En équipe de France depuis l’âge de 15 ans, Marie Wattel a longtemps porté le costume d’espoir de la natation tricolore sans jamais réussir à confirmer une fois arrivée sur le plot de départ des plus grandes compétitions. Mais désormais, celle qui s’est entraînée à Loughborough (Royaume-Uni) pendant cinq ans a franchi un cap physique et mental qui lui ont permis de devenir championne d’Europe du 100 m papillon en mai dernier à Budapest. Un nouveau statut qu’elle étrennera aux Jeux olympiques de Tokyo avec l’espoir de se rapprocher du podium sur le 100 m papillon et le 100 m nage libre (elle est aussi qualifiée sur 50 m nage libre). Sans oublier le relais 4x100 m nage libre sur lequel les Françaises peuvent nourrir de grandes ambitions.
Abordes-tu les JO avec confiance après cette belle saison ?
Je ne sais pas si je suis en pleine confiance, mais il est certain que j’aborde les prochaines semaines avec sérénité. Je sais que j’ai réalisé une belle année jusqu’à présent. Ça me donne une certaine confiance pour aborder cette dernière échéance. J’espère réaliser de belles choses à Tokyo. Je ressens beaucoup moins d’anxiété qu’il y a cinq ans et j’ai hâte de voir ce que ça peut donner.
Que ressens-tu à l’idée d’aborder cette compétition avec un statut différent de celui que tu avais il y a cinq ans ?
Je me dis que du chemin a été parcouru depuis cinq ans. C’est un plaisir de constater que j’ai réussi à évoluer et progresser. Je suis fière de ma saison et j’espère montrer l’exemple aux Jeux en aidant aussi les plus jeunes à exprimer tout leur potentiel.
À quoi dois-tu cette progression ?
J’ai toujours été consistante dans mes entrainements. Je n’ai jamais lâché ni abandonné. Lorsque j’ai été déçue par mes performances, j’ai toujours voulu faire plus et mieux. Je pense que ça commence à payer. Cela récompense cinq ans d’efforts et de remises en questions.
Le fait de quitter la France t’a-t-il également aidée ?
Cela a constitué le plus gros changement de ma carrière. Ça a été bénéfique parce qu’en Angleterre, mon avis comptait dans la préparation. Mon coach était à l’écoute. C’était une grande décision. Et celle de rentrer à l’issue des JO de Tokyo l’est tout autant, mais je sais que si je veux passer un nouveau cap je dois changer de structure. J’espère que ce changement sera aussi bénéfique que lorsque j’ai rejoins Loughborough.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Que t’a apporté l’ISL dans ton parcours ?
C’était une expérience humaine incroyable. Il y a beaucoup de partage et ça permet d’apprendre aux côtés des meilleurs nageurs de la planète. Les côtoyer permet de se décomplexer et de se rendre compte qu’ils ne sont pas si différents. J’ai ressenti un déclic en me rapprochant de mes adversaires. Elles travaillent dur mais n’ont pas de secret particulier et ne sont pas différentes de moi.
Si l’on en croit ton discours, ta progression est surtout psychologique.
Tout est lié. L’aspect mental a été très important pour moi et m’a permis de franchir un cap. J’ai toujours cru que j’allais avancer à mon rythme petit à petit et j’espère que ce sera encore le cas.
Plus jeune, tu avais du mal à croire pleinement en ton potentiel. A quoi cela était dû ?
Cela passe par l’entrainement. Les meilleures nageuses de la planète sont souvent capables d’encaisser de grosses séries à l’entrainement. Personnellement, je n’ai jamais été une nageuse particulièrement performante à l’entrainement. Ça ne m’aidait pas à prendre confiance pour aborder les compétitions. L’entourage compte aussi et j’avais besoin de soutien autour de moi. Quand je suis arrivée en Angleterre je me suis sentie soutenue, j’ai vu qu’on croyait en moi et ça m’a fait énormément de bien.
Penses-tu que la natation française a un complexe d’infériorité ?
Personnellement, en France je ne me sentais pas mise en valeur. On n’ose pas trop afficher nos ambitions parce que lorsqu’on le fait, on est taxé d’arrogance. Il faut qu’on apprenne à croire en nous. En France on s’appuie trop sur les athlètes les plus talentueux en mettant de côté ceux qui peuvent réussir grâce au travail même s’ils ont moins d’aptitudes à première vue.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Quelles seront tes ambitions à Tokyo ?
J’aimerais disputer deux finales: celle du 100 m nage libre et celle du 100 m papillon. Je disputerai aussi le 50 m nage libre, mais c’est une épreuve vraiment bonus. Si je peux décrocher ma place en finale et ainsi rester toute la semaine ce sera bien. Mais je vais d’abord me concentrer sur les deux 100 m. J’aimerais me rapprocher du Top 5 et pourquoi pas un peu mieux. Je sais qu’en finale, tant qu’on a une ligne on peut viser un podium.
On t’a vu extérioriser davantage à Chartres. Es-tu plus épanouie que par le passé ?
Sur 100 m papillon, lorsque je me suis pré-qualifiée en décembre à St-Raphaël, la période de qualification venait de débuter et je ne pouvais pas complètement exploser de joie. À Marseille lorsque je me suis qualifiée sur 100 m nage libre, j’avais trop mal pour célébrer (rires). À Chartres, j’avais à coeur de célébrer et le 50 m nage libre restera comme l’un de mes meilleurs souvenirs. J’ai pu partager cela avec mes amis de Marseille et de Loughborough qui était dans la piscine.
Quelles seront les ambitions du relais 4x100 m nage libre ?
Depuis quelque temps, on sait qu’on est capable de monter sur le podium. Il faut qu’on continuer à renforcer notre lien. J’y crois. Je pense que l’Australie sera intouchable mais je sais aussi qu’on aura notre chance aux côtés des autres nations.
Qu’est-ce qui vous lie dans ce relais ?
On se connait toutes depuis très longtemps. Je pense que c’est une force. Il y a peut-être davantage de changements dans les autres équipes. Je me suis entraînée avec Béryl, avec Charlotte, j’ai nagé très souvent avec Assia et Margaux. On se connait par coeur et je pense que ça peut être une force.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Ta confiance assez nouvelle te permet-elle d’aborder l’avant course différemment ?
Il faudrait poser la question aux autres filles. Je suis peut-être davantage centrée sur moi-même en chambre d’appel. J’ai besoin d’être dans ma bulle. Mon attitude a un peu changé. Je rentre de manière un peu plus affirmée au bord du bassin. C’est important d’être confiante derrière le plot. .
Redoutes-tu les protocoles sanitaires ?
Il va falloir gérer tout ça. Mentalement, ça peut être difficile à force de rester dans une chambre d’hôtel toute la journée, de manger tout seul. Ce n’est pas idéal mais on doit composer avec ces mesures. On a vécu une année difficile et tout ce qu’on souhaite c’est de participer aux JO. Pour cela, on est prêt à faire des concessions. On fera en sorte que ça se passe du mieux possible.
Recueilli par Jonathan Cohen (avec Adrien Cadot et Issam Lachehab)
MARIE WATTEL
Née le 02 juin 1997 à Lille
Taille : 1m81
Poids : 73 kg
Club : Cercle des Nageurs de Marseille
Entraîneurs : Ian Hulme (Loughborough University Swimming) et Julien Jacquier
Qualifiée sur 100 m papillon, 50 et 100 m nage libre
La phrase : « À Chartres, j’ai encore nagé 53’’3 sur 100 m nage libre, un temps que j’ai réalisé toute la saison. J’espérais aller plus vite, mais je sais qu’il reste des détails à améliorer. J’espère voir ce chrono descendre aux Jeux olympiques de Tokyo. Je me cherche encore sur le premier 50 mètres. Il faut que je trouve mon équilibre comme je suis capable de le faire sur 100 m papillon. Je pense qu’avec un peu de fraîcheur ça ira mieux. »