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Depuis les championnats d’Europe de Budapest, Maxime Grousset ne cesse d’impressionner à chacune de ses sorties. Dernier fait d’arme pour le sprinteur tricolore: un nouveau record personnel sur 100 m nage libre (47’’89, champion de France le plus rapide depuis Fred Bousquet en 2009) et une victoire face à Florent Manaudou sur 50 m nage libre aux championnats de France de Chartres. Deux performances majuscules qui l’ont propulsé dans une nouvelle sphère. Celle des nageurs tricolores qui peuvent sérieusement envisager une place en finale olympique et peut-être même un accessit sur le podium. Certes le niveau international sur l’aller-retour est absolument ébouriffant (Maxime Grousset a le 11ème temps mondial de la saison), mais l’élève de Michel Chrétien souhaite profiter de son aventure olympique pour poursuivre sa folle ascension et s’inviter à la table des meilleurs sprinteurs de la planète. 

Y-a-t-il un peu d’appréhension avant ces JO qui vont être forcément particuliers ? 

Ça risque d’être un peu contraignant mais je préfère ça à un nouveau report des Jeux. 

Que t’a apporté cette année supplémentaire ? 

Je pense que cela m’a aidé. J’ai gagné en maturité sur la manière d’aborder mes courses et notamment le 100 mètres que je maitrisais moins et que j’appréhende désormais avec davantage de sérénité. J’ai également pu travailler encore plus et progresser tout au long de cette année. 

Tu as cassé la barrière des 48 secondes sur 100 m nage libre. Cela peut-il changer tes ambitions pour les JO ? 

Forcément. Je sais aussi que le niveau mondial a considérablement augmenté. J’ai pour objectif d’intégrer les demi-finales puis la finale. Ensuite on verra bien jusqu’où je peux aller. 

Ce n’était pas forcément l’objectif initial ?

Je voulais déjà me qualifier pour les Jeux olympiques. Aux championnats d’Europe de Budapest, je me suis dit que j’avais le niveau pour prétendre à un accès aux demi-finales et finale. 

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Peux-tu nous expliquer de quelle manière construis-tu ton 100 m ?

J’ai surtout travaillé le relâchement sur la première partie de course. Actuellement, je me laisse surtout aller en essayant d’en mettre le moins possible. J’attaque surtout lors du troisième 25 m. C’est à ce moment-là que j’arrive à faire la différence et derrière j’arrive à ne pas craquer comme ça pouvait être le cas avant. Je continue à accélérer tout du long et c’est ce qui fait la différence sur un 100 m. 

Comment en arrive-t-on à trouver ce relâchement ? 

C’est vraiment de la répétition et de la lourde charge de travail en termes d’intensité. Avec Michel (Chrétien, son entraîneur), nous avons réalisé de nombreuses séries lactiques qui font très mal. Je pense que c’est le seul moyen pour tenir sur un 100 m. Et puis j’ai la chance de disposer d’une vitesse naturelle qui me permet de bien débuter mes courses sans trop dépenser d’énergie. 

Est-ce malgré tout difficile de se freiner un peu sur la première partie de course ? 

C’est vrai qu’on a toujours envie de s’engager le plus possible. Un 100 m, c’est un sprint et j’ai mis du temps à accepter de me relâcher sur le premier 50 m. Ensuite, j’ai constaté que cela fonctionnait et j’ai eu le déclic. Désormais, c’est plus facile. 

D’autant que certains de tes concurrents internationaux partent très vite. N’est-ce pas perturbant ? 

Pour gérer cela, c’est important de travailler sur sa confiance en soi. Il ne faut surtout pas paniquer et être sûr de ses forces. Je sais que je peux prendre mon temps et que je suis capable de remonter sur mes adversaires dans la deuxième partie de course. Aux Euro, je n’ai pas vraiment réussi parce que ceux de devant sont encore un cran au-dessus et négocie bien leur retour malgré un départ plus rapide que le mien. 

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

La réussite du collectif de l’INSEP a été impressionnante à Chartres. Cela permet-il également d’accumuler de la confiance ? 

En effet, avec cinq qualifiés sur dix, on peut être satisfait de nos performances et remercier l’ensemble du staff de l’INSEP. On se tire tous vers le haut tous les jours à l’entraînement et ce n’est donc pas un hasard de nous voir aujourd’hui performer de cette manière. Ce groupe est jeune et préparé pour Paris 2024 à la base. Ça fait plaisir de voir que nous sommes performants dès les JO de Tokyo. 

On te sent particulièrement serein. As-tu parfois de la pression ? 

Je suis de nature assez cool mais j’essaie de rester bien concentré et dans ma bulle. Je ne ressens pas beaucoup la pression. J’ai malgré tout une accélération de mon rythme cardiaque lorsque je monte sur le plot de départ, mais j’associe davantage cela à de l’adrénaline. Je ne me mets pas une grande pression. Je ne prends que du plaisir. On souffre suffisamment au quotidien pour ne pas profiter lorsqu’on arrive sur la grande compétition. C’est l’accomplissement de notre travail de tous les jours. 

Apprécies-tu ces périodes d’entrainement ? 

J’ai appris à aimer l’entraînement. Le fait d’être plus performant rend certaines séries un peu plus facile et j’arrive à y prendre du plaisir, même si je préfère évidemment la compétition. 

Nager aux Jeux olympiques aux côtés des meilleurs nageurs de la planète avec un statut relativement nouveau à assumer ne te fais pas peur ? 

Je pense que je vais ressentir davantage d’adrénaline. Ça avait déjà été le cas aux Mondiaux de Gwangju en 2019 où j’avais réussi à me transcender. Mais je ne vais pas me mettre davantage de pression. Je vais mettre en place les mêmes choses que d’habitude en écoutant ma musique, en prenant le plus d’air possible. J’essaie de ne pas trop regarder les autres en chambre d’appel pour rester concentré. 

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Regardes-tu des vidéos de tes principaux adversaires ? 

Je regarde les meilleurs comme Kyle Chalmers et Caeleb Dressel. Ça me permet de voir ce qu’il faut mettre en place pour nager aussi vite. Je ne suis pas encore à leur niveau et ça me donne forcément des idées. 

Penses-tu qu’ils te regardent ? 

Je ne pense pas. Ils n’ont pas besoin de cela, ils possèdent encore une marge importante sur moi. 

Qu’est-ce qui te sépare d’eux justement ?

Tout. Quand je vois le départ de Caeleb Dressel, qui met 1 mètre à tout le monde ou le retour de Kyle Chalmers qui nage en 24’’00, je me dis que j’en suis encore loin. 

À Chartres, tu as battu Florent sur 50 m. Cela change-t-il tes attentes et ton statut sur cette distance ? 

C’est avant tout une satisfaction personnelle parce que j’avais vraiment envie de le battre. Je ne pense pas que ça changera mon statut. Peut-être que les autres vont me regarder différemment mais pour moi ça ne change rien. Je sais que Florent n’a pas évolué à son meilleur niveau et j’espère que nous nagerons tous les deux plus vite aux Jeux. 

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

As-tu malgré tout une préférence pour le 100 m ? 

La part de stratégie y est plus importante et c’est ce qui rend cette course intéressante. À Budapest aux Euro, j’ai vu dans le coin de ma lunette Kliment (Kolesnikov) et j’ai essayé de me coller à sa ligne pour prendre sa vague. Tout le reste, la vitesse, le nombre de coup de bras, on sait le maitriser parce qu’on le répète quotidiennement à l’entraînement. 

Comment appréhendes-tu les demi et les finales le matin à Tokyo ? 

Ce n’est pas vraiment un sujet. Régulièrement à l’entrainement on fait les intensités le matin et ça ne pose aucun problème. Ça fait bizarre parce que nous ne sommes pas habitués à cette configuration, mais ça n’est pas vraiment gênant. À Chartres, j’ai réussi à réaliser de bons temps dès les séries. Ça me met aussi en confiance. Les épreuves se disputeront sur trois jours, ce qui permettra de se donner à fond à chaque fois. 

Quelle image de sport as-tu des Jeux olympiques ? 

C’est la meilleure compétition, celle dont tout le monde rêve. Je me souviens du 200 m de Yannick Agnel à Londres, au relais 4x100 m nage libre, au 100 m d’Alain Bernard à Pékin. Tous les champions olympiques m’ont forcément marqué. Je regardais surtout la natation et encore davantage le sprint. 

Tu as toujours voulu pratiquer le sprint ? 

Oui, je pense que j’ai des qualités naturelles d’explosivité qui me permettent d’être davantage performant sur de courtes distances, même si j’aimerais bien performer sur 200 m. 

Recueilli par Jonathan Cohen (avec Adrien Cadot et Issam Lachehab)

 

 

MAXIME GROUSSET

Né le 24 avril 1999 à Nouméa

Taille : 1m92

Poids : 77 kg

Club : Amiens Métropole Natation

Entraîneur : Michel Chrétien (INSEP)

Qualifié sur 50 et 100 m nage libre

La phrase : « J’ai disputé en mai dernier les championnats d’Europe de Budapest, où le niveau était hyper dense (sur 100 NL). Les Jeux, ce sera encore un cran au-dessus, mais ça ne me fait pas peur ! Il va falloir que j’élève mon niveau, mais je pense que les demi-finales sont atteignables. Pour la finale, on verra. Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra nager plus vite. Et puis, comme on dit dans le milieu : tant qu’on a une ligne d’eau en finale, on a une chance ! »

 

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