Joueuse du club hongrois de Dunaújvaros, Géraldine Mahieu, 26 ans, a fait le choix de rester en Hongrie avec une partie de son équipe pour continuer de s’entraîner dans des conditions à peu près normales. Si le pays d’Europe de l’Est échappe, pour l’instant, à un confinement général comme c’est le cas en France, l’ambiance n’en demeure pas moins étouffante à l’heure où l’épidémie de COVID-19 continue de s’étendre à travers le monde.
Où es-tu confinée ?
Le championnat de water-polo hongrois s’est arrêté le samedi 14 mars. Dans la foulée, j’ai pris la décision de rester en Hongrie, où les restrictions sont moins importantes qu’en France. Pour l’heure, on ne parle pas encore de confinement général, plutôt d’isolement, mais la situation est tout de même tendue. On sent que les gens prennent leurs précautions, qu’ils ne se mélangent pas et que la vie s’est un peu arrêtée.
As-tu gardé le contact avec tes proches ?
Oui, évidemment ! Ma sœur (Pauline) est, elle aussi, en pleine préparation olympique. On parle beaucoup de ce qu’on fait à la maison pour rester focus sur notre objectif et se maintenir en bonne condition physique. Il faut quand même une sacrée détermination pour s’entraîner tous les jours dans ce genre d’ambiance.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
De quelle manière as-tu accueilli le report des Jeux olympiques de Tokyo en 2021 ?
Pour moi, c’est une décision juste ! Ça n’arrange personne, évidemment, mais c’était à n’en pas douter la meilleure chose à faire. Dans certains pays, comme en France, par exemple, les piscines sont fermées. Je ne vois pas comment les nageurs, poloïstes, plongeurs et synchros auraient pu, dans ces conditions, se préparer pour les Jeux olympiques alors que dans d’autres pays, comme aux Etats-Unis ou en Australie, les groupes d’entraînement continuent de travailler presque normalement. Le principe même d’équité propre à l’esprit olympique était sérieusement remis en question.
C’est tout de même un sacré bouleversement.
Il est clair qu’ajouter une année de préparation pour un événement tel que les Jeux, ce n’est pas anodin. Il y aura un impact tant physiquement que moralement, mais tout le monde va repartir sur un pied d’égalité. L’essentiel est préservé selon moi.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Et qu’en est-il plus spécifiquement du TQO que tu devais disputer avec l’équipe de France de water-polo début mars, puis déplacé du 17 au 24 mai, toujours en Italie (Trieste), où, on le sait, l’épidémie de COVID-19 continue de faire des ravages ?
Vient un moment où il faut arrêter d’être égoïste et ne penser qu’à sa pratique et à ses objectifs pour se préoccuper du bien-être universel. Aujourd’hui, le plus important, c’est de sauver des vies et de préserver les populations. C’est ça aussi l’esprit olympique, penser aux autres, aux épreuves qu’ils traversent et tenter d’aménager les choses en conséquence pour que tout le monde s’y retrouve. C’est difficile pour tous les sportifs de haut niveau, mais c’est aussi l’occasion de se rappeler de nos valeurs communes, celles qui nous habitent tous. En ce qui concerne la situation de l’équipe de France féminine de water-polo, je n’ai pour l’instant aucune information sur le TQO. Je suis l’évolution de la situation en essayant de positiver…
De quelle manière ?
Je me dis qu’il nous reste du temps pour travailler. J’ai confiance dans mes coéquipières, je sais que nous mettrons tout en œuvre pour répondre présent le jour J, que de soit fin mai ou plus tard, en fonction des décisions qui seront prises.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Es-tu en contact avec tes coéquipières ?
Oui, bien sûr ! Au-delà du sport, nous sommes également amies. On se donne régulièrement des nouvelles car cette période de confinement est difficile à vivre pour tout le monde. Pour le moment, j’ai le sentiment que toutes les filles digèrent l’annonce du report des Jeux. Chacun l’assimile et ça va encore prendre un peu de temps…
Ce n’est donc pas simple à accepter.
Dans le contexte actuel, c’est ce qu’il fallait faire, j’en suis convaincue, mais peut-être que d’ici quelques jours ou quelques semaines, les choses évolueront et nous serons moins convaincues par cette décision. Je le répète, cela va prendre du temps car au-delà des questions de planning, il y a aussi tous les sacrifices que les joueuses et, de manière générale, tous les athlètes de haut niveau font au quotidienPréparer les Jeux, c’est un investissement total. On ne peut pas faire les choses à moitié. Par conséquent, il est normal que cette décision interpelle. On l’accepte, bien évidemment, parce qu’il s’agit de santé publique, mais il y a forcément des questions. Il faut que chacun se réadapte et revoie ses projets, tant sportifs que personnels.
Plus concrètement, comment s’organisent tes journées en Hongrie ?
Avec une partie de l’équipe, nous sommes parties au Balaton (le lac Balaton est un lac d'eau douce de l'ouest de la Hongrie, ndlr) pour travailler et ne pas perdre le foncier accumulé tout au long de l’année. On fait beaucoup de vélo, du kayak, de la musculation et des exercices de souplesse pour ne pas trop souffrir lorsqu’il faudra relancer la machine (sourire)... Le championnat est suspendu et non annulé. Il devrait reprendre l’année prochaine, enfin normalement, et s’achever probablement en début d’année prochaine. Mais bon, tout cela reste très flou pour le moment.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
On te sent impliquée, consciente des changements à venir et de la nécessité de s’adapter, mais es-tu également inquiète ou préoccupée par l’épidémie de COVID-19 qui se propage à toute vitesse sur l’ensemble de la planète ?
Je suis forcément inquiète pour mes proches. Je les appelle régulièrement pour savoir comment ils se portent. J’ai également fait des études dans le milieu médical alors j’ai beaucoup d’amies qui se retrouvent en première ligne. Ça me préoccupe aussi, d’autant que je me sens protégée en Hongrie. Je ne suis pas au cœur de la bataille. J’essaie surtout de ne pas céder à la panique quand je la sens monter car, à mon échelle, je ne peux rien faire, si ce n’est ne pas contaminer les gens qui m’entourent.
Quand as-tu prévu de revenir en France ?
C’est la grande question ! Pour le moment, je ne peux pas voyager. Pas question de déranger l’ambassade avec mon cas personnel. Mais j’aimerais bien revoir ma famille, surtout pendant cette période. Je ressens le besoin d’être avec eux, mais pas question de prendre des risques. Pour l’instant, je prends mon mal en patience. Je m’entraîne et je fais en sorte de rester positive.
Recueilli par Adrien Cadot