Du 4 au 6 février dernier, se sont tenus les quatrièmes championnats du monde de nage en eau glacée à Głogów (Pologne). Une réussite sportive et organisationnelle à l’issue de laquelle les dix nageurs tricolores engagés ont pris la troisième place du classement final en raflant la bagatelle de 25 médailles dont neuf en or.
Photos et textes : Alexandre Fuzeau
Ce n’était pas gagné, mais finalement tout s’est bien terminé. Prévus dans un premier temps à Katowice (Pologne), les championnats du monde d’Ice Swimming ont connu la même incertitude que beaucoup d’autres événements sportifs depuis deux ans. En raison de la pandémie de Covid-19, ils ont d’abord été reportés, puis annulés purement et simplement, à l’instar de nombreux championnats nationaux (Hollande, Allemagne, Irlande, Grande-Bretagne ou Samoëns, en France).
(Crédit photo : Alexandre Fuzeau)
Le 4 janvier dernier, une réunion préparatoire avec les représentants nationaux de l’IISA (International Ice Swimming Association) se tient malgré tout pour évoquer un éventuel report des Mondiaux. À cette occasion, Ram Barkai, le président de l’instance, interroge notamment le docteur Alexandre Fuzeau, dit Ice Doc, figure de proue de la discipline en France comme à l’étranger. « Je lui ai demandé de maintenir la compétition », livre ce dernier. « En tenant compte de la contagiosité, des mesures de protections et des précédentes vagues, il m’a semblé que le pic devrait être atteint mi-janvier avant de décroitre en février. » Le 6 janvier, la décision de maintenir la compétition est finalement prise. Forts de soutiens internationaux, les Polonais sont déterminés à accueillir les « givrés » de la planète. Un cycle vaccinal complet et un test PCR négatif 48h avant le voyage vers Głogów sont requis pour pouvoir participer aux Mondiaux. Du classique, en somme, pour celles et ceux qui ont désormais l’habitude de voyager en période de pandémie.
(Crédit photo : Alexandre Fuzeau)
Du côté tricolore, dix nageurs sont engagés dans cette compétition (Marion Joffle, Tiffany Pierrejean, Clément Méloni, Guillaume Le Loher, Alain Simac-Lejeune, Erick Warin, Maxime Valabregue, Fred Boulay, Alexandre Wais et Alexandre Fuzeau). Pour ces quatrièmes championnats du monde, de nouvelles épreuves voient également le jour. Aux mythiques 1 000 m en eau glacée et relais 4x250m par nation, seules épreuves en 2019 à Mourmansk (Russie), s’ajoutent désormais plusieurs courtes distances : 50 et 100 m brasse, 50 m papillon, 50 et 100 m nage libre, 100 m quatre nages et 500 m nage libre.
Jacuzzi à 35°C (Crédit photo : Alexandre Fuzeau).
Comme d’habitude, le froid et l’eau opaque interdisent les coulées et les culbutes aux virages ainsi que les plongeons, en conformité avec les règles édictées par l’IISA. La rivière Oder coule tout près sous un ciel gris balayé d’un vent glacial. Les nageurs s’avancent de la chambre d’appel vers leur couloir de nage. Le haut-parleur retentit : « Take off your clothes ». Il faut une étrange volonté pour se dévêtir. « Go into the water ». Et plus encore pour rentrer dans une eau à 3°C. L’équipe de France, jeune et enthousiaste, moissonne une belle récolte. Vingt-cinq médailles vont être glanées par catégories d’âge – fixées par tranche de cinq ans - dont neuf en or qui se répartissent de la manière suivante : Alain Simac-Lejeune, Tiffany Pierrejean, Fred Boulay (double champion du monde) et pas moins de quatre pour Marion Joffle. Au classement général, Tiffany Pierrejean est vice-championne du monde sur 100 m 4 nages en 1’19’’03. Marion Joffle obtient, quant à elle, l’or sur 100 m brasse (1’24’’00, nouveau record du monde).
Tiffany Pierrejean (Crédit photo : Alexandre Fuzeau).
Le samedi 5 février se dispute le mythique 1 000 m, épreuve emblématique de la discipline. Le matin, l’eau est à 2,9°C. Quatre nageurs tricolores prennent le départ : Erick Warin, Marion Joffle, Guillaume Le Loher et Alexandre Fuzeau. Dans ce sport extrêmement mental, la détermination est fondamentale. Marion Joffle obtient le bronze au scratch avec un temps de 14’15’’85 et décroche son premier podium sur la distance en championnat du monde. Des larmes se dessinent dans ses yeux, une revanche personnelle après sa quatrième place à Mourmansk en 2019.
Marion Joffle en bronze sur le podium du 1 000 m (Crédit photo : Alexandre Fuzeau).
Le Polonais Marcin Szarpak, aussi surnommé « Ice King » établit un nouveau record du monde en 11’48’’10, améliorant de quelques secondes le record détenu par le Néerlandais Sven Elfferich datant de 2019 (11’55). De son côté, Erick Warin achève cet Everest de la nage en eau glacée en 26’40. Guillaume Le Loher est, lui, la révélation de ces championnats. Sec et rapide, bien préparé et déterminé, il prend le bronze de sa catégorie en 15’16. Alexandre Fuzeau a, pour sa part, disputé son dix-huitième 1 000 m en compétition officielle.
Alexandre Fuzeau (Crédit photo : Alexandre Fuzeau).
Le lendemain, dimanche 6 février, se tient le relais 4x250 m. Une épreuve particulière dans laquelle la fougue et la vitesse ne suffisent pas. Il est primordial de disposer d’une certaine endurance dans l’eau froide. L’eau à 3°C capte vingt-cinq fois plus vite la chaleur des muscles que l’air et met à rude épreuve le corps dans cette conjonction contradictoire d’effort intense en refroidissement intense. Jacques Tuset et Alexandre Fuzeau composent l’équipe de France qui se présente derrière le plot. Guillaume Le Loher a prouvé sa résistance et sa vitesse lors de son 1 000 m. Il partira en dernier. Clément Méloni, rapide et moins expérimenté, lance le relais tricolore. Il démarre pied au plancher et lutte de toute sa volonté, suivi par Marion Joffle, fluide et rapide, et Alain Simac-Lejeune, toujours aussi solide. Leur engagement est total. Ils donnent tout, jusqu’à l’épuisement. Guillaume Le Loher termine en force avec ténacité en 13’28’’69 avec le meilleur temps de passage (3’12’’).
Les nageurs tricolores à l'arrivée du relais 4x250 m (Crédit photo : Alexandre Fuzeau).
Les Français prennent finalement la cinquième place, devant les Néerlandais. Les Allemands, grands vainqueurs aux troisième championnats du monde de Mourmansk, sont dominés par les Polonais qui établissent un nouveau record du monde en 11’41’’22. Leur capitaine Christof Wandratsch s’y attendait après leurs performances sur 1 000 m. Le bronze revient aux Britanniques (12’45’’68), suivi des Tchèques (13’22’’32). À Głogów, les Polonais ont réussi le tour de force de maintenir une compétition menacée et d’en faire une véritable réussite. Avec 27 pays représentés par 300 nageurs et 150 Polonais qui ont assuré le fonctionnement des épreuves, ces championnats du monde ont été une véritable réussite sportive et organisationnelle. Nul doute que la France qui accueillera la compétition en Savoie en janvier 2023 aura à coeur de se montrer à la hauteur et pourra compter sur cette génération de nageurs enthousiastes et déterminés.
(Crédit photo : Alexandre Fuzeau)