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Le président de la Fédération Française de Natation, Gilles Sezionale, mobilisé à Nice dans le cadre du plan blanc (*), nous a accordé un moment pour évoquer l’épidémie de COVID-19 qui sévit actuellement en France, l’actualité bouleversée de la natation tricolore, l’incertitude qui plane sur les Jeux olympiques de Tokyo et la santé des licenciés, des athlètes et, plus généralement, des Français.

Pour commencer, pouvez-vous nous dire de quelle manière vous vivez le confinement décrété par les autorités ?

Je ne suis pas confiné car j’appartiens aux services de santé. Le plan blanc a été activé à Nice, donc à l’instar des médecins, des personnels soignants et de mes confrères et consœurs pharmaciens, je me tiens à disposition du public.

Vous êtes donc en première ligne.

En première ligne et passablement débordé… J’entretiens, par ailleurs, le lien avec mes collègues de la Fédération Française de Natation. Nous échangeons quotidiennement pour suivre l’évolution de la situation.

Le Bureau fédéral restreint convoqué exceptionnellement vendredi dernier (le 13 mars) a pris la décision de reporter à la fin du mois de juin les championnats de France qualificatifs pour les Jeux olympiques de Tokyo qui devaient initialement se tenir à Chartres du 14 au 19 avril. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Le Bureau du vendredi 13 mars a définitivement acté les dispositions évoquées lors du Bureau du mercredi 11 mars, où l’ensemble des élus avait déjà anticipé les premiers effets de la crise. En effet, on ne peut pas risquer la vie des athlètes et de leurs entraîneurs pendant une compétition. Ça n’aurait absolument aucun sens ! De toute façon, les dernières décisions gouvernementales et les informations qui émanent de l’Agence régionale de santé à laquelle je suis liée par mes activités professionnelles démontrent que l’épidémie de coronavirus continue de progresser. Il paraissait dès lors impossible de maintenir nos activités. Aujourd’hui, il importe de s’en tenir au strict minimum. Les gens peuvent sortir pour se ravitailler, aller chez le médecin ou travailler, quand une autre alternative n’est pas envisageable, mais il est primordial de réduire les rapports sociaux.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Dans ce contexte totalement inédit, avez-vous un message à adresser aux licenciés de la fédération ?

Le sport est notre raison d’être, mais aujourd’hui, tout le monde en a pleinement conscience, nous sommes dans l’urgence absolue. La priorité, désormais, c’est de sauver des vies ! Je suis président de la Fédération Française de Natation, mais je suis aussi pharmacien. Je suis donc bien placé pour rappeler l’importance des gestes barrières (se laver les mains très régulièrement, tousser ou éternuer dans son coude, utiliser des mouchoirs à usage unique, saluer sans se serrer la main, éviter les embrassades, ndlr). Je mesure à quel point les mesures de confinement prises par le gouvernement peuvent être préoccupantes pour des nageurs de haut niveau qui ont besoin de s’entraîner dans la perspective des échéances internationales, à commencer par les Jeux de Tokyo qui doivent se dérouler cet été. Reste que l’urgence, aujourd’hui, c’est d’abord de penser à sa santé et à celle de ses proches. En appliquant les gestes barrières et en restant confiné sans céder à la panique ou à des comportements irrationnels, l’épidémie devrait être contenue. Dans ce contexte, vous le comprenez, le sport passe au second plan.

Avez-vous eu l’occasion d’échanger avec des nageurs de l’équipe de France ?

A ma demande, le Directeur technique national (Julien Issoulié) a adressé, hier (lundi 16 mars), un message à tous nos athlètes. Pour ma part, malgré mes activités professionnelles très intenses en cette période tourmentée, je reste totalement à l’écoute des athlètes des équipes de France, toutes disciplines confondues. Aussi, aujourd’hui, j’aimerais insister sur l’urgence d’une situation qui nous impose la patience. Comme tout le monde, j’espère que cette période de confinement ne s’éternisera pas, mais comme l’a rappelé le président de la République dans son allocution (lundi 16 mars), les mesures pourraient être prolongées si le virus continue de se propager dans la population.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Le président de la République a énoncé différentes mesures destinées à soutenir l’économie du pays. Qu’en est-il des clubs de la fédération ? Allez-vous envisager des solutions pour épauler les structures en difficulté ?

Les annonces du gouvernement demeurent, pour le moment, floues. On parle de report de charges et de prélèvements, mais nous n’en savons pas plus... De notre côté, les annulations du Golden Tour à Marseille, des championnats de France des jeunes à Strasbourg et des championnats de France de Chartres ont évidemment des conséquences financières, mais nous ne sommes pas dans la même problématique que les sports beaucoup plus médiatiques dont le modèle économique repose sur les droits TV. Nous saurons faire face. Quant à nos clubs, et compte-tenu des moyens dont nous disposons, nous ferons en sorte de soutenir les structures les plus pénalisées et de les aider à retrouver le plus rapidement possible une activité à l’équilibre.

Dans le journal l’Equipe d’aujourd’hui (mardi 17 mars), le décathlonien Kevin Mayer demande un report des Jeux olympiques. Partagez-vous sa requête ?

La vraie problématique, c’est l’équité ! A ce stade de l’épidémie, tous les pays et tous les continents n’ont pas encore été frappés par le coronavirus. Or, il ne fait aucun doute que le COVID-19 va continuer de se répandre à travers le monde. Dans ces conditions, et compte-tenu de la proximité des Jeux de Tokyo (juillet-août 2020), je vois mal comment pareil événement planétaire pourrait être maintenu. Et puis que dire aux athlètes qui ne peuvent plus s’entraîner ou qui bricolent dans leur coin pour tenter de maintenir leur état de forme. Bien sûr, un report des Jeux aurait de lourdes conséquences financières, mais l’argent n’est désormais plus au centre de nos préoccupations. La priorité, je le répète, c’est la santé des athlètes, des entraîneurs et des populations... Le reste est accessoire. La décision sera difficile à prendre, c’est certain, mais à ce stade de l’épidémie il est impossible de savoir comment les choses vont évoluer.

En cas de maintien des Jeux olympiques ne serait-ce pas une occasion de revenir à une forme plus authentique et originelle de la compétition, une sorte de « grande fête du sport » ?

Pourquoi pas, mais la question, c’est comment on qualifie les athlètes ? Plusieurs tournois internationaux de qualification ont déjà été annulés et nous avons nous-même reporté nos championnats de France de natation course du 23 au 28 juin sans aucune garantie de retour à la normale. En outre, il est évident que l’épidémie aura eu des conséquences sur la préparation des nageurs. Je le répète, les conditions d’équité ne sont plus réunies pour assurer le bon déroulement des Jeux olympiques. Je comprends la préoccupation des instances sportives, des athlètes de haut niveau et du CIO, mais les enjeux sont désormais tout autre. Aujourd’hui, de nombreux Etats sont dans la tourmente, notamment l’Italie et l’Espagne, et les populations civiles en pleine inquiétude. En plus, rien ne dit que le Japon, épargné jusqu’alors par rapport à la Chine et l’Europe (1 400 malades et 25 décès au 15 mars 2020, ndlr), ne sera pas fortement touché prochainement. Pour l’heure, le pays échappe à l’épidémie, mais comme on a pu le constater ces dernières semaines, le COVID-19 se transmet très rapidement. La situation est encore beaucoup trop incertaine pour prendre des décisions. L’important, aujourd’hui, c’est de préserver les populations et de rassurer les gens qui cèdent à la panique.

Recueilli par Adrien Cadot

(*) Le plan blanc est un dispositif de crise mis en place par le gouvernement en 2004 (déjà précédemment utilisé en cas d’attentat ou de canicule). Activé par le directeur de l’établissement, il permet à l’hôpital dans le besoin « de mobiliser immédiatement les moyens de toute nature dont il dispose en cas d’afflux de patients, ou pour faire face à une situation sanitaire exceptionnelle », en accord avec l’Agence régionale de santé concernée.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

CONSEQUENCES LIEES AU CORONAVIRUS

Suite aux nouvelles directives nationales et à l'effort de solidarité nécessaire face à la propagation du COVID-19, un nouveau bureau directeur de la FFN s'est réuni le vendredi 13 mars, et a entériné les mesures suivantes :

- Les compétions nationales sont suspendues jusqu'à nouvel ordre et ce, dès ce jour.

- Les championnats de France de natation course à Chartres qui devaient se tenir du 14 au 19 avril sont reportés du 23 au 28 juin sous réserve de l'évolution de l'épidémie bien évidemment, et de la tenue des Jeux olympiques aux dates prévues. Un aménagement des modalités de sélections aux Jeux sera proposé au CNOSF dans les prochaines semaines.

- La compétition internationale « FFN Golden Tour Camille Muffat » prévue à Marseille du 20 au 22 mars est annulée.

- Les championnats de France de natation artistique sont reportés à l'automne.

- Les rencontres des championnats de water-polo sont suspendues jusqu’à nouvel ordre.

- Les compétions et meetings, quel que soit le niveau ou le lieu sur le territoire Français, sont suspendus dès ce jour, et ce jusqu'à nouvel ordre.

- La fédération préconise à ses clubs de suspendre leurs activités, et de renoncer provisoirement aux entraînements, stages et activités groupées, à l’exception des groupes « élite » pour lesquels des dispositifs étudiés avec les autorités locales peuvent être envisagés. 

- Le CODIR de la fédération qui devait se tenir en marge du FFN Golden Tour Camille Muffat à Marseille se tiendra en visioconférence.

- L'assemblée générale de la FFN qui devait se tenir les 24 et 25 avril 2020 est repoussée à une date qui sera déterminée en lien avec la Ligue de Normandie où elle était prévue.

- Les formations de l'INFAN et des ERFAN seront privilégiées en visioconférence et ne devront pas excéder des regroupements physiques de plus de 5 personnes.

- Les animations prévues à l’occasion de la « Nuit de l’Eau » feront l’objet d’une communication commune avec l’UNICEF.

Un point hebdomadaire sera fait par le bureau et rendra compte chaque semaine de l'évolution de la situation. La Fédération Française de Natation est consciente des bouleversements que ces dispositions vont induire, mais ne doute pas que tous les acteurs de nos disciplines auront à cœur d’être solidaires, et sauront contribuer dans sa pleine mesure à l’effort national pour surmonter au mieux cette crise sanitaire.

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