A cinq ans des Jeux Olympiques de Paris (mais à seulement un an et demi des JO de Tokyo programmés en 2020), Richard Martinez, Directeur de la natation course à la Fédération Française de Natation, commence à lever le voile sur les modalités de préparation du rendez-vous parisien. Parmi les nombreux chantiers amorcés ces derniers mois, celui de la relève occupe – évidemment – une place particulièrement importante dans le dispositif tricolore. Ainsi, un Collectif Olympique Relève a été inauguré fin 2018. Il recense 67 nageurs d’avenir dont nous n’avons certainement pas fini d’entendre parler. Etat des lieux en compagnie du directeur de la discipline.
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Les Jeux de Paris se tiendront dans cinq ans. La préparation olympique a-t-elle déjà commencé ?
La préparation a débuté le jour où Paris a été désignée pour l’organisation des Jeux en 2024. Dans cette perspective, nous avons créé deux collectifs olympiques : un premier qui rassemble les seniors et les post-juniors filles 19 à 21 ans et garçons 20 à 21 ans et un second s’adressant à de plus jeunes nageurs. Nous les avons baptisés le « Collectif Olympique Senior » (COS) et le « Collectif Olympique Relève » (COR).
Ces collectifs sont-ils perméables ?
Il y aura, bien évidemment, des passerelles de l’un à l’autre en fonction des résultats. Pour l’heure, il faut retenir que le Collectif Olympique Senior regroupe des nageurs d’ores et déjà focalisés sur les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Il s’agit, je le répète, de nageurs confirmés qui ont déjà une expérience sur la scène internationale et des arguments à faire valoir. Les athlètes du Collectif Olympique Relève sont, quant à eux, concentrés sur du plus long terme, à savoir les Jeux de Paris en 2024.
Les critères qui régissent ces collectifs sont-ils purement chronométriques ou avez-vous également tenu compte du développement physique et cognitif de certains potentiels ?
C’est une vraie problématique ! Disons qu’il y a un premier filtre national qui repose sur le niveau de performance. Le chronomètre reste le juge de paix, l’élément incontournable de notre procédure de sélection. Toutefois, nous avons tenu à amorcer le projet « Pari 2024 » (*) en parallèle de la constitution des collectifs de préparation olympique afin de mobiliser les cadres techniques régionaux et les Ligues de la Fédération Française de Natation pour élargir notre maillage à l’échelle locale. Il s’agit de créer des dynamiques locales en soutien de l’élan impulsé au niveau national afin de ne laisser aucun athlète sur le bord du chemin.
Le Collectif Olympique Relève rassemble une soixantaine de nageurs d’avenir. Cela constitue-t-il un vivier satisfaisant pour la natation tricolore.
C’est une bonne base de départ. On aurait peut-être pu en espérer davantage, mais c’est déjà très satisfaisant…
D’autant qu’il y a deux ans, au lendemain des Jeux Olympiques de Rio, on entendait (souvent) dire qu’il n’y avait pas de relève.
C’est vrai ! Toutefois, et j’insiste sur ce point, les jeunes que nous avons regroupés au sein du Collectif Olympique Relève n’ont aucune assurance de réussite pour l’avenir. Le haut niveau n’offre aucune garantie. Reste que si notre natation ne disposait pas d’un vivier conséquent, il serait difficile de se projeter sérieusement sur l’échéance olympique de 2024. Ces collectifs doivent nous permettre de rendre les choses possibles, de donner corps à notre ambition olympique. C’est un peu ça la philosophie de ce « Pari 2024 ». Il en va de notre responsabilité.
(KMSP/Stéphane Kempinaire).
Peut-on parler d’une responsabilité de « renouvellement générationnel » ?
Les Jeux Olympiques de Paris constituent indubitablement un accélérateur, mais il faut aussi admettre que depuis plusieurs années nous avions quelque peu « négligé » ce renouvellement générationnel. Aujourd’hui, il est temps d’amorcer une nouvelle dynamique ! La saison dernière, nous avons modifié les programmes sportifs. Cette saison, nous avons mis en place le Collectif Olympique Senior ainsi que le Collectif Olympique Relève. Nous avançons, une étape après l’autre, en tachant de n’oublier personne et de structurer significativement notre discipline. Malgré tout, il reste encore du travail. Je dirais même que nous n’en sommes qu’aux balbutiements. Charge à nous de mobiliser les énergies autour des potentiels de demain pour aborder les Jeux Olympiques de Paris dans les meilleures conditions.
Qu’entendez-vous par « mobiliser les énergies » ?
Associer à la réflexion et au choix des orientations un plus grand nombre d'acteurs alors qu’elle était jusqu'alors réservée à la seule responsabilité de la direction technique nationale. Rompre avec la verticalité passée des prises de décisions qui poussaient au rang de second rôle les principaux acteurs de la performance. Aujourd’hui, nous voulons rayonner sur l’ensemble du territoire afin de partager nos projets. Je ne crois pas à l’homme providentiel. Il faut fédérer les énergies. Je suis favorable à la mutualisation de nos compétences et de nos savoir-faire. Il faut absolument associer le plus grand nombre d’acteurs à cet objectif olympique.
Parmi la soixantaine de jeunes retenus au sein du Collectif Olympique Relève quelques-uns ont d’ores et déjà signé des performances convaincantes, voire prometteuses. Comment allez-vous les préserver des espoirs qu’ils vont irrémédiablement susciter ?
Le but du collectif, c’est aussi de montrer qu’on est plus fort ensemble qu’individuellement. Notre rôle, c’est de leur apprendre que seuls, ils auront beaucoup moins de chance d'atteindre l'objectif. C’est vraiment en travaillant conjointement avec d’anciens athlètes, des coaches ou des médecins, par exemple, qu’ils vont pouvoir concrétiser leur rêve olympique. A nous de nous montrer suffisamment convaincant pour les entraîner dans notre sillage. A nous aussi d’imaginer et de mettre en place les outils nécessaires à pareil développement. Dans cette perspective, il faudra évidemment leur apprendre à relativiser certains succès, à ne pas dramatiser ou tout remettre en cause à la première contre-performance. Notre ambition, c’est de baliser leur progression, de les mener petit à petit jusqu’au plus haut niveau. C’est un apprentissage qui demande du temps et de la patience, de la détermination et de l’abnégation.
D’autant que ces espoirs sont encore très jeunes.
Voilà pourquoi nous devons à tout prix les préserver du doute, des questions qu’ils vont obligatoirement se poser au fil des compétitions, mais des sollicitations des sponsors ou des médias qui pourraient entraver leur progression et les détourner du projet olympique.
(KMSP/Stéphane Kempinaire).
A vous entendre, on a presque le sentiment que vous essayez de combler les carences de détection que la natation française enregistre depuis plusieurs années.
Il importe de rester humble. Nous ne sommes pas là pour tout révolutionner. Ce serait arrogant de le prétendre. D’ailleurs, plutôt que de parler de détection, je préfère le mot « orientation ».
Pourquoi ?
Je ne suis pas certain qu’à l’heure actuelle nous sachions déterminer et identifier avec précision les paramètres qui vont faire qu’un jeune va devenir un virtuose dans sa discipline. Je reste très sceptique par rapport à ce genre de prévision parce que les contre-exemples ne manquent malheureusement pas. En revanche, mettre en place un environnement propice à l’émergence de talents, je crois que c’est important et nécessaire.
Le collectif Olympique Relève regroupe 24 filles pour 43 garçons. Comment expliquez-vous ce déséquilibre ?
Comme je l’ai dit précédemment, ce collectif est vivant ! Ces chiffres ne sont donc absolument pas figés. Ils évolueront avec le temps. Malgré tout, je pense qu’ils sont le reflet de la société française. La participation féminine dans le sport est relativement récente. Je pense que malheureusement, nous sommes encore dans une vision très masculine du sport. La parité progresse, mais cela va demander du temps avant de faire évoluer les mentalités. D’autant que je ne vois pas pourquoi les filles seraient moins performantes que les garçons. En natation, nous avons eu d’immenses championnes comme Catherine Plewinski, Roxana Maracineanu, Laure Manaudou, Solenne Figues, Camille Muffat, Coralie Balmy et maintenant Charlotte Bonnet. Et puis, les filles présentent souvent une maturité intellectuelle et cognitive plus précoce que les garçons.
Qu’en est-il également de la représentation des spécialités au sein du Collectif Relève Olympique ?
Je constate que nos jeunes sont plus en difficulté dans les nages de spécialité que dans le crawl. Mais est-ce que c’est parce que nous sommes plus compétents en nage libre ou parce que nous allons au plus simple compte-tenu des moyens dont nous disposons ? Difficile à dire. Peut-être que les conditions d’entraînement, pas toujours idéales, nous incitent inconsciemment à privilégier la nage libre, celle qui se prête le mieux à une pratique collective.
Recueilli par Adrien Cadot
(*) Pari sans « s » et non Paris, la capitale.
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