Retraité des bassins à l’issue de son titre mondial sur 50 m dos à Budapest en 2017, Camille Lacourt a eu une carrière sinueuse faite de blessures et de rendez-vous manqués avec les Jeux Olympiques, mais aussi de beaux combats et de magnifiques titres mondiaux et européens. C’est de ça, et de tout le reste, dont il parle, à cœur ouvert, dans sa biographie « Cinquante nuances de bleu » sortie le 28 février dernier aux éditions Michel Lafon et disponible dans toutes les bonnes librairies.
Comment est née l’idée de cette biographie ?
En 2016, quelques maisons d’éditions sont venues vers moi et l’envie s’est installée progressivement. Je me suis dit que mon parcours pouvait être intéressant à lire parce que tout n’a pas été évident. J’avais envie de le raconter, d’en parler et de laisser une trace pour mes futures générations.
Est-ce aussi l’occasion de graver ton histoire dans le marbre et de toucher un public plus large que les simples fans de natation ?
Ça va sûrement toucher un peu plus de monde et puis ce n’est pas que de la natation. J’étais sportif de haut niveau et marié à la mère de ma fille et à la fin de tout ça je n’étais plus sportif de haut niveau et divorcé de la mère de ma fille. C’est un livre qui se fermait et un autre qu’il y a à écrire désormais. Sans aucune nostalgie, mais ça ne me pose aucun problème de raconter un livre qui est aujourd’hui fermé. C’était le bon moment et c’est pour ça que je le raconte sans tabous.
Avais-tu besoin de ça pour passer à autre chose ?
J’étais déjà dans autre chose et je n’ai pas écrit ce livre pour faire une psychanalyse. Le timing était bon. Je n’ai pas eu de « petite mort » ou de coup de blues parce que je travaillais ma reconversion depuis deux ans déjà et je savais que tout ça allait s’arrêter. J’étais même heureux parce que j’étais arrivé au bout de cette histoire.
Cette expérience a-t-elle permis de faire ressurgir des souvenirs du passé qui était profondément enfouis ?
Ça a été une très belle expérience parce que je me suis replongé dans un tas de souvenirs et c’était génial de constater que je me souvenais de chaque seconde. Je me rappelle vraiment de toutes les courses dans les moindres détails, mis à part mon 50 m dos de Shanghaï en 2011.
Photo: KMSP/Stéphane Kempinaire
Dès le début du livre tu parles de ton attirance pour l’eau. As-tu le sentiment d’avoir toujours aimé ça ?
Je ne m’en rappelle pas, j’avais trois ans. Mais j’ai toujours aimé l’eau et je l’ai répété à plusieurs reprises. J’adore la manière dont est retranscrit dans le livre ma relation avec l’élément aquatique et ce monde du silence. Aujourd’hui encore, j’aime cet élément même si c’est en pratiquant d’autres disciplines comme le surf ou la plongée.
D’ailleurs tu dis souvent que tu aimerais transmettre aux plus jeunes cette notion de plaisir.
Le plaisir a toujours guidé ma carrière, mais quand on entre dans le haut-niveau, ce n’est pas toujours évident d’en prendre. C’est primordial de garder son instinct d’enfant et c’est ce que j’ai essayé de faire. Que ce soit aux championnats de France, d’Europe ou du monde, j’ai toujours été là pour « faire la bagarre ». J’aime bien cette expression. On était huit et le but du jeu était de toucher devant. Je me suis tellement amusé à jouer comme ça pendant des meetings avec Jérémy (Stravius) ou avec Benjamin (Stasiulis) et avec Matt Grevers sur les plus grandes compétitions. Il y a différentes stratégies pour y arriver, mais il y a 100 mètres tout pile et il faut être le premier à boucler cette distance. C’est ce qui est super excitant et ça m’a toujours amusé.
Dans le livre, il y a un passage conséquent sur les Euro de Budapest en 2010 où tu te révèles véritablement aux yeux du grand public. Comment as-tu vécu cette compétition ?
On a senti que ce serait une belle compétition mais pas à ce point. Tous les ingrédients étaient réunis. On a tous grimpé une marche sans aucun problème. Tout était simple pendant cette compétition. Il n’y avait aucune tension et c’était le monde des bisounours. Il n’y avait pas de pression, pas d’attente. C’est la seule fois où j’ai senti cette atmosphère et cette ambiance en équipe de France. Mais dès l’année d’après, c’était différent parce qu’il y avait de l’attente et nous devions confirmer. Très peu ont réussi à franchir ce cap. Budapest a tout changé. Certains ont explosé grâce à cette compétition, comme William qui décroche le bronze à Shanghaï, Mélanie également, Jérémy et moi qui remportons le titre mondial. Les autres ont eu plus de mal et pour certains leur carrière s’est même achevée à ce moment-là.
Pendant ces années tu as vécu l’âge d’or de la natation tricolore. Quel sentiment cela te procure ?
Je me sens chanceux parce que si j’étais arrivé cinq ans avant ou cinq ans après, je n’aurais pas vécu ça et je n’aurais pas eu cette carrière. On a construit quelque chose de fort et il s’est passé quelque chose d’extraordinaire pour la natation tricolore. C’est un privilège d’en avoir été un des acteurs.
Recueilli à Paris par J. C.
Camille Lacourt pose avec son livre "Cinquante nuances de bleu" à l'occasion de notre rencontre le jeudi 7 mars dans un hôtel du VIIIème arrondissement parisien. (Photo: FFN/Jonathan Cohen)