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Confiné avec sa femme et sa fille à Noisy-le-Sec, Florian Bruzzo, sélectionneur de l’équipe de France féminine de water-polo, a d’ores et déjà le regard tourné vers l’après… Entre la sortie du confinement, le report des JO de Tokyo et l’organisation des Jeux de Paris en 2024, il entend tout mettre en œuvre pour permettre au collectif féminin de retrouver la dynamique amorcée depuis qu’il a pris les commandes de la sélection nationale.

Où êtes-vous confiné ?

A Noisy-le-Sec, chez moi, avant même l’officialisation du confinement…

Comment ça ?

J’ai la chance d’entraîner à l’Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance. On entendait parler du virus depuis un moment. Le vendredi 13 mars, jour de la fermeture de l’INSEP, j’ai vu les discours des médecins changer du tout au tout. A partir de là, j’ai décidé de rentrer chez moi et de ne plus en sortir avant même que le président de la République ne décrète le confinement général (lundi 16 mars). Avant cela, j’ai évidemment pris de soin de m’assurer que les joueuses de water-polo de l’INSEP étaient rentrées chez elles sans encombre et qu’elles pourraient y trouver de bonnes conditions de confinement. Il n’était pas question de les laisser seules dans cette épreuve.

Après quasiment un mois de confinement, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Sur le plan familial, ça se passe très bien. Je passe du temps avec ma femme et ma petite fille, ce qui est plutôt rare. Mais à titre professionnel, moi qui suis habitué à être par monts et par vaux à longueur d’olympiades, c’est forcément plus délicat à gérer. Je sens bien qu’il me manque quelque chose. Les chronos, le sifflet, le bassin, l’ambiance de groupe, la relation avec les athlètes, tout ce qui fait mon quotidien me manque, mais je relativise.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Vous ne ressentez aucune appréhension ?

Franchement, non ! En fait, je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur. Le vendredi 13 mars, quand l’INSEP a fermé, il a fallu tout de suite basculer en mode « évacuation ». On a appelé les parents des joueuses, organisé dans certains cas leur déplacement pour s’assurer qu’elles seraient confinées dans de bonnes conditions. Il n’y a pas eu véritablement de moment d’angoisse ou d’appréhension. Une fois les joueuses à l’abri, je suis rentré chez moi pour me confiner à mon tour.

Avez-vous gardé le contact avec vos joueuses ?

Oui, bien évidemment ! Plutôt que les groupes WhatsApp, je privilégie les contacts personnels par texto ou par téléphone. Je ne les appelle pas tous les jours, mais elles savent que je suis disponible pour parler des séances d’entraînement qu’on leur envoie depuis le début du confinement, des questions de nutrition, de sommeil ou de tous les sujets qui ont trait à leur sport ou à leur pratique du haut niveau.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Ce confinement ne représente-t-il pas un coup d’arrêt dans la dynamique de progression de l’équipe de France féminine de water-polo ?

Pour les filles, ça a été compliqué à vivre ! Il y a une dizaine de jours d’abattement parce que les joueuses s’étaient préparées pour le Tournoi de qualification olympique. Il y a eu beaucoup de frustration. Je crois que certaines joueuses se sont posées beaucoup de questions sur la suite à donner à leur carrière. Mais le moral est remonté depuis. J’ai eu les filles en visio et elles avaient toute le sourire. Elles sont intelligentes. Elles savent qu’aujourd’hui, on ne peut plus se regarder le nombril, que la santé est une priorité et que le contexte est le même pour tout le monde.

Cette période va-t-elle avoir des conséquences, tant sur le plan physique, que technique ou mental ?

Sur le plan technique, il n’y aura pas d’incidences. En revanche, les conséquences physiologiques sont certaines. A nous maintenant de trouver des opportunités dans cette crise. Cette période doit permettre au collectif féminin de se poser des questions sur ce qu’elles font, sur ce qu’elles veulent et comment elles peuvent l’atteindre. Je crois que le confinement est propice à l’introspection. Il y aura une perte, mais peut-être aussi des prises de conscience et une lucidité accrue.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Il y aura cependant une « perte ».

Physiquement, oui, c’est évident ! D’autant que nous ne sommes pas tous égaux devant le « placard à gâteau »…

C’est-à-dire ?

Le risque réel, à mon sens, serait de se déconnecter complètement de la réalité. Pas seulement la réalité d’un sportif de haut niveau, mais la vraie vie. En période de confinement, il est facile de se laisser aller en végétant devant les écrans, en grignotant, en se couchant tard, en faisant des heures de sieste… Mon boulot, c’est de rappeler aux filles qu’elles ne doivent pas se laisser aller. C’est aussi pour cette raison que nous adressons aux joueuses des conseils d’entraînement, mais aussi des suggestions diététiques ou des conseils pour gérer leur sommeil…

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Qu’en est-il, à présent, du report des Jeux olympiques de Tokyo ?

La décision du CIO me paraît normale, presque logique, tant il me semblait impossible d’organiser des Jeux olympiques dans ce contexte sanitaire. J’imagine que la décision est lourde de conséquences et c’est sans doute pour cette raison que le CIO a mis autant de temps avant de l’annoncer, mais je ne vois vraiment ce qu’on pouvait faire d’autre…

Surtout que l’équité olympique n’était plus respectée.

L’olympisme, c’est l’égalité et l’universalité ! Si ces deux conditions ne sont pas réunies alors c’est l’essence même des JO qui est remise en question. Voilà aussi pourquoi j’ai été fier de voir le président de la FFN (Gilles Sezionale) réclamer le report des Jeux. C’était osé, mais il a eu raison de prendre la parole. C’était la décision la plus juste !

La fédération a donc fait preuve de caractère…

(Il réagit aussitôt)… On est souvent raillé pour être à la traîne dans nos décisions, mais là, franchement, nous avons été les premiers à assumer cette position.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Outre la déception et la frustration, ce report d’un an ne vous offre-t-il pas une année supplémentaire pour progresser et réduire l’écart avec les meilleures nations du water-polo féminin ?

Quand tu es dans la peau du chasseur, c’est toujours mieux d’avoir un peu plus de temps pour se préparer. C’est une réalité, mais ma réflexion ne s’arrête pas là. En ce qui concerne l’équipe de France féminine de water-polo, l’objectif déclaré, c’est Paris 2024 ! Depuis le début, c’est le rendez-vous sur lequel nous sommes concentrés. Les Jeux de Tokyo, il faut le rappeler, sont importants, mais il s’agit d’une « étape » sur notre parcours, en aucun cas d’une finalité. Pour l’équipe, ce serait une manière d’engranger de l’expérience. Pour les filles, ce serait une bonne façon de faire le plein de confiance. Mais les bénéfices doivent nous servir pour être performant à Paris en 2024. La question, maintenant, c’est de savoir de quelle manière on gère ce report par rapport à notre objectif. Aucune décision n’a, pour l’heure, été arrêtée. Je vais exposer mes idées au président ainsi qu’au DTN et ils trancheront. A mes yeux, il ne fait cependant aucun doute que ce qui est important pour le sport français et le water-polo en particulier, ce sont les Jeux de Paris.

Le collectif féminin risque-t-il de connaître des transformations ?

Il y aura forcément des transformations ! Pas question de changer de génération en septembre 2021, au lendemain des Jeux de Tokyo. Je pense que ce ne serait pas optimal. Déjà que quatre ans de préparation, ce n’est pas grand-chose, alors trois années, c’est serré ! Non, pour moi, les Jeux de Paris 2024 sont déjà lancés. Cela ne veut pour autant pas dire que nous n’allons pas jouer la qualification pour Tokyo ni même que nous n’allons pas nous montrer amitieux. Il faudra être très clair avec les filles sur les objectifs individuels. Voilà pourquoi les joueuses qui avaient prévu d’arrêter leur carrière après Tokyo 2020 vont devoir sérieusement se poser la question de l’après… Il s’agit d’un début de réflexion, je le répète. Pour l’heure, rien n’a été arrêté. Mais il est certain que l’on ne pourra rien laisser au hasard. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

A quel moment une décision sera-t-elle prise ?

Comme je l’ai dit, elle ne m’appartient pas ! Ce sera au DTN et au président de la fédération de fixer les grandes lignes du projet. Pour ma part, je vais attendre l’allocution du président de la République lundi prochain (13 avril) pour voir jusqu’à quelle date le confinement sera prolongé. Après quoi, je prendrai le temps d’appeler les filles une par une pour savoir où elles en sont et comment elles voient les choses.

Pour finir, redoutez-vous l’impact de cette crise sanitaire sur l’économie du water-polo tricolore ?

Pour le moment, on ne peut pas mesurer l’impact de cette crise. A moins d’avoir une boule de cristal, personne ne peut dire à quoi ressemblera l’économie du sport après le confinement. Mais oui, je suis inquiet pour les clubs de la fédération et plus particulièrement pour les structures de water-polo. Entre les élections municipales qui ont été reportées et laissent planer un doute sur les attributions de subventions, les partenaires privés qui auront sans doute d’autres préoccupations économiques lors du déconfinement et enfin le manque à gagner sur les cotisations, la santé financière de nos clubs va être sérieusement mise à mal.

Recueilli par Adrien Cadot

 

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