Après 108 km, onze jours et près de 54 heures de nage dans une eau à 10°C à tracter un radeau à la seule force de leurs bras à 3 800 m d’altitude, Théo Curin, Malia Metella et Matthieu Witvoet, les trois aventuriers du Défi Titicaca, ont atteint la ville de Puno (Pérou) et réussi la première traversée du plus grand lac d’eau douce d’Amérique du Sud dans sa longueur. Un périple historique ô combien éprouvant tant les conditions météorologiques ont été défavorables. Récit d’une traversée hors normes.
Dix jours durant, ils auront affronté tous les éléments : « Rien ne s’est passé comme nous l’avions imaginé », témoignait Anne Bayard, directrice du projet et agent de Théo Curin, au journal Le Monde le 22 novembre dernier. « Tempêtes, grêle, orages : ils ont eu des conditions climatiques apocalyptiques ! Ils ont passé toute une nuit sans dormir avec leurs gilets de sauvetage, puis ils ont dû affronter une tempête, où ils se sont retrouvés avec cinq centimètres de glace sur leur radeau. » Si le premier jour, l’envie d’en découdre est palpable, dès le second, l’ambiance change du tout au tout. « Le départ a été énorme », livrent les aventuriers dans leur compte-rendu quotidien. « On a chialé avec beaucoup de monde qui était venu nous souhaiter bonne chance. Une fois partis, il a fallu trouver la bonne organisation de nage et faire avec des vents forts (18 km/h). » Le deuxième jour, continuent-ils, « nous nous sommes levés à 3h30 pour voir s’il était possible de nager. Négatif. Nouvelle tentative à 6h30. Après une heure de navigation, abandon à cause de la météo. Il y a de l’orage, de la pluie, un vent à 24 km/h. »
(@Andy Parant)
Au troisième jour, les conditions se dégradent encore : « Nous nous sommes réveillés vers 22 heures, et là, surprise : nous avions dérivé de deux kilomètres de notre point d’ancrage. Au loin devant nous, l’orage gronde. La pluie s’est transformée en grêle et le temps s’est alors figé dans notre abri de fortune. Ce lac sacré nous a réservé quatre heures terribles. La peur s’est invitée et notre seule arme est de rester immobiles, de se parler pour se rassurer. » Le quatrième jour est du même acabit. Au cinquième, les aventuriers atteignent enfin la côte ouest du lac. « Nous voilà arrivés à proximité des terres péruviennes, c’est une étape importante et un grand soulagement », écrivent-ils. Le sixième jour, ils affrontent un nouvel orage. Au septième, le compte-rendu qu’ils adressent est factuel, imprégné de fatigue. « Encore une nuit difficile », témoignent-ils au huitième. « Le vent souffle sur la tente. Impossible de dormir et de déplacer le radeau pour trouver de meilleures conditions. On est seuls, si loin, à bout de force et à bout d’espoir, avec la sensation que ce vent infernal, ces horribles orages nous condamnent. Nous tenons un conseil d’urgence pour prendre une décision collective. » Quelques messages de soutien vont finalement les inciter à poursuivre leur aventure.
(@Andy Parant)
Après une combinaison emportée par le vent et une journée de repos dans l’attente d’une accalmie, les trois aventuriers s’élancent pour le dernier tronçon de leur périple. « Nous ne sommes pas arrivés en conquérant, mais en conquis », indiquent-ils dans leur ultime communication. « Conquis par la beauté de ce lac, par la bienveillance de ses habitants et par les soutiens qui nous ont portés jusqu’à nos limites. Et pourtant, la dernière journée a été moins calme que nous le pensions. Le vent s’est levé : s’ensuit une lutte de six heures. Surtout, une lutte avec nous-mêmes, hurlant silencieusement de fatigue entre chaque vague qui nous immerge. Enfin, après d’interminables efforts, les embarcations de nos proches arrivent au loin comme un murmure libérateur. Bientôt, nous sommes encerclés de bateaux et, oubliant la faim, la fatigue et le désespoir, nous filons avec le vent de dos en direction de l’arrivée (…) Quand vient le soir, après de belles cérémonies aux couleurs aussi gaies que notre humeur, dans nos matelas confortables, nos yeux se ferment comme les rideaux du théâtre. Pourtant l’aventure n’est pas finie. L’aventure, c’est comme un bon repas : il faut une phase de digestion avant d’en attaquer une nouvelle. Maintenant, il nous reste donc à digérer ces émotions vécues pour au mieux vous les partager et vous les faire vivre. »
A. C.