Cela couvait depuis des mois, depuis sa sixième place du 400 m 4 nages (4’11’’16), sa distance de prédilection, aux Jeux olympiques de Tokyo, l’été dernier. Mais, cette fois, Léon Marchand, 20 ans depuis le 17 mai dernier, n’a laissé à aucun de ses concurrents le soin de prendre la course en main, d’imposer son rythme, d’accélérer à sa convenance, bref de jouer les maîtres de cérémonies jusqu’à se décerner l’or suprême du 400 m 4 nages dans un chrono étourdissant, presque irréel (4’04’’28, record de France, d’Europe et deuxième meilleure performance de tous les temps dans le sillage de l’illustre et incontournable Michael Phelps, auteur d’un 4’03’’84 aux Jeux de Pékin en 2008, ndlr). Une surprise ? Un hold-up ? Pas le moins du monde. Disons que d’une certaine manière, et sans jouer les devins de pacotille, Léon était presque « programmé » pour réaliser pareil exploit. Fils de Xavier Marchand, vice-champion du monde du 200 m 4 nages en 1998 à Perth (Australie), et de l’ancienne nageuse de l’équipe de France Céline Bonnet, le Toulousain a de qui tenir. Des gênes de champion qu’il a confié depuis septembre 2021 à un certain Bob Bowman, le technicien qui a justement mené Michael Phelps au sommet de la discipline (28 médailles olympiques dont 23 en or, ndlr). Un coach qui a saisi le fonctionnement de la pépite tricolore, à commencer par son désir d’étudier et de travailler (dur) en s’amusant. A l’entendre, l’un n’empêche pas l’autre. A voir le résultat dans le bassin hongrois de la Duna Arena, difficile de lui donner tort. Sur les berges du Danube, un champion vient de naître. Un jeune athlète dont on sait d’ores et déjà qu’il n’a pas fini de progresser, dans son corps comme dans sa tête. A deux ans des Jeux olympiques de Paris, voilà une nouvelle qui a de quoi ravir l’équipe de France et tous les passionnés de joutes aquatiques.
Léon, que retiens-tu de cette course historique ?
Je ne réalise pas du tout, mais alors pas du tout (sourire)… Pendant la course, je savais que j’étais devant, mais je ne me doutais pas que j’allais nager 4’04. Rien que de le dire, ça me paraît insensé ! Lorsque je touche le mur, je vois la petite lumière qui dit qu’on est premier s’allumer alors je comprends que je viens de gagner la course et que je suis champion du monde. C’est dingue. Je ne réalise pas du tout (sourire)…
Qu’est-ce qui a fait la différence selon toi ?
Franchement, je n’en sais rien ! Là, je ne comprends pas ce qui est en train de m’arriver. Champion du monde (il sourit)… Je savais que j’étais en forme en arrivant en Hongrie, mais je ne me doutais pas que j’allais nager si vite aujourd’hui. J’étais très bien préparé pour cette compétition. Tout a été ajusté dans les moindres détails.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Qu’est-ce qui est le plus fou dans ce tourbillon d’émotions ?
Tout ! Si je prends un peu de recul, là maintenant, je me rends brusquement compte que cela fait cinq ans que je travaille dur pour ça. Maintenant, ça se réalise, mais il faut bien comprendre que j’ai énormément travaillé, tant sur le plan mental que physique. Le plus fou, c’est peut-être ça (rires)…
Comment as-tu géré le stress de ce rendez-vous mondial ?
C’est sûr que sur le papier, il y avait de quoi flipper : finale mondiale ligne 4 ! C’est sacrément intimidant. Mais comme je viens de vous le dire, je me suis beaucoup entraîné à aborder ce genre de situation. On n’est jamais vraiment prêt, mais là, je me sentais en phase, confiant, pas serein, mais déterminé. Et puis, j’ai surtout essayé de penser à autre chose, de ne pas me mettre la tête comme une pastèque (sourire)…
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Quel était l’objectif au moment de disputer cette finale ?
La gagner (rires)… Une finale, tu la nages pour la gagner. Sinon à quoi bon ? Non, mais plus sérieusement, je savais que j’avais le meilleur temps et que toutes les cartes étaient entre mes mains. J’ai essayé de partir vite sur le premier 200 mètres pour être dans le bon rythme. Après, j’ai nagé 1’07 en brasse. C’est exactement ce qu’il fallait faire. Et puis, pour finir, j’ai tout donné en crawl pour maintenir mon avance. Il m’en a manqué un peu pour aller chercher le record de Michael Phelps (4’03’’84 aux JO de Pékin en 2008, ndlr), mais je crois que la prochaine fois, ça pourra le faire (sourire)…
En quoi t’entraîner avec Bob Bowman (depuis septembre 2021) t’a-t-il aidé dans cette performance colossale ?
Je pense que Bob sait créer un environnement propice à la performance. Tous les jours, il propose des séances intéressantes. Je ne suis jamais las avec lui, c’est comme si tout était à chaque fois nouveau. Et puis, on s’amuse beaucoup ! L’ambiance est très agréable. Pourtant, croyez-moi, on bosse dur. D’autant que je m’entraîne dans le groupe 4 nages. Rien n’est laissé au hasard. Et puis, Bob m’apaise à l’approche des compétitions. Il m’écoute. Il tient compte de mes retours, de ma fatigue et de mes envies.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Et puis, il y a cette histoire de famille qui n’en finit pas de revenir sur la table. Faire mieux que Xavier, ton père, c’était important ? Qu’est-ce que cela représente ?
C’est forcément spécial parce que mon père et ma mère me donnent beaucoup de conseils. Ils me supportent et m’encouragent tous les jours. On peut dire qu’on est vraiment une famille de nageurs (sourire)…
A Budapest, Adrien Cadot