Fin juillet, à Budapest, le plongeon tricolore a décroché le premier titre mondial de son histoire. En s’adjugeant l’or dans l’épreuve du Team Event, Laura Marino (24 ans) et Matthieu Rosset (27 ans) ont écrit l’une des plus belles pages de leur discipline. Nous avons attendu qu’ils soient redescendus de leur petit nuage pour les interroger sur leur nouvelle vie.
Champion du monde, c’est un rêve devenu réalité ?
Matthieu Rosset : J’avais toujours espéré vivre ça un jour, mais pour être tout à fait honnête, c’était davantage un rêve de gosse qu’un objectif réel (sourire)… Après pareille expérience, le regard que je porte sur ma carrière a forcément changé, d’autant que je bouclais ma vingtième année de plongeon à Budapest. D’une certaine façon, ce titre représente presque un aboutissement !
Laura Marino : C’est évidemment le rêve de tout sportif, mais étrangement, et sans m’y attendre, cette médaille d’or est arrivée à un moment de ma carrière où mon approche était davantage orientée vers le « plaisir ». Ça me donne d’autant plus envie de poursuivre dans cette voie.
Matthieu Rosset (KMSP/Stéphane Kempinaire).
En juin 2017, vous remportez l’or continental aux Euro de Kiev, puis l’or mondial à Budapest (juillet 2017). Il ne vous reste désormais plus qu’à décrocher une médaille olympique. Est-ce un objectif ?
L. M. : Pour ce qui est de la médaille olympique, il est encore un peu tôt pour y songer. Pour l’heure, j’ai surtout à cœur de prendre les saisons les unes après les autres. Cette année, par exemple, j’aimerais décrocher une médaille individuelle aux championnats d’Europe.
M. R. : Pour ma part, j’ai le sentiment que le rêve de médaille olympique est un peu passé…
Qu’entends-tu par-là ?
M. R. : Je ne crois pas que je pourrais tenir une olympiade de plus. En 2020, j’aurai 30 ans, ce qui est âgé pour un plongeur. Après les Jeux Olympiques de Rio, je m’étais déjà posé la question de savoir si j’allais poursuivre ma carrière. Physiquement, ça commence à être difficile.
Laura Marino (KMSP/Stéphane Kempinaire).
L’organisation des Jeux Olympiques de 2024 à Paris peut-elle te faire changer d’avis ?
M. R. : C’est sûr que les motivations seront différentes (sourire)... Si je ne me vois pas plonger à Tokyo, il se peut que j’aie envie de remonter une équipe en synchro pour Paris 2024. C’est un défi que j’aimerais relever pour disputer les Jeux Olympiques à la maison.
L. M. : C’est vrai que maintenant que l’on sait que les Jeux seront organisés à Paris en 2024, il y a de quoi se poser des questions. Ce serait une expérience extraordinaire, mais il n’y a pas que ce paramètre à prendre en compte dans une carrière. Et puis, n’oublions pas que le Team Event ne figure pas encore au programme olympique.
S’il l’intègre, cela suffira-t-il à reformer votre duo ?
M. R. : Si c’est pour 2024, je pense que ça pourrait être possible. Au final, en Team Event, il n’y a que deux plongeons vraiment difficiles à placer donc physiquement ça serait plus simple à gérer. Donc oui, ça serait vraiment beau que l’épreuve du Team Event entre aux Jeux.
L. M. : Bien sûr que si ça devient olympique je voudrais le refaire avec Matthieu. Cependant, tout dépendra aussi de l’équipe qui sera sélectionnée. Il faut qu’elle soit la meilleure possible. Mais si l’occasion se présente, je n’hésiterais pas une seconde !
Laura Marino & Matthieu Rosset (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Vos victoires aux Euro et aux Mondiaux ont-elles une signification particulière du fait qu’elles soient partagées ?
M. R. : La première signification qu’elle a, déjà, c’est celle de la revanche ! Depuis que nous participons au Team Event, nous avons toujours terminé quatrièmes ou cinquièmes. Cette année, nous sommes devenus champions d’Europe et du monde ! Tout au long de ces années, nous n’avons jamais rien lâché. A un moment, il a été question d’opérer des changements dans le duo, mais nous avons persévéré. Nous voulions tous les deux montrer que nous étions à la hauteur.
L. M. : Franchement, ça change tout ! Je l’ai déjà dit à Matthieu : si c’était à refaire et qu’on me proposait une médaille individuelle contre notre médaille, je refuserais sans hésiter. C’est justement parce que ce podium était partagé avec Matthieu, mais aussi Alexis (Coquet, leur entraîneur, ndlr), qu’il restera à jamais gravé dans ma mémoire.
Après tant d’années, justement, quelle a été la force de votre duo cet été ?
L. M : Nous étions tous les deux sur la même longueur d’onde. J’ai le sentiment que nous avions envie de plonger ensemble, de nous surpasser l’un pour l’autre. Je crois qu’au final, c’est ce qui a fait la différence. Après, évidemment, il y a beaucoup de travail parce que ce n’est pas non plus venu tout seul. De toute façon, il n’y a pas de secret : pour réussir, il faut travailler !
M. R. : Notre point fort, c’était notre détermination. En 2014, nous sommes partis en stage pendant deux mois en Australie. A ce moment-là, nous avons créé quelque chose d’unique qu’il a fallu apprendre à maîtriser. C’est venu cet été, à Kiev d’abord (championnats d’Europe, ndlr), puis à Budapest (championnats du monde, ndlr).
Matthieu Rosset & Laura Marino dans les bras dans leur entraîneur Alexis Coquet (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Ces distinctions vous lient-elles pour toujours ?
M. R. : Le fait de plonger à deux rend évidemment ces médailles plus fortes. Avec Laura on est lié à vie, du moins sportivement (sourire)… J’espère qu’elle va continuer pour être la plus performante possible et je lui souhaite tout le bonheur du monde.
L. M. : C’est sûr qu’on est lié par cette médaille on nous l’enlèvera jamais. Cela sera toujours quelque chose qu’on a accompli tous les deux. Ce titre rend forcément notre lien un peu spécial. Après, je ne retiendrai pas que la médaille parce qu’il n’y a pas que l’arrivée qui compte. Avec Matthieu on a vécu beaucoup d’années à l’Insep à s’entraîner dur et puis, comme le dit Matthieu, il y a eu ce stage en Australie qui a constitué une grosse étape de notre carrière.
Laura Marino & Matthieu Rosset (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Depuis ces titres, qu’est-ce qui a changé dans vos vies ? Avez-vous noté une évolution dans le plongeon français ?
M. R. : Honnêtement, rien n’a changé dans ma vie hormis le fait que je me lève tous les matins avec la sensation d’un poids en moins. Maintenant que j’ai atteint mon rêve, je me sens plus léger (sourire)... Pour ce qui est de la discipline, j’espère que ça va changer des choses. Déjà, en France, j’espère que cela permettra d’augmenter le nombre d’infrastructures et ouvrir davantage de créneaux d’entraînement. A l’international, il me semble que l’image du plongeon français est en pleine évolution. Au début, quand je suis arrivé dans le milieu, les plongeurs tricolores étaient anonymes. A présent, les Français sont reconnus sur le circuit international.
L. M. : Franchement, pas grand-chose n’a changé dans ma vie quotidienne. J’ai repris l’entraînement à Strasbourg sans me faire des nœuds dans la tête. Le principal, c’est de progresser et de prendre du plaisir à l’entraînement. J’aime ce que je fais, c’est le principal ! Quant au plongeon tricolore, je dirais que pour l’instant, je n’ai observé aucun changement notable. Néanmoins, j’ai conscience qu’il y a eu beaucoup de changements à la fédération ces derniers mois. Il va sans doute falloir se montrer patients avant de récolter les fruits de notre titre mondial.
Recueilli par Solène Lusseau (avec A. C.)