce passage du crawl au papillon avec lui ?
Ce n’est pas la première fois parce que dans les autres compétitions, il participait également au relais 4x100 m nage libre le premier jour. Il doit garder le modèle du papillon en tête et travailler un peu de technique de cette nage après chaque échauffement ou après chaque récupération, même le jour du 100 m nage libre.
Recueilli à Budapest par J. C.
KMSP/Stéphane Kempinaire