Retour sur la première étape de la Coupe du Monde Marathon FINA 10 km de Doha où se sont affrontés les meilleurs spécialistes mondiaux de l’eau libre samedi 17 mars 2018, avec les analyses des principaux cadres du staff de l’équipe de France présent à Doha, Stéphane Lecat, Directeur de la discipline à la FFN, et les entraîneurs Philippe Lucas, Magali Merino et Damien Cattin-Vidal.
Chez les messieurs, David Aubry (Montpellier Métropole Natation) décroche une superbe médaille d’argent, derrière le champion olympique et du monde en titres de la distance, le Hollandais Ferry Weertman. « Au-delà de son classement, David a réalisé une course très intéressante », commente Philippe Lucas, son entraîneur. « Très concentré, il a fait preuve d’initiatives que l’on n’avait pas l’habitude de le voir prendre, en tentant de partir de loin, peu après la mi-course. Malgré cette débauche d’énergie importante, il a encore eu les capacités de sortir un gros finish pour toucher deuxième. » Que lui a-t-il manqué pour venir coiffer Weertman dans les derniers mètres ? Pour Stéphane Lecat, « David doit encore progresser sur sa capacité à bien se placer par rapport à ses rivaux directs dans le final, à ne pas se laisser enfermer. En vitesse pure sur un dernier 400 mètres, il n’a rien à envier à personne sur le circuit. »
David Aubry sur la deuxième marche du podium de la coupe du Monde de Doha (FFN/Florian Lucas).
La belle surprise du jour dans le clan tricolore vient d’Axel Reymond (AAS Sarcelles Natation 95) qui prend la quatrième place. « Axel a fait une course très intelligente, maitrisée de bout en bout. Il a surpris tout le monde, moi la première, en dévoilant des forces inédites », livre son entraîneur, Magali Merino. Caché en queue de groupe pendant les deux premiers tiers de la course, Axel a pris les commandes dans l’avant-dernier tour et joué la gagne jusqu’au bout, son sprint bras tendus n’étant finalement pas récompensé d’un podium du fait d’une touche mal négociée. « Il revient dans le jeu pour troubler la hiérarchie nationale sur 10 km en vue des échéances internationales majeures », se félicite sa coache de toujours. Pour Philippe Lucas, « cette émulation, cette concurrence sportive entre nageurs français à un très haut niveau de performance est la meilleure des configurations pour que tous ces nageurs continuent de progresser et de s’entraîner dur pour viser les médailles d’or internationales. Pour espérer se qualifier aux Jeux, il faudra être dans le top 2 français, aucun relâchement ne sera permis. »
Axel Reymond (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Et l’on peut également ajouter Logan Fontaine (Vikings de Rouen) à la liste des prétendants légitimes. A Doha, une lecture brute du classement (9e) ne reflète que partiellement le potentiel du jeune rouennais, encore junior cette saison. Après avoir accompagné David Aubry en tête de course dans le 4e tour, Logan a inexplicablement rétrogradé à la 26e place à 1 600 mètres de l’arrivée, avant de signer l’un des meilleurs finishs de l’ensemble des concurrents, remontant dix-sept places dans le dernier tour. Ecoutons de nouveau Philippe Lucas : « Logan a été acteur de cette course, et c’est ce qu’il faut retenir avant tout. Il a tenté avec audace, mais quelque chose n’a pas marché. On peut compter sur lui pour ne pas renouveler cette erreur à l’avenir. L’accumulation d’expérience est cruciale en eau libre. Le jour où il trouvera la stratégie adaptée, ils ne seront pas nombreux à pouvoir aller le chercher, croyez-moi ! »
Logan Fontaine (KMSP/Stéphane Kempinaire).
Pour les quatorze autres jeunes nageurs engagés, cette épreuve de Coupe du Monde aura été très formatrice. La plupart des juniors sont parvenus à s’accrocher au groupe de tête jusqu’à l’abord du dernier tour. Dans le final, les fortunes ont été diverses, mais certains ont été en mesure de conserver de la fraîcheur pour aller chercher un bon classement. Citons notamment Aubin Coccordano (US Saint-André – pôle de Rouen) 21e, qui valide ainsi le critère de pré-qualification pour les prochains Euro Juniors, Clément Batté (CN de Vallée de Seine), longtemps aux avant-postes dans le top 15, 30e à l’arrivée, Alexis Vandevelde (SN Versailles), constamment bien placé, 31e, ou encore Jean-Baptiste Clusman (US Saint-André – pôle de Rouen), 38e au terme d’un excellent dernier tour. « Pour ces nageurs qui sont encore juniors, batailler avec les meilleurs mondiaux pendant plus de 9 km est une prise d’expérience et de conscience sans équivalent sur la réalité du haut niveau, qui leur sera utile pour leur progression et la suite de leur carrière. Certains se souviendront de cette course longtemps, car ils en ont été de véritables acteurs, non de simples suiveurs », indique Damien Cattin-Vidal.
Clément Batté et Alexis Vandevelde (FFN/Florian Lucas).
Du côté des dames, pas de podium à l’arrivée du 10 km remporté par la championne olympique en titre hollandaise Sharon Van Rouwendaal, mais un tir groupé intéressant avec quatre nageuses tricolores dans les 16 premières qui valident ainsi chacune le critère de pré-qualification pour les championnats d’Europe élite de Glasgow. Stéphane Lecat apporte un éclairage nuancé et sans concession sur le détail de ces résultats : « Deux de ne nos nageuses terminent à moins de dix secondes de la vainqueur, c’est peu et beaucoup à la fois. Lara Grangeon (CN Calédoniens), 12e, poursuit son apprentissage de l’eau libre. N’oublions pas qu’elle disputait sa première compétition internationale il y a tout juste un an. Pour Océane Cassignol (Montpellier Métropole Natation), 8e, il s’agit tout de même d’une déception, car elle avait fait un meilleur classement l’an passé à pareille époque sur la coupe du Monde d’Abu Dhabi, il n’y a pas de progrès. Elle a de grandes qualités pour être une grande championne sur 10 km, mais force est de constater qu’elle ne fait pas tout le nécessaire pour les exprimer. »
Les nageuses tricolores avant de prendre le départ (FFN/Florian Lucas).
Adeline Furst (Dauphins Obernai) et Lisa Pou (AS Monaco Natation) terminent respectivement 15e et 16e au terme d’une course bien construite, néanmoins à plus de 30 secondes de la tête. « Nous sommes très au point sur la préparation physiologique et les aspects technico-tactique, mais nous souffrons chez les filles d’un déficit athlétique par rapport aux autres nations », analyse Philippe Lucas. Dans les semaines à venir, Stéphane Lecat entend « mettre en place un suivi de la préparation physique, avec un programme spécifique, des évaluations, afin d’élever le niveau athlétique de nos athlètes, filles comme garçons. C’est fondamental pour l’avenir si l’on se projette sur Paris 2024. Nos adversaires ne vont pas nous attendre. On voit que les Allemands et les Italiens sont en avance sur nous sur ces paramètres aujourd’hui ».
Au-delà des résultats enregistrés sur cette manche de Coupe du Monde à Doha, le staff souligne la bonne implication générale des nageurs et l’état d’esprit positif du groupe. Pour Philippe Lucas, « certains nageurs ont réalisé à l’entraînement ou en course des choses dont ils ne se pensaient pas capables il y a encore un mois. Des barrières psychologiques importantes ont pu être franchies. » Magali Merino ajoute en complément, qu’il serait « prudent de ne pas tirer d’enseignements définitifs à cette période précoce de la saison. Les niveaux de formes sont très inégaux, surtout chez les juniors. Aux championnats de France de Gravelines, dans deux mois, les cartes seront redistribuées. » Le rendez-vous est donc pris du 31 mai au 03 juin.
Florian Lucas