Elle était attendue par tous les nageurs depuis bien des mois. Il n'en sera finalement rien. La quatrième étape de Coupe du monde d'eau libre, qui devait se tenir ce week-end du 5-6 août à Paris, a été annulée en raison d'une mauvaise qualité d'eau dans la Seine. Alors que tout était installé et que les délégations n'attendaient que le feu vert après plusieurs reports, Paris ne sera pas le théâtre de ce "test-event" dissimulé en étape du circuit mondial. Si l'inquiétude pourrait l'emporter à un an des Jeux olympiques, les autorités compétentes se veulent rassurantes pour août 2024 et l'épreuve olympique d'eau libre.
Il est 6 heures, Paris s’éveille tout doucement. Du côté de Nogent-sur-Marne, l’heure n’est pas à la fête. La délégation française et l’élite internationale viennent d’apprendre, après plusieurs reports, l’annulation de l’étape de Coupe du monde à Paris en raison d’une mauvaise qualité de l’eau. S’ils s’en doutaient – certains n’avaient même pas préparé leur sac pour la compétition –, la sentence est irrévocable et déchirante. « Je suis forcément frustrée que la compétition soit annulée », souffle Caroline Jouisse, qui pointe au troisième rang du classement général. « Le fait de nager en France, dans la Seine, à un an des Jeux olympiques, c’était une belle opportunité pour prendre des repères dans l’optique d’y performer. » Sur le pont Alexandre III, le calme est anormal, les visages sont fermés même si tous ou presque s’attendaient à une telle décision. Les cartons défilent déjà et s’entassent dans les camions remplis à ras bord. Très tôt, plus que prévu, en tout cas. Le ponton, les installations chronométriques et de production télévisée, tout était prêt et installé depuis trois jours. Tout, sauf la qualité de l’eau, dégradée par une météo anormalement pluvieuse pour un mois de juillet. Le préfet Pierre-Antoine Molina évoque les conditions capricieuses : « Les mesures du mois de juillet montrent que les efforts dans le cadre du "Plan baignade" mis en place sont efficaces. La qualité de l’eau était conforme et en amélioration constante », explique-t-il au pied du pont aux dorures illuminées par le soleil levant. « Or, nous avons connu depuis le 20 juillet un épisode pluvieux exceptionnel. Dans les données de Météo France allant jusqu’à 1965, on n’a pas trouvé une année où il avait autant plu. Avec plus de 120 mm, cela fait cinq fois la moyenne des vingt dernières années. »
De la déception, mais une promesse d'amélioration structurelle pour les jeux olympiques
Pour Pierre Rabadan, adjoint à la mairie de Paris en charge du Sport, des Jeux Olympiques & Paralympiques et de la Seine, la déception est de mise : « On est tous déçu. D’abord pour les athlètes, mais aussi pour l’organisation de l’événement que l’on attendait. Cela s’est joué à quelques heures. La tendance était de s’approcher des normes acceptables pour pouvoir nager », regrette l’ancien rugbyman du Stade Français. C’est que la fédération internationale, World Aquatics, par son médecin et l’arbitre délégué officiel, se base sur les résultats du test prélevé 24 plus tôt. Un moment où la pluie tombée la veille avait encore un impact considérable sur les bactéries recherchées (entérocoque et Escherichia coli). « Nos relevés instantanés, pas pris en compte par le processus de World Aquatics, nous disent qu’à date, le matin, l’eau était bonne et les chiffres étaient en dessous de 1000 », appuie l’élu. « On a presque des regrets car si la décision avait été prise en temps réel, on pense qu’on aurait pu tenir la course en dessous des seuils. Il y a aussi un travail à faire sur ce protocole pour prendre en compte la qualité de l’eau en temps réel. » Cette soupe à la grimace évidente, tant les conditions paraissaient parfaites en extérieur avec un temps radieux et un plateau d’athlètes copieux, ne doit pour autant pas inquiéter pour août 2024 et les Jeux olympiques de Paris. Brigitte Légaré, responsable des 24 sports qui se dérouleront dans le centre de Paris au sein du Comité d’organisation des Jeux olympiques, se veut rassurante à ce sujet : « Avec l’épisode historique que l’on vient d’avoir, on va voir ce que l’on peut changer et améliorer. Les modélisations nous montrent qu’avec ce qui va être mis en place, cela va avoir un effet majeur sur la qualité de la Seine. Je suis confiante. »
Photo : Louis Delvinquière / FFN
Parmi ces installations, il y aura notamment la mise en service, « au premier semestre de 2024 », d’un bassin d’orage à Austerlitz, ainsi que « d’autres bassins de stockage, dans Paris, en Seine-Saint-Denis et dans le Val de Marne, qui vont permettre de stocker les eaux de pluie et ainsi éviter de déverser ces eaux dans la Seine », esquisse le préfet Molina. Sur les capacités de la Seine à encaisser les averses, les premières mesures déjà mises en place – et qui ont donné lieu à des premières baignades –, « les données quotidiennes de cette année nous montrent déjà que la Seine se remet à niveau assez rapidement après les épisodes pluvieux », rassure Brigitte Légaré. Elle est appuyée par Pierre Rabadan : « La perspective, même si ce moment est désagréable, est de confiance. Les travaux continuent. » Pour les nageurs, français et du monde entier, il y a malgré tout du bon à retenir de cette situation. La championne d’Europe, Caroline Jouisse, s’en fait la porte-parole : « Je suis aussi soulagée que World Aquatics prenne en compte notre santé et qu’ils nous permettent de nager en sécurité. » Désormais, « place aux vacances » pour Sacha Velly et consorts, pour se « vider l’esprit » avant de « s’entraîner plus fort pour se qualifier aux Jeux olympiques. » Rendez-vous manqué cette année, mais pris pour l’année prochaine lors de la plus grande compétition du monde. Et aussi parce que, comme le dit le Nordiste, « nager dans la Seine, au pied de la Tour Eiffel, c’est unique au monde. »
A Paris, Louis Delvinquière