L’équipe de France d’eau libre est arrivée aujourd’hui (mercredi 12 février) à Doha (Qatar), où se disputera samedi (15 février) la première manche de coupe du monde FINA Marathon de la saison. Un rendez-vous important sur le chemin des Jeux de Tokyo puisqu’il réunira l’ensemble des spécialistes mondiaux de la discipline. David Aubry (Montpellier Métropole Natation), qualifié pour le 10 km olympique, revient avec nous sur ses attentes pour la compétition de Doha, et plus largement sur sa préparation visant à concilier ses objectifs en bassin comme en eau libre au Japon, l’été prochain.
Qu’attends-tu de cette étape de Coupe du Monde à Doha ?
J’ai envie de prendre du plaisir à faire une course comme j’en ai l’habitude, mais surtout de me jauger par rapport à la concurrence internationale. A moins de six mois des Jeux, ça sera intéressant d’observer mes adversaires, de voir s’ils ont progressé. Plus particulièrement l’Allemand Florian Wellbrock (champion du monde en titre sur 10 km et sur 1 500 m en bassin, ndlr) et l’Italien Gregorio Paltrinieri (champion olympique en titre sur 1 500m en bassin, ndlr) qui seront comme moi alignés en eau libre et en natation course aux Jeux de Tokyo. Sans oublier Ferry Weertman (champion olympique en titre sur 10 km, ndlr) et Marc-Antoine (Olivier). Le niveau sera très relevé, digne des Jeux, ça sera donc intéressant de voir où chacun en est.
Cette course sera pour toi l’occasion de répéter ta stratégie sur 10 km en vue des Jeux ?
Oui, car les Jeux vont arriver vite. On a travaillé très dur à l’entraînement depuis septembre. C’est bien de faire une compétition à ce moment-là de l’année, à mi saison, en se confrontant aux meilleurs nageurs mondiaux. Malgré la coupure de Noël, je me sens bien dans l’eau, bien physiquement et bien dans la tête.
(KMSP/Stéphane Kempina
Tu as affiché un très haut niveau de performance au mois de décembre en bassin. Tu penses avoir ce weekend un niveau de forme similaire ?
Oui, mais avec une différence importante : en décembre, j’avais eu une période d’affutage pour les championnats d’Europe et les championnats de France. Là, j’ai nagé comme d’habitude, très dur, avec de la musculation et des séances de course à pieds. J’arrive sur cette coupe du Monde un peu « défoncé ». Mais si l’on veut performer, atteindre le plus haut niveau, il faut savoir se dépasser quand on est fatigué, aller au bout de soi-même. Je pense que c’est important justement de prouver que même épuisé je peux faire de belles choses.
Comment va s’articuler ton programme jusqu’aux Jeux ?
Nous allons enchaîner avec un stage de deux semaines à Belek en Turquie juste après la Coupe du Monde de Doha. Ça va être cool de casser un peu la routine de Montpellier, c’est toujours intéressant de sortir de son confort. Ensuite, j’enchaînerai avec le meeting de Marseille, puis les championnats de France en bassin. Nous poursuivrons par un stage avec l’équipe de France eau libre aux Seychelles, mais je n’y disputerai pas la manche de coupe du Monde sur place. Puis nous partirons à Budapest pour les championnats d’Europe, où je ne nagerai que les épreuves de demi-fond en bassin.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Pourquoi ce choix de ne pas disputer ces différentes épreuves d’eau libre ?
Avec Philippe (Lucas, son entraîneur), nous avons décidé que je ne nagerai pas le 10 km des Seychelles car les championnats d’Europe auront lieu juste après, et un 10 km quelques jours avant puiserait beaucoup d’énergie. Je ne disputerai pas les épreuves d’eau libre aux championnats d’Europe car les courses se nageront en eau froide avec combinaison néoprène. J’ai les épaules fragiles, porter ce type de combinaison sur une course de 10 km risquerait de les fragiliser encore davantage, c’est un risque inutile. De plus, cela n’apporterait pas beaucoup d’enseignements pour les Jeux, où la course aura lieu en eau chaude. Ça serait du temps de gâché dans ma préparation plus qu’autre chose. Je ne nagerai d’ailleurs pas non plus les championnats de France eau libre mi-juin, en vue de privilégier l’entraînement à quelques semaines des Jeux.
A Tokyo, tu vas enchaîner une semaine de natation course puis l’épreuve d’eau libre sur 10 km. Comment abordes-tu ce challenge ?
On s’entraîne très dur tout au long de l’année, chaque jour, matin et après-midi, afin d’aller puiser dans nos ressources les plus lointaines. Je pense que ces capacités qu’on développe et qu’on évalue tous les jours vont nous servir à enchaîner les épreuves sur deux semaines de compétition. Ce seront mes premiers Jeux. Avec Philippe, on fait beaucoup de travail afin de ne pas être surpris le jour J. Depuis septembre, j’ai un programme personnalisé au sein du groupe, avec un niveau d’exigence particulier. Je fais des séries avec des distances et des temps de départ spécifiques. Le matin, je nage seul, avec des temps de départ plus durs dès l’échauffement, avec des séries spécifiques pour mes épreuves de bassin ou d’eau libre. L’après-midi, je fais généralement la grosse série avec le reste du groupe. Aux Jeux, les épreuves d’eau libre auront lieu tôt le matin, les séries qualificatives en bassin seront programmées l’après-midi et les finales le matin. C’est pour cela que l’on redouble d’effort, afin d’être au top aussi bien le matin que l’après-midi.
(KMSP/Stéphane Kempinaire)
Au niveau mental, tu dis te sentir fort. Comment travailles-tu cet aspect psychologique pour continuer à être serein et mobilisé malgré la difficulté ?
D’abord, je suis plutôt serein car je suis déjà qualifié pour les Jeux. C’est une grosse pression en moins. Et puis je me dis que je travaille pour performer aux Jeux, pour une grande cause. C’est un grand moteur pour se lever tous les matins. Philippe sait aussi trouver les mots pour nous mettre en confiance.
Dans tes mots, on devine un excellent rapport nageur/entraîneur avec Philippe.
Il n’est pas facile tous les jours, mais il me correspond bien. C’est vraiment cool d’avoir un entraîneur comme lui qui te pousse vers le haut tous les jours.
Quels seront tes objectifs à Tokyo ?
Je ne ferai pas de pronostics concernant les médailles. Je veux juste donner le meilleur de moi-même et représenter fièrement les couleurs de la France. Bien évidemment, je n’y vais pas pour finir huitième, mais je ne me mets pas de pression de résultat, cela ne sert à rien. Je ne vois pas pourquoi je m’ajouterais du stress inutilement. Il y aura les mêmes adversaires qu’aux championnats du Monde en 2019. Je ne me prends pas le chou, je m’entraîne bien au quotidien, je n’aurai aucun regret à l’issue des Jeux. L’an dernier, j’ai mis la barre haut chronométriquement, mais je sais que je peux faire encore mieux.
Recueilli par Florian Lucas