Vingt-quatre heures après le bronze du relais 4x100 m nage libre (raflé en compagnie de Charlotte Bonnet, Assia Touati et Anouchka Martin), Marie Wattel, 23 ans (elle en aura 24 le 2 juin prochain) s’est adjugé la médaille d’or du 100 m papillon (ex-aequo avec la Grecque Anna Ntountounaki) aux championnats d’Europe de Budapest (17-23 mai). Un premier titre individuel et continental qui ne fait que confirmer les progrès observés depuis sa finale mondiale à Gwangju en 2019. Qualifiée pour les Jeux olympiques de Tokyo depuis le FFN Golden Tour-Camille Muffat organisé à Marseille en mars dernier (100 m nage libre et 100 m papillon), la plus britannique des nageuses tricolores (elle s’entraîne à Loughborough avec Ian Hulme, ndlr) poursuit sa montée en puissance avec une sérénité et une détermination qu’on ne lui connaissait pas. La fusée Wattel est lancée. Pour l'heure, personne ne peut dire jusqu'où elle ira.
Quel sentiment domine au moment de célébrer ce premier titre continental ?
La surprise ! Je suis surtout surprise de finir première avec ce temps-là (57’’37). Je m’attendais à faire mieux chronométriquement parlant. Je n’ai pas fait la meilleure course, mais j’étais celle qui en avait le plus envie dans les quinze derniers mètres. Malgré une arrivée vraiment pas terrible, je suis très contente, très surprise, j’ai encore du mal à réaliser d’avoir gagné. Il y avait plein de choses à prendre pour la suite.
Est-ce qu’il y avait de l’appréhension avant cette finale ?
Il y avait de l’appréhension, mais aussi beaucoup d’excitation. Il y a encore des petits réglages à faire, on est encore tôt dans la saison. Il faut que je retrouve mes automatismes, que j’apprenne à bien arriver sur le mur, à bien finir aussi. Ce sont des petits détails qui font gagner beaucoup à la fin. Aujourd’hui, je fais un bon chrono avec pas mal d’imperfections. Je me souhaite vraiment d’aller chercher ces 56’’ à Tokyo. J’aurais aimé m’en rapprocher aujourd’hui, mais on va retenir la médaille d’or.
(Franck Faugère/L’Equipe)
Il s’agit malgré tout de ton premier titre individuel…
J’aurais aimé gagner en faisant un meilleur temps, mais c’est une finale et il faut prendre ça en compte. Souvent ça nage moins vite que les demies. Il faut que je réalise. J’ai un petit pincement au cœur pour ma partenaire d’entraînement (Louise Hansson, 3e) qui doit être vraiment déçue. C’est pour ça que j’ai du mal à montrer ma joie.
Tu étais quatrième aux 50 mètres : beau retour ?
C’est ce que j’avais envie de me prouver aussi. Je suis une sprinteuse, j’ai le meilleur chrono sur 50 m de toutes les finalistes. J’avais envie de me prouver que je ne suis pas la fille débile qui part à fond et qui craque dans les quinze derniers mètres. J’ai fait ça pendant cinq ans. J’ai compris que ça ne marchait pas. J’ai pourtant vraiment essayé. Il faut s’y prendre autrement, il faut travailler cette vitesse facile. Quand je touche le mur, j’ai l’impression d’être à 85-90%, mais c’est le maximum que je peux tenir sur 100 m. Il va falloir apprendre à tenir de plus grosses intensités. C’est en travail aussi.
(Franck Faugère/L’Equipe)
A Gwangju, en 2019, tu avais disputé ta première finale mondiale sur 100 m papillon. A cette occasion, tu nous avais confié que tu avais l’impression d’entrer dans une autre dimension. Cette médaille d’or européenne constitue-t-elle une confirmation ?
Oui, absolument, parce que je suis en finale des championnats d’Europe et derrière le plot, je ne pense qu’à gagner. Là, je pense avoir franchi des étapes. Je n’avais pas peur de finir quatrième, j’avais juste envie de gagner. Ça, je me dis que c’est un gros cap. Pour être tout à fait honnête, je finis première ex-aequo et ça me fait un peu « chier » ! Donc ça veut bien dire que je commence à être vraiment compétitrice. Si j’avais fini deuxième, j’aurais sans doute eu les boules.
As-tu le sentiment de changer de statut avec ce titre ?
Ça prouve surtout qu’aujourd’hui je n’étais pas la plus forte, mais je suis celle qui a le mieux géré la finale. Oui, ça va jouer. Gagner, ça marque les esprits. Le temps, en finale, ce n’est pas le plus important. Le truc, c’est de montrer aux autres filles qu’on peut toucher devant. Après, je n’oublie pas que ça nage vite dans les autres pays, mais, moi, je construis mon 100 m. Il me reste du travail, donc je suis vraiment positive pour la suite.
(Franck Faugère/L’Equipe)
D’autant que tu viens de faire montre d’une réelle force de caractère alors que, jusqu’à présent, tu péchais un peu sur le plan mental.
Sur le retour, je sens que les filles de devant se crispent (Marie Wattel est passée quatrième au premier 50 mètres, ndlr). Elles ne devaient pas s’attendre à ce que je sois à côté d’elles. Il faut savoir rester dans sa course. C’est ce que j’ai réussi à trouver il y a quelques mois. Je vais m’en servir pour les Jeux olympiques de Tokyo.
A quoi attribues-tu ce nouvel état d’esprit ?
Au fait d’avoir beaucoup échoué. Ça m’a donné cette rage. Il y a cinq ans, je finis 15e aux championnats d’Europe. Je me rappelle comment j’avais eu mal au cœur. Aujourd’hui, c’est ça que je ressens dans les quinze derniers mètres : de la rage !
Quelles consignes t’avait donné Ian Hulme (son entraîneur à Loughborough) ?
De ne pas partir trop vite. Il m’a dit : « Tu as un cœur de lionne, je te fais confiance ». C’est ce que j’ai essayé de faire et c’est ce qui s’est passé… Dans les quinze derniers mètres, j’ai nagé avec le cœur ! Ce truc-là, je vais le garder parce que j’ai l’impression que ça peut m’apporter quelque chose.
A Budapest, Adrien Cadot
(Franck Faugère/L’Equipe)