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Dans le genre « dur à cuire », on ne fait pas mieux. Pour ceux qui ne le connaissent pas, David Aubry, 24 ans, n’a pas le physique sculptural d’un Florent Manaudou, d’un Maxime Grousset ou d’un Mehdy Metella, mais il n’en demeure pas moins aussi résistant qu’endurant. Premier nageur tricolore de l’histoire qualifié pour des Jeux olympiques en eau libre (10 km) et en bassin (en raison de sa médaille de bronze du 800 m nage libre aux championnats du monde de Gwangju, en 2019, ndlr), David Aubry a connu une progression exponentielle tout au long de l’olympiade 2016-2021 ! Sauf que… le sport de haut niveau n’a rien de linéaire. A vrai dire, ce serait même plutôt l’inverse. Blessé à l’épaule en début de saison (et privé des championnats de France d’eau libre à Jablines, ndlr), le natif de Saint-Germain-en-Laye a pris le temps de se soigner avant de signer son retour à l’automne. Trop fort ? Trop dur ? Difficile à dire. Ce qu’il y a de certain, en revanche, c’est que son épaule n’a pas tenu. En janvier dernier, la douleur réapparaît. David insiste. Sous l’œil de son entraîneur Philippe Lucas, il s’obstine. Après tout, les Jeux se profilent à l’horizon. Souffrir, il connaît. En eau libre, on n’est pas du genre à se plaindre. Les baroudeurs de la natation en milieu naturel ont l’habitude de serrer les dents. Pourtant, le spécialiste des épreuves longue distance est contraint de s’arrêter fin mars. Après avoir consulté vainement plusieurs spécialistes, un chirurgien monégasque finit par poser un diagnostic. L’opération est inéluctable. Pas question cependant de renoncer aux Jeux. David repousse l’inéluctable de quelques semaines. Il reprend le 19 avril après avoir consolidé son épaule avec du collagène avant d’enchaîner avec les Euro de Budapest (mai 2021) et les France d’eau libre à Gravelines et ceux de natation course à Chartres (juin 2021). Un « dur à cuire » on vous disait.

Comment va ton épaule ?

J’ai fait une injection de collagène en avril pour lubrifier le tendon. Depuis, j’ai repris l’entraînement. J’ai commencé par deux séances de 6 km avant de repartir sur des séances de 8 km. On a voulu faire une grosse reprise pour voir si mon épaule tenait et éviter de perdre encore du temps. La première semaine, j’ai nagé 8 km en reprenant directement le papillon et les plaquettes. Je n’ai pas ressenti de douleurs particulières et j’ai réussi à enchaîner au fur et à mesure. C’était un vrai soulagement !

Niveau sensation, comment te sens-tu ?

J’avais vraiment de bonnes sensations aux championnats de France d’eau libre (Gravelines, juin 2021). J’ai pu finir le 10 km sans douleur en bataillant pour le podium. Lors des championnats de France de Chartres (15-20 juin), j’ai senti que j’avais repris de la caisse. C’est plutôt bon signe pour la suite parce qu’après mes deux premières semaines de reprises, j’ai eu du mal à retrouver mon niveau. J’avais eu une grosse discussion avec Philippe (Lucas) pour me remotiver et là j’arrive petit à petit à gratter quelques centièmes.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

As-tu songé, à un moment ou à un autre, à faire un choix entre l’eau libre et le bassin ?

Non, jamais !

Pourquoi ?

Parce que je me suis toujours dit que si je reprenais la natation, c’était pour les deux disciplines. Il n’a jamais été question de déclarer forfait. Peut-être qu’en eau libre on sollicite beaucoup plus l’épaule qu’en bassin, mais lorsqu’on nage 8 km par jour, faire 10 km n’a rien d’insurmontable ! En revanche, je me suis posé la question d’arrêter la natation pendant la saison parce que c’était laborieux. Je n’avais jamais vécu une telle épreuve…

A quel niveau ?

Physiquement comme mentalement ! Je voyais tout le monde progresser pendant que je subissais. Quand j’ai repris l’entraînement, en janvier, je me disais que j’étais bien, mais dès que j’ai recommencé à avoir mal, c’était plus fort que moi, je n’y arrivais pas. Je me répétais que si je n’étais pas à 200% physiquement, ça ne servait à rien de continuer. Le fait d’avoir cherché les raisons de ma douleur m’a soulagé parce que c’était long.

Quelle a été l’importance de Philippe Lucas dans ta reconstruction ?

Quand je me suis blessé, il m’a dit qu’on allait trouver une solution. Je suis allé voir un kiné et un ostéopathe, j’ai même fait un IRM. Le but du jeu, c’était que tout aille vite, mais ça n’a pas marché ! De là, il m’a dit qu’il comprenait le fait que si le corps ne va pas, la tête ne suit pas. Il savait que je ne pouvais rien faire à l’entraînement donc il a décidé de stopper mes séances quitte à ne pas faire les Jeux. A partir de là, j’étais dans une course contre-la-montre pour trouver des solutions. J’en ai trouvé une trois mois avant les JO. Niveau timing, c’était juste !

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Te sens-tu compétitif aujourd’hui ?

Oui, je n’ai jamais eu autant d’envie à l’entraînement. Je ne dirais pas que cette épreuve m’a fait du bien, mais elle m’a aidé à grandir. J’étais livré à moi-même et ce qui me frustrait, c’était de ne pas savoir et d’avoir des avis différents en fonction de spécialistes.

Faudra-t-il en passer par une opération ?

Oui, mais ce sera pour plus tard. A la rentrée probablement.

As-tu une idée de la convalescence qui t’attend ?

Elle sera forcément longue, mais je sais que je pourrais revenir à temps pour les échéances de l’année prochaine. J’aurais environ trois mois de rééducation.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Dans quel état d’esprit t’aligneras-tu aux Jeux de Tokyo ?

J’y vais pour être acteur ! Je ne m’entraîne pas pour faire les séries et regarder les finales à l’hôtel. J’ai envie de prouver qu’on peut revenir après une blessure. J’aimerais qu’on se dise : « Aubry is back » (rires)…

Penses-tu briller davantage en eau libre ou en bassin ?

Je sais que je peux m’illustrer sur les deux disciplines. Après, pour ne rien vous cacher, j’ai une petite préférence pour le 800 m nage libre parce que j’adore nager cette course.

(KMSP/Stéphane Kempinaire)

Comment a évolué ta relation avec Philippe Lucas depuis ta médaille de bronze mondial sur 800 m nage libre (Gwangju, 2019) ?

Depuis trois ans, nous sommes assez fusionnels. Il m’écoute davantage quand j’ai des choses à lui dire ou des retours à partager…

Ce n’était pas le cas avant ?

Si, évidemment, mais j’ai désormais le sentiment qu’on avance véritablement ensemble. Certains nageurs n’aiment pas que leur coach sorte de son rôle, mais moi, j’ai besoin d’être rassuré, qu’on me parle, qu’on m’aiguille, quitte parfois à me bousculer un peu. Il m’arrive de lui tenir tête, mais Philippe reste le même. En revanche, il a toujours du mal à accepter qu’un de ses nageurs soit blessé. Quand le médecin lui a dit que je devais ralentir la cadence pour récupérer, ça l’a contrarié. Mais c’est aussi ce qui nous lie parce que ça m’a également frustré. Reste qu’aujourd’hui, je lui dois tout. Et ça, je ne peux pas l’oublier !

Un mot sur le contexte dans lequel se tiendront les Jeux ?

C’est compliqué, bien sûr, mais ça ne m’inquiète pas ! J’ai tellement entendu dire que les Jeux étaient quelque chose de magique que je me dis que même avec le Covid, ça restera une échéance spéciale. Les tests tous les jours, la distanciation, les entrées contrôlées dans le village, ça ne sera pas évident à gérer. Il faudra garder la tête froide, ne pas s’éparpiller ou perdre de l’influx dans les protocoles sanitaires, mais je vais là-bas pour performer, pas pour faire du tourisme.

Recueilli par Adrien Cadot (avec Jonathan Cohen et Issam Lachehab)

DAVID AUBRY

Né le 8 novembre 1996 à Saint-Germain-en-Laye

Taille : 1m90

Poids : 78 kg

Club : Montpellier Métropole Natation

Entraîneurs : Philippe Lucas

Qualifié sur 800 m nage libre

La phrase : « J’ai malheureusement été blessé cette saison, mais je donne tout pour retrouver mon meilleur niveau. J’essaie de rattraper le temps perdu. J’étais content de m’aligner aux championnats de France de Chartres et de batailler avec les meilleurs nageurs tricolores. J’ai abordé cette compétition dans un bon état d’esprit. Désormais, je n’ai plus de douleur. C’est déjà un vrai soulagement. Je laisse ça de côté et pour me concentrer sur les Jeux olympiques. »

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