A bientôt quarante ans (elle les aura le 23 février prochain) et après onze années loin des bassins, Malia Metella, vice-championne olympique du 50 m nage libre aux Jeux d’Athènes en 2004, a bouclé la traversée du lac Titicaca dans sa longueur (108 km) en compagnie de Théo Curin (instigateur du projet) et de l’éco aventurier Matthieu Witvoet le 20 novembre dernier. Un exploit majuscule qu’elle a accepté de commenter en dépit d’une fatigue et d’un mal de dos persistant, stigmates d’une année de préparation aussi intense qu’éprouvante.
Dans quel état physique es-tu rentrée d’Amérique du Sud ?
Je suis cassée, littéralement ! A l’arrivée (samedi 20 novembre), j’étais plutôt bien, émoussée, mais en forme. Les gens étaient même étonnés. Mais la fatigue m’est tombée dessus en rentrant en France (mardi 23 novembre).
Votre aventure a été incroyablement suivie sur les réseaux sociaux et dans les médias. As-tu conscience de la vague d’intérêt et de soutien que vous avez déclenchée ?
Franchement, non, je ne m’en rends absolument pas compte. On m’a dit, en effet, que le public avait répondu présent, mais pour le moment, c’est quelque chose que je ne mesure pas.
(@Andy Parant)
Qu’est-ce qui a été le plus difficile : nager tous les jours dans une eau à 10°C, passer dix jours en autonomie sur un radeau à 3 800 m d’altitude ou cette météo qui vous a été défavorable dès le début de votre traversée ?
La météo a été terrible ! La natation, l’altitude, le froid, l’autonomie, nous étions entraînés et préparés pour ça. Nous savions ce que nous avions à faire. Mais le vent, les orages et les tempêtes successives, non, ce n’était pas prévu. Surtout pas cette répétition et cette intensité. Quand tu ne peux pas dormir à cause du vent, de la grêle et des vagues qui cognent contre la coque du radeau, ça devient vite épuisant, surtout quand tu sais que tu dois te remettre à l’eau à l’aube.
Qu’en a-t-il été de l’enchaînement des séquences quotidiennes de natation que tu redoutais l’année dernière, au moment d’accepter de rejoindre l’équipe de Théo Curin pour la préparation de ce défi ?
Stéphane Lecat (Directeur de l’eau libre à la FFN) a fait un super boulot. Franchement, j’étais en forme, prête physiquement à nager tous les jours dans le froid et en milieu naturel, ce qui, pour moi, nageuse de bassin, était un vrai challenge. Même sur le radeau, je me suis sentie plutôt à l’aise alors qu’il y avait chaque jour de nombreuses tâches à accomplir pour le bon déroulement de notre aventure. Non, vraiment, j’étais parfaitement préparée, sauf à subir des orages à répétition (sourire)…
(@Andy Parant)
As-tu eu peur pour ta vie ?
La nuit du cinquième jour, j’ai eu peur que ça tourne mal. Le lac était agité, il y avait des éclairs, il pleuvait et nous étions habillés avec des gilets de sauvetage comme des marins du Vendée Globe. A ce moment-là, je me suis dit que c’était « chaud »… Ma peur, c’était surtout que le radeau chavire et qu’on se retrouve tous les trois dans l’eau. Franchement, je m’étais préparée à sauter si je sentais le radeau nous échapper ou partir au large. Et puis, surtout, tu te rends compte assez vite que tu n’as aucune prise sur les éléments. Tu fais comme tu peux, la tempête te balance à gauche, à droite, tu finis par avoir mal au ventre.
As-tu pensé à arrêter ?
Le dernier jour, j’ai pété un câble ! Je n’aurais pas m’énerver, mais j’étais épuisée et c’est tombé sur Matthieu.
Que s’est-il passé ?
Le vent était contre nous, l’arrivée proche (15 km), mais on dérivait. Matthieu a fait une manœuvre pour nous remettre dans le bon cap, mais j’étais dans l’eau en train de tracter le radeau et je n’ai pas compris ce qui était en train de se passer. Le truc, c’est que tu sais que tu n’es pas loin d’en finir. A un moment, tu ne penses qu’à ça, et puis le vent se lève, les conditions se dégradent et la fatigue te rattrape. C’est dur de rester lucide dans ce genre de circonstance. Tu perds vite patience !
(@Andy Parant)
Ton expérience du haut niveau a-t-elle été utile pendant ce périple sud-américain, notamment pendant les périodes de doute ou d’appréhension ?
Bien sûr ! Quand tu es sportif de haut niveau, tu apprends à gérer ton stress, à maîtriser tes émotions, à prendre les événements comme ils se présentent en faisant fi des impondérables. Après, sur la nage en elle-même, j’ai rapidement retrouvé des sensations, même en tractant le radeau. Il y a eu du plaisir, en particulier quand le vent était avec nous et qu’on pouvait « surfer » sur le lac.
Pensais-tu que ce serait si difficile au moment de t’élancer sur le Titicaca ?
Non, absolument pas ! D’ailleurs, j’ai dû dire une vingtaine de fois à Théo : « Si tu m’avais dit qu’il y aurait des vagues, des tempêtes et des orages, jamais je n’aurais accepté de te suivre dans cette aventure ! » Mais je ne regrette pas parce que ça restera pour le reste de ma vie une expérience exceptionnelle, une vraie aventure !
Serais-tu prête à repartir sur un défi similaire ?
Non, je pense que c’était un « one shot ». Reste que la vie est pleine de surprise, on ne sait jamais ce qu’elle nous réserve, mais là, il est encore trop tôt pour vous dire que oui, je suis prête à repartir (sourire)… Et puis, j’ai bientôt 40 ans. Je sens que physiquement, ça devient plus compliqué. Pendant la traversée, j’ai beaucoup souffert du dos. Tous les matins, j’avais du mal à me lever. J’ai fait une infiltration une semaine avant de partir, mais malgré tout, la douleur ne m’a pas quittée.
(@Andy Parant)
Qu’en est-il de l’expérience humaine ?
C’est dingue ! Pendant dix jours, nous avons vécu ensemble le pire comme le meilleur. Forcément, ça forge. Et puis, il y a les paysages, l’ambiance de ce lac sacré, les pêcheurs, une culture complètement différente… Quand tu repousses tes limites à ce point, tu vas puiser de nouvelles forces au fond de toi, des trucs que tu ne pensais pas possible.
L’expérience d’éco aventurier de Matthieu Witvoet, auteur d’un tour du monde à vélo et d’une traversée du détroit de Gibraltar à la nage, a-t-elle été bénéfique pour votre défi ?
Absolument ! Le huitième jour, quand Théo (Curin) a eu un coup de mou, Matthieu a pris sur lui de partager son expérience d’aventurier. Il lui a dit que, lui aussi, il était passé par des périodes de moins bien, qu’il avait eu peur, froid, faim et ras-le-bol, que c’était parfaitement normal ! Ce jour-là, Matthieu lui a conseillé d’envoyer des messages à ses proches pour reprendre des forces et se nourrir de leur amour.
As-tu prévu de (re)nager prochainement ?
(Rires)… non, pas du tout ! Mais bon, peut-être qu’il va falloir que je m’y remette pour soulager mon dos. On verra (sourire)… D’autant que je n’ai pas d’objectif, ce qui ne simplifie pas les choses pour se motiver (rires)…
Recueilli par Adrien Cadot