Depuis septembre 2016, Marie Wattel s’entraîne en Angleterre du côté de Loughborough. C’est donc de l’autre coté de la Manche qu’elle vit la crise sanitaire du coronavirus. Et si pour le moment le confinement n’a pas encore été décrété et qu’elle continue donc à s’entraîner, la papillonneuse suit l’évolution de près et songe à rentrer en France auprès de sa famille*.
*(Entretien réalisé le jeudi 19 mars 2020. Samedi 21 mars, Marie Wattel nous a informé de la fermeture de sa piscine d'entraînement et de son retour en France prévu le dimanche 22 mars.)
En Angleterre, le confinement n’a pas encore été décrété ?
Pour l’instant non, mais je pense que ça va arriver.
Ton programme n’a donc pas changé ?
Si puisque l’université a fermé la semaine dernière. Il pense même à reporter les examens. En ce qui concerne la natation, depuis qu’ils ont appris que les championnats d’Angleterre étaient annulés, ils ont modifié le programme et les deux groupes performance s’entraînent ensemble. Nous n’avons plus qu’un entraînement par jour.
Les nageurs anglais n’ont donc plus de compétition qualificative pour les JO ?
Ils sont encore plus dans le flou que nous parce que leur championnat national était le support des qualifications olympiques. Ils craignent désormais que les nageurs soient sélectionnés par rapport aux temps réalisés l’année dernière, sans qu’ils puissent faire leur preuve cette saison
Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire
Les championnats de France étant reportés au mois de juin, le fait de n’avoir qu’une séance par jour n’est pas forcément préjudiciable.
On était censé prendre part au FFN Golden Tour Camille-Muffat de Marseille ce week-end, donc on avait prévu de relâcher un peu au niveau des charges d’entraînement et ensuite on entrait en affûtage. Du coup, ça me convient bien qu’on ne s’entraîne qu’une fois par jour, d’autant qu’il va falloir tenir jusqu’au mois de juin maintenant pour les championnats de France.
Est-ce malgré tout difficile de poursuivre la préparation dans de telles circonstances ?
C’est difficile. Au début, je me disais qu’il n’y aurait qu’un report des championnats de France, mais plus les jours passent, plus je pense que les JO le seront aussi. C’est moins facile à gérer mais tous les athlètes sont dans le doute. Ça fait beaucoup de peine parce que ce n’est pas la préparation d’une année, mais c’est quatre ans de travail. C’est compliqué, personne ne sait ce qu’il va se passer.
Comment vis-tu cette situation en étant loin de ta famille ?
J’ai reçu un message de ma grand-mère qui me disait que ce serait bien que je rentre en France. Je pense que c’est ce qu’ils souhaitent tous. En Angleterre, la situation risque de s’empirer. À mon sens, les autorités britanniques n’ont pas réagi assez vite. Je trouve ça dingue qu’hier (mercredi 18 mars) on se soit retrouvé dans la salle de musculation alors qu’on est un groupe de presque quarante nageurs. Pour le moment, il n’y a aucune mesure concrète en Angleterre. Je pense que je ne vais pas tarder à rentrer en France, parce que ça ne me rassure pas trop et je dois d’abord penser à ma santé.
Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire
On a l’impression que tu n’as pas vraiment la tête à l’entraînement finalement.
La tête n’y est plus vraiment. Tout paraît si loin et incertain. Ce que j’aime bien dans le sport de haut niveau c’est la compétition et là il n’y en a plus. Ça m’attriste aussi de voir que la plupart de mes concurrentes sont dans l’incapacité de s’entraîner. Je ne trouve pas ça très juste. Il me faut un peu de temps pour digérer la nouvelle et petit à petit, si on a davantage de certitudes dans le futur, ça reviendra sans problème. Pour l’instant, il faut penser à sa santé et je ne vais pas rester m’entraîner en Angleterre si je sens que c’est plus dangereux. Je vis un peu au jour le jour. Je pense que les nouvelles annonces vont commencer à arriver en Angleterre. J’aimerais, si possible, éviter de rester coincée ici. Je préférerais retourner en France et profiter de ma famille que je n’ai pas vu depuis Noël. Je n’ai pas beaucoup d’espoir sur le fait que tout va s’arranger d’ici quinze jours.
Comment accueillerais-tu un report des JO ?
Je n’ai que 22 ans et j’avais prévu de continuer après les JO quoiqu’il en soit, mais ça ferait mal de voir cet événement annulé ou reporté. On s’est tous préparé depuis septembre pour ça. On ne pensait qu’à ça. Personnellement, je préfère que ce soit reporté et qu’on puisse tous partir avec les mêmes chances, plutôt que ça soit maintenu mais que ce soit une compétition faussée. Les Jeux c’est quelque chose d’incroyable et il faut réussir à garder cet esprit olympique. Quand on voit qu’hier il y a eu plus de 450 morts en une journée en Italie, on se demande bien comment la situation va pouvoir s’arranger miraculeusement d’ici quatre mois.
Visiblement, tu suis l’actualité du coronavirus de très près.
Je reste branchée sur les actualités, aussi bien côté Français, qu’Anglais parce que j’ai peur que les frontières se ferment et je veux être au courant de toutes les dernières infos. J’ai regardé le discours de Macron, celui de Boris Johnson. C’est assez anxiogène. On ne sait pas ce qui va se passer et ça fait peur. On se croirait dans un film de science fiction. Mais je suis persuadée qu’on va finir par s’en sortir.
Recueilli par J. C.