A 28 ans et après deux participations au Tournoi de Qualification Olympique en 2012 et 2016 avec l’équipe de France, Marie Annequin comptait mettre un terme à sa carrière à l’issue des Jeux de Tokyo en août prochain. Mais le report de la compétition à l’été 2021 a totalement changé la donne pour la capitaine des Bleues qui avait mis ses études en sommeil pour se donner les moyens de vivre son rêve. Après mûre réflexion, Marie a cependant décidé de continuer.
Marie, à 28 ans, on peut parler d’une longue histoire d’amour avec l’équipe de France…
Oh oui ! Ma première compétition internationale sous les couleurs de l’équipe de France, c’était la COMEN en 2007 à Genève. J’avais 15 ans ! J’ai participé ensuite une première fois aux championnats d’Europe juniors à Gloucester en 2009, puis l’année suivante à Tampere. L’année 2010 a été particulièrement bien remplie puisqu’il y a eu aussi les championnats du monde à Indianapolis et en septembre, je rentrais à l’INSEP. J’ai enchainé ensuite quatre championnats d’Europe seniors, en 2012 à Eindhoven, en 2014 à Berlin, en 2016 à Londres et en 2018 à Glasgow, autant de Mondiaux, Barcelone en 2013, Kazan en 2015, Budapest en 2017 et Gwangju 2019 et deux TQO, pour les Jeux de Londres en 2012 et ceux de Rio en 2016.
Deux TQO qui se sont malheureusement soldés par deux échecs pour l’équipe de France, mais qui n’ont rien enlevé à ta passion puisque tu as décidé de continuer quatre ans de plus pour tenter de vivre les Jeux de Tokyo…
Les Jeux, c’est la consécration pour un athlète. Surtout dans un sport comme le nôtre qui n’a de véritable exposition médiatique que pendant les Jeux. Mais c’est vrai qu’après le TQO de Rio, je me suis interrogée sur la suite de ma carrière. Je savais qu’il allait y avoir un gros turnover (seules Marie Annequin, Solene Lusseau et Ines Guermoud font encore partie du collectif aujourd’hui, ndlr) avec l’arrivée d’une nouvelle génération dont l’objectif était Tokyo. J’avais décidé, par ailleurs, de reprendre mes études et d’entrer dans une école d’architecture d’intérieur. Du coup, je m’étais dit que 2017 serait une année de transition et que je verrais bien après les championnats du monde de Budapest. Quand les nouvelles modalités de qualification ont été connues, avec dix équipes qualifiées au lieu de huit jusque-là, j’ai décidé de repartir à fond dans ce nouveau projet.
(FFN/Philippe Pongenty)
En dépit de ton âge canonique (sourire)…
Oui (rires)... C’est vrai qu’après moi les plus « vieilles » sont Solène Lusseau et Ines Guermoud qui ont six ans de moins. Et avec Ambre Esnault, on a dix ans d’écart !
Plus sérieusement, tu t’es même mis d’accord avec ton école pour pouvoir préparer au mieux cette échéance olympique…
Oui, après les championnats d’Europe de Glasgow et une année scolaire quasiment normale, j’ai négocié avec l’école pour pouvoir essentiellement travailler à distance en 2018-2019. J’ai raté beaucoup de cours, j’ai envoyé mes devoirs et mes dossiers des quatre coins du monde au gré des stages et des compétitions. J’ai même passé mon oral terminal le lendemain du retour de la finale des World Series, mais j’ai validé ma deuxième année. Je m’étais également entendu pour mettre ma dernière année en stand bye et me consacrer uniquement au sport jusqu’au Jeux.
Sauf que… la pandémie de COVID-19 est venue bouleverser tout ça ! Quelle a été ta réaction quand tu as appris que les Jeux seraient reportés à 2021 ?
J’ai pleuré. Beaucoup pleuré. Je me suis dit que ce n’était pas possible, que tous mes projets se cassaient tout d’un coup la figure. Que je ne serais pas capable de continuer à m’entraîner un an de plus et d’accepter de reporter encore la fin de mes études. Que j’allais encore devoir rater les réunions de famille. En fait, j’avais programmé mon cerveau pour que je fasse le deuil de mon sport le 4 mai, à la fin du TQO, quoi qu’il arrive.
(FFN/Philippe Pongenty)
Qui ou quoi t’a fait changer d’avis ?
Je me suis d’abord dit qu’il se passait des choses très graves dans le monde et qu’il fallait que j’arrête de m’apitoyer sur mon sort. J’ai eu aussi la chance d’être très bien entourée. Par ma famille, par mes anciennes coéquipières qui m’ont appelée pour me soutenir, pour m’encourager à continuer. J’ai également beaucoup échangé avec Virginie (Dedieu) qui avait fait, elle aussi, des études d’architecte d’intérieur et qui m’a rassurée sur le fait de mener ce genre d’études en année olympique. Elle m’a même proposé de me donner un coup de main si j’en avais besoin. Mes entraîneurs, Julie (Fabre) et Laure (Obry), ont été particulièrement à l’écoute pendant cette période et m’ont laissé le temps de réfléchir avant de prendre ma décision. Petit à petit, je me suis convaincue qu’après tant d’années consacrées à la synchro, avec comme objectif suprême une participation aux JO, je ne pouvais m’arrêter si près du but et que je le regretterais si je ne participais pas à ce TQO. Et je ne voulais surtout pas avoir de regrets ! J’ai donc finalement décidé de reprendre pour un an. Ou plutôt pour quelques mois. Je me suis, en effet, reprogrammée pour le TQO qui se terminera le 7 mars 2021. J’ai envoyé d’ailleurs un planning à mon école qui va jusqu’à cette date et qui tient compte des entraînements quotidiens, des stages et des compétitions. Ils ne m’ont pas encore répondu, mais je pense qu’ils vont accepter. Après, qu’on soit qualifiées ou pas, je me consacrerai à mes études.
En attendant, tu as repris l’entraînement ?
Nous avons repris à l’INSEP le 18 mai. Les « Parisiennes » d’abord (Marie bien que licenciée à l’Aqua Synchro Lyon vit à Joinville, ndlr), puis les filles « de l’extérieur » sont arrivées petit à petit. La reprise a été dure. Je n’avais jamais arrêté deux mois dans toute ma carrière. Il y a eu beaucoup de sensations à retrouver, d’habitudes à reprendre. J’ai même été surprise du bruit des bulles dans la piscine (rires)… Mais aujourd’hui, ça va mieux, même si je sais qu’on n’est pas encore à fond et que le plus dur arrivera en septembre, après une coupure de trois semaines en août.
(FFN/Philippe Pongenty)
Est-ce que tu penses que ce report des jeux peut être un plus pour l’équipe de France ? Dans le sens où ça vous laissera plus de temps pour travailler ?
Toutes les équipes qui cherchent une qualification pour les Jeux sont logées à la même enseigne. Je sais, par exemple, que les Grecques ont repris elles aussi et travaillent avec Ana Tarres (ancienne entraineur de l’équipe d’Espagne et de bien d’autres équipes nationales, dont la France en 2015, ndlr). En ce qui nous concerne, le côté « surprise » de notre nouvelle chorégraphie ne jouera plus, mais ce report va nous permettre d’explorer de nouvelles pistes, de bien analyser les retours qu’on avait eus après l’Open de France et de pas effectuer les changements dans la précipitation. De façon générale, on est plus performante la deuxième année d’une chorégraphie.
Et si l’équipe de France ne se qualifie pas pour les Jeux à l’issue du TQO ?
Même si je sais que c’est une éventualité puisqu’on sera en concurrence avec les Grecques, les Américaines et les Mexicaines pour une seule place, je préfère ne pas y penser. Ce serait terrible. Mais je crois que le pire, ce serait qu’on se qualifie et que les Jeux soient annulés !
Recueilli par Jean-Pierre Chafes