De l’équipe de France masculine qui a disputé les Jeux olympiques de Rio en 2016, ils ne sont plus que cinq. Cinq joueurs expérimentés qui tentent de transmettre leur vécu et leur science du haut niveau et des matches à enjeux aux jeunes pépites du collectif national dans l’espoir de décrocher une médaille aux JO de Paris 2024 (cent ans après le sacre des poloïstes tricolores, premier titre olympique d’un sport collectif français, ndlr). Avant cela, les Bleus vont devoir enchaîner de nombreuses rencontres de préparation et plusieurs compétitions à enjeux, à commencer par la Super Final de la World League à Strasbourg (22-27 juillet) et les championnats d’Europe de Split en Croatie (28 août-10 septembre).
Fin avril 2022, l’équipe de France masculine de water-polo était au Monténégro pour disputer la finale européenne de la Ligue Mondiale. Une qualification acquise grâce à leurs victoires contre l’Espagne et l’Allemagne un peu plus tôt dans l’année. À Podgorica, les Bleus ont perdu leurs trois rencontres face au Monténégro, à la Croatie et à la Grèce, mais en affichant un état d’esprit conquérant et un niveau de jeu élevé dans la lignée de leurs dernières sorties. « Globalement, c’était un tournoi positif pour le groupe », confirme le capitaine tricolore Ugo Crousillat. « Malheureusement, je n’ai pas pu aider mes coéquipiers comme je l’aurais souhaité parce que j’ai été malade dans le bus la veille du premier match. Mais force est de constater qu’au fil des mois, nous nous rapprochons des meilleures formations mondiales. Compte-tenu de tous les objectifs qui nous attendent dans les deux prochaines années, c’est forcément satisfaisant. » Mehdi Marzouki, joueur emblématique de cette équipe de France ne dit pas autre chose : « Nous avions à coeur de montrer que notre victoire historique contre l’Espagne en février dernier n’était pas le fruit du hasard ou de la chance (14-10 à Reims, ndlr). Il fallait confirmer nos bonnes dispositions. C’est ce que nous avons fait contre l’Allemagne dans un premier temps en gagnant assez largement chez eux, puis ensuite à Podgorica en ne nous inclinant que d’un but face au Monténégro et à la Croatie. Je pense que l’on commence à montrer que la France fait partie des grandes nations du water-polo. »
(Photo : WP Inside)
Une première pierre sur un chemin qui doit mener le groupe national jusqu’aux Jeux olympiques de Paris, où les Bleus rêvent de décrocher une médaille devant leurs supporters. « Je pense que le regard des autres équipes a changé », avance Michal Izdinsky, lui aussi présent aux Jeux de Rio en 2016. « Nous sommes davantage pris au sérieux. La victoire contre l’Espagne (15 février 2022, ndlr) a forcément fait réfléchir les autres nations. Mais il importe, à présent, de répéter ce genre de performances pour véritablement instiller le doute dans l’esprit de ces équipes avant de débuter un match. » Enzo Khasz est également convaincu que le statut de l’équipe de France a changé sur l’échiquier international : « J’ai connu des périodes où les équipes qui nous affrontaient étaient détendues à l’échauffement. Nous étions moins forts, moins dangereux. Nous ne représentions pas une menace sur la durée complète d’une rencontre. Nos adversaires doivent désormais être à fond dès le début du match lorsqu’ils nous affrontent et même comme ça, on arrive à faire jeu égal. Nous menions ainsi 5-2 au début du match contre le Monténégro lors de la finale européenne de la Ligue Mondiale. »
Ugo Crousillat, capitaine de l'équipe de France (Photo : WP Inside).
Un changement de statut qui a mis du temps à se dessiner et qui s’explique par différents facteurs. « Le championnat de France a progressé ces dernières années », argumente Mehdi Marzouki qui, après plusieurs saisons au Spandau Berlin a rejoint les rangs de Noisy-le-Sec. « Les matches sont plus serrés que par le passé et la concurrence de plus en plus relevée. Marseille a joué le Final 8 de Ligue des Champions, certaines équipes tricolores ont réalisé des parcours intéressants en coupe d’Europe. En équipe de France nous disposons d’un staff élargi qui permet d’optimiser la performance. » Un staff constitué autour du sélectionneur national Florian Bruzzo, qui a repris le costume qu’il avait, un temps, délaissé pour entraîner les filles de 2016 à 2021. Et selon Enzo Khasz, ces cinq années ont permis au technicien tricolore d’emmagasiner de l’expérience pour tenter d’en faire profiter les garçons. « Florian n’est plus le même entraîneur que lors de l’olympiade 2012-2016. Je trouve qu’il a changé dans sa manière de coacher, de manager et d’appréhender la dimension humaine. Bien entendu, il reste la même personne et il conserve de fortes convictions, mais il a vraiment évolué en cherchant les outils pour être le plus performant afin que l’équipe le soit également. »
(Photo : WP Inside).
Cette équipe de France qui a progressé dans de nombreux domaines cherche désormais à franchir la dernière marche qui la sépare des meilleures nations du water-polo mondial. « Nous devons continuer à nous améliorer et à montrer que nous sommes soudés et solidaires », détaille Rémi Saudadier, l’un des cadres de ce collectif national. « On doit franchir ce dernier cap pour réussir à battre les pointures internationales. Ça passe par une implication et une rigueur quotidienne. Avec les anciens, nous avons connu des moments difficiles, parfois même très difficiles. Nous nous sommes régulièrement remis en question et nous avons travaillé très dur pour en arriver là. Alors maintenant, plus question de lâcher le morceau. Nous, ce qu’on veut, c’est performer aux Jeux olympiques de Paris. C’est ce qu’on essaie d’inculquer aux jeunes joueurs de l’équipe de France. Il faut être sérieux, discipliné et se dépasser au quotidien. » L’expérience de cette « vieille garde » est forcément enrichissante pour le reste du groupe. A terme, elle doit permettre aux plus jeunes de gagner du temps dans leur apprentissage du haut niveau. À en croire les cinq anciens que nous avons interrogé, ce mélange de générations constitue la force de cette équipe de France. « Je trouve que notre collectif est très sain. Il avance dans une bonne direction », abonde Michal Izdinsky. « Les jeunes ont du talent et ne sont pas arrogants », prolonge Rémi Saudadier du haut de sa longue expérience internationale. « Ils nous observent et on se doit de leur montrer l’exemple dans notre implication au quotidien. Après les entraînements, nous partageons des moments de vie ensemble. On échange et ça permet de souder le collectif. » Même son de cloche dans la bouche du capitaine Ugo Crousillat : « Tout le monde tire dans le même sens et il y a une bonne ambiance. Je suis le capitaine, mais on est plusieurs anciens et tout le monde compte. Les jeunes travaillent très dur. On sent bien qu’ils sont très motivés. L’objectif olympique est dans toutes les têtes. Personne ne se satisfait d’être qualifié au titre du pays organisateur. On veut à tout prix performer en 2024. »
Rémi Saudadier (Photo : WP Inside).
Avant cela, les Bleus pourront afficher leurs progrès devant leur public à l’occasion de la Super Final de la World League qui se tiendra à Strasbourg du 22 au 27 juillet. « On aura à coeur de s’illustrer parce que c’est en France et qu’on peut décrocher une qualification pour les championnats du monde au Japon en 2023 », détaille Ugo Crousillat. « Ça nous permet également d’enchaîner les rencontres de haut niveau. Nous allons pouvoir nous réunir un long moment avant les Euro pour travailler. Cela devrait nous permettre de nous construire en tant qu’équipe et d’améliorer nos automatismes. » En Alsace, les Bleus disputeront quatre ou cinq matches en une semaine face aux meilleures nations mondiales. « Pouvoir jouer la Super Final de World League, c’est très stimulant », s’enthousiasme Rémi Saudadier. « C’est ce qui se fait de mieux sur la planète water-polo. C’est très intéressant pour nous. Ça motive encore plus parce qu’on va jouer devant nos familles et nos amis. On aura de bonnes conditions pour performer. Je pense que c’est un point de départ intéressant sur le chemin de Paris 2024. Ce qui se passera à Strasbourg nous servira de base et de point de repère pour avancer dans ce beau projet. » Son coéquipier à Noisy, Mehdi Marzouki en est, lui aussi, pleinement convaincu : « À Strasbourg, ce sera les seuls matches officiels avant les Euro de Split (28 août-10 septembre). Il n’y a pas mieux pour apprendre et progresser. On va bien préparer cette échéance en gardant à l’esprit les Jeux de Paris. C’est le chemin qui va nous mener à l’objectif final. Je pense sincèrement que les étoiles sont alignées pour que l’on performe à Paris 2024. »
Jonathan Cohen