Valides et non valides, ensemble ! A l’occasion du troisième épisode du podcast « Entre les lignes », la rédaction de Natation Magazine s’est immergée dans un entraînement pas tout à fait comme les autres. Au sein de la piscine Elizabeth (14ème arrondissement de Paris), personnes valides et en situation de handicap nagent ensemble et s’entraident dans un élan de solidarité inspirant. Un échange sportif et humain organisé tous les mardis soirs en toute bienveillance. Reportage.
Mardi 22 septembre. Paris. 20h30. Certains arrivent seuls. D’autres en famille. Ils patientent à l’entrée de la piscine Elizabeth, en plein cœur du 14ème arrondissement de la capitale. Il y a Ludovic, accompagné de sa fille, mais aussi Dany, Sophie ou Bertrand. Tous sont réunis pour partager leur passion de la natation dans une ligne d’eau qui leur est spécialement dédiée. « Disposer de ce créneau à la piscine Elizabeth, me permet de m’améliorer et d’être performant en eau libre ou sur des épreuves de triathlon que je dispute occasionnellement », livre Ludovic, malvoyant. Ici, pas de place pour le jugement ou les plaisanteries douteuses comme l’explique Bertrand, son entraîneur : « Ce sont tous des adultes responsables qui se débrouillent très bien tous seuls chaque jour dans Paris. Ils se gèrent aussi bien dans l’eau, même si c’est un autre espace. Avec une ligne pas franchement droite, des vagues et des virages, ils arrivent quand même à y aller. Je dis chapeau ». Mis en place par l’association « A deux c’est mieux » et « Les expatriés », ces entraînements hebdomadaires sont une précieuse opportunité pour ces nageurs non valides. L’occasion de profiter des bienfaits aquatiques et des plaisirs de la glisse. « Je nage depuis toute petite. J’ai fait plusieurs cours avec l’association et c’est une vraie chance d’avoir cette ligne d’eau à la piscine Elizabeth car c’est dur de pouvoir trouver des créneaux avec la ville de Paris », explique Sophie, malvoyante. « Même si on ne s’entraîne qu’une semaine sur deux, c’est important, car on est en petit nombre et on a un coach juste pour nous ».
Ludovic, nageur malvoyant (Photo : FFN/Issam Lachehab).
La particularité des entraînements réalisés à la piscine Elizabeth réside dans le fait qu’ils accueillent des nageurs non valides comme des valides. Une valeur ajoutée non négligeable qui permet aux pratiquants souffrant de handicaps physiques de profiter en toute sécurité de l’espace aquatique. « Ces séances de natation les mardis soirs me permettent de m’exprimer. Tout le monde est au courant de qui a des problèmes de vue et qui n’en a pas », développe Ludovic. Son ami Dany, maître-nageur, complète : « Cela fait déjà presque deux ans que l’on se connaît avec Ludo. On a su créer une synchronisation commune. Il a besoin d’avoir des repères sonores, donc je me place sur le côté en lui indiquant telle ou telle précision qui va lui permettre d’être le plus à l’aise dans l’eau ». S’entraîner ensemble permet d’avoir une véritable complicité. « Dès que quelque chose ne va pas, je n’ai pas peur de le dire et lui non plus. C’est une vraie force, notamment dans les compétitions comme cela a pu être le cas sur l’étape parisienne de l’EDF Aqua Challenge en septembre dernier, où l’on n’a pas le temps d’y mettre les formes. Il faut que nous nous connaissions, que ça aille vite car même si nous sommes dans une démarche de plaisir, on cherche la performance et à grappiller des secondes ».
Dany, accompagnateur de Ludovic (Photo : FFN/Issam Lachehab).
Au-delà du sport, l’envie d’aider de Dany prend racine dans son passé. Fils de moniteur et ancien militaire, il voit dans ce dévouement une prise de relais, une transmission acquise grâce à son père. « C’est forcément une aventure humaine car on est deux. C’est vrai que j’ai fait pas mal de sport en individuel, mais je viens du collectif à l’origine. Cette idée de « faire ensemble » et de s’entraider, en plus de mon passé militaire, me pousse à donner du temps aux autres ». Il poursuit : « Il y a aussi une petite histoire derrière tout ça car mon père était directeur technique en ski de fond de 1975 à 1982. Il a guidé une personne qui s’est retrouvé malvoyante à la suite d’un accident. Mon père lui avait promis de l’accompagner et de l’emmener aux Jeux olympiques d’hiver de 1980. C’est donc aussi mon père qui m’a transmis cette envie d’être guide handisport. Je le remercie pour ça ».
Dany et Ludovic (Photo : FFN/Issam Lachehab).
Grâce aux entraînements, une émulation et un élan de solidarité se dégagent du groupe. Les non valides ne sont pas caractérisés par leur handicap, mais simplement considérés comme « des personnes normales » selon Dany. C’est d’ailleurs ce qu’apprécie Sophie en venant à ces séances du mardi soir. La nageuse retrouve ses sensations d’antan et le plaisir de l’eau : « La natation pour moi, au quotidien, c’est beaucoup de bien-être. J’adore nager. C’est un effort physique qui me détend énormément car on peut vraiment varier l’intensité et surtout il n’y a ni de stress ou de douleurs », affirme-t-elle en concluant : « Il ne faut pas se mettre des freins en se disant « je suis trop gros », « je ne suis pas assez musclé », « je ne vois pas bien » ou « il me manque un bras ». Si vous avez envie de faire du sport, allez-y ! Cherchez les bons acteurs et foncez ! ».
Recueilli par Issam Lachehab
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